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La Cour suprême se penche sur l’accord entre Netanyahu et Gantz

Durant les débats de la Cour, des dizaines d'Israéliens ont manifesté près de la salle d'audience et devant la résidence officielle de M. Netanyahu à Jérusalem. KEYSTONE/EPA/ABIR SULTAN sda-ats

(Keystone-ATS) Un gouvernement d’union en Israël entre Benjamin Netanyahu et Benny Gantz est-il légal? Le Premier ministre peut-il former le prochain gouvernement malgré son inculpation pour corruption? La Cour suprême a commencé dimanche à se pencher sur ces questions explosives.

Dans l’espoir de mettre un terme à la plus longue crise politique de l’histoire d’Israël, le Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu et son ex-rival Benny Gantz ont enterré la hache de guerre il y a deux semaines et signé un accord pour un gouvernement d’union.

Cet accord doit aussi permettre à Israël de sortir de la crise du Covid-19 qui a officiellement fait un peu plus de 200 morts et ébranlé l’économie du pays qui a vu son taux de chômage passer de 3,4% à 27% en un mois. Mais il ne fait pas l’unanimité. Des manifestations nocturnes ont eu lieu à Tel-Aviv pour dénoncer la “mort” de la démocratie israélienne.

Partage du pouvoir

La justice a été saisie de huit plaintes. L’une d’elle émane de parti Yesh Atid, qui était membre de la coalition centriste “Bleu Blanc” de Benny Gantz avant que ce dernier ne pactise avec M. Netanyahu. Cette formation a estimé que certaines clauses de l’accord violeraient les lois fondamentales, l’équivalent d’une Constitution.

L’accord prévoit que M. Netanyahu sera Premier ministre pendant 18 mois, suivi par M. Gantz pour une période équivalente. Les postes de ministres seront partagés équitablement entre les deux camps qui s’engagent aussi à discuter à partir de juillet du projet d’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies juives en Cisjordanie.

Juges masqués

A moins que la justice ne vienne contrecarrer ces plans. Dimanche, onze juges de la Cour au visage barré de masques se sont réunis pour une séance retransmise en direct sur des chaînes locales pour discuter de la question: un élu, Benjamin Netanyahu en l’occurrence, peut-il diriger le prochain gouvernement malgré son inculpation?

Suivra lundi une seconde interrogation: l’accord est-il légal? Une délibération rapide est attendue car la pacte a jusqu’à jeudi pour être validé par le Parlement.

Détenteur du record de longévité au poste de Premier ministre en Israël, M. Netanyahu, 70 ans, a été mis en examen pour corruption, malversation et abus de confiance dans une série d’affaires. Son procès qui devait s’ouvrir mi-mars a été repoussé à la mi-mai en raison des mesures anticoronavirus.

“Un échec”

Si en Israël un Premier ministre peut rester en fonction malgré des charges criminelles contre lui, qu’en est-il d’un élu qui s’apprête à diriger le prochain gouvernement?

Dimanche, durant les débats de la Cour, des dizaines d’Israéliens ont manifesté près de la salle d’audience et devant la résidence officielle de M. Netanyahu à Jérusalem.

Pour Tmira Stareck, l’incapacité de M. Netanyahu à assurer un autre mandat est flagrante. “Le fait même que nous ayons besoin de discuter de la question évidente – un homme inculpé formant un gouvernement est déjà un échec, c’est déjà anormal”, a-t-elle dit. “Embaucherais-tu quelqu’un qui est accusé d’être un criminel? Non!”

Nouvelles élections ?

Le parti Likoud de M. Netanyahu estime que rien n’empêche un élu inculpé d’être mandaté pour former le gouvernement. Et dans un avis à la Cour suprême, le procureur général Avichaï Mandelblit, qui a inculpé M. Netanyahu pour corruption, estime “qu’il n’y a pas ici matière à intervenir pour la justice”.

Les détracteurs de l’accord estiment quant à eux que certaines clauses ne respectent pas les lois fondamentales, comme par exemple la tenue d’élections dans trois ans, alors que la loi prévoit une mandature de quatre ans, ou le gel des nominations à la tête des services publics pour six mois.

A ce titre, le procureur Mandelblit a signifié que l’accord présentait des “difficultés (légales, ndlr) importantes” qui ne méritaient toutefois pas de l’invalider.

Si la Cour suprême juge que M. Netanyahu ne peut pas servir comme Premier ministre, “ce sera un tremblement de terre, une attaque inédite contre la démocratie”, a estimé le ministre de l’Energie Yuval Steinitz.

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