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La santé mentale des migrants aggravée par les conditions d’accueil

Les conditions d'accueil des requérants d'asile tendent à maintenir, voire aggraver d'éventuels troubles psychologiques préexistants (archives/image symbolique). KEYSTONE/GEORGIOS KEFALAS sda-ats

(Keystone-ATS) Les conditions d’accueil des migrants contribuent à maintenir, voire à aggraver leurs troubles psychiques. C’est le constat d’une étude de psychologues genevoises et neuchâteloises qui ont effectué une synthèse de dix ans de recherches.

Trois chercheuses des universités de Genève (UNIGE) et Neuchâtel (UNINE) ont synthétisé une quinzaine d’études parues entre 2007 et 2017 et menées dans différents pays européens dont la Suisse. Elles démontrent que le syndrome de stress post-traumatique et la dépression, par exemple, sont aggravés, réactivés, voire provoqués par les conditions d’accueil difficiles réservées aux migrants.

Cette synthèse “montre que loin de résoudre les problèmes de la migration, le durcissement des conditions d’accueil génère au contraire une incompréhension, un épuisement et une importante détresse psychologique chez des populations déjà passablement vulnérables”, indique Betty Goguikian Ratcliff, de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’UNIGE, citée vendredi dans un communiqué ce cette dernière.

La durée de la procédure d’asile et la crainte du renvoi, cumulées aux expériences pré-migratoires, créent un phénomène d’usure et débordent les capacités de résilience des réfugiés. Ceux-ci font alors face chacun à sa manière: alcoolisme, dépression, difficultés respiratoires ou douleurs somatiques.

“Ces maux somatiques sont des douleurs réelles, mais souvent sans raison physique. Ils sont l’expression d’une importante détresse psychologique, liée aux enjeux de la migration, que de meilleures conditions d’accueil pourraient en partie éviter”, ajoute Gail Womersley, chercheuse à l’UNINE, qui a interrogé directement des réfugiés dans des camps à Athènes.

Des exigences contradictoires

La précarité du statut légal, notamment le permis F (admission provisoire renouvelable à l’année, accordé pour des motifs qui rendent le renvoi non exigible) bloque, de fait, l’accès au marché du travail. Ce permis, mal connu des employeurs, entraîne une frilosité à l’embauche, alors que ces personnes ont légalement le droit de travailler.

Les demandeurs d’asile sont ainsi confrontés à des attentes contradictoires, pris entre l’exigence d’une intégration rapide et les obstacles mis à cette même intégration. Pour les chercheuses, il s’agirait de raccourcir les délais d’attente et d’instaurer une politique inclusive permettant de recréer un sentiment d’appartenance à une communauté.

Une telle approche psychosociale serait de nature à remettre sur pied et à intégrer des personnes ayant perdu leurs repères, selon ces travaux publiés dans le journal higlights, le magazine électronique du Pôle national de recherche “NCCR – On the Move”. La Suisse compte 1,4% de demandeurs d’asile, dont 22% obtiennent finalement le statut de réfugié.

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