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La Suisse critiquée à Genève pour sa position sur l’Arabie saoudite

L'attitude de la Suisse face à l'Arabie saoudite et le refus de s'associer à une déclaration au Conseil des droits de l'homme a été ciblée. KEYSTONE/PETER SCHNEIDER sda-ats

(Keystone-ATS) Trente-six pays ont appelé jeudi à Genève Ryad à libérer des militantes saoudiennes et à collaborer avec l’enquête de l’ONU sur le meurtre de Jamal Khashoggi. Berne ne s’associe pas parce qu’elle estime s’être déjà exprimée. Amnesty International (AI) se dit “déçue”.

La déclaration lancée jeudi devant le Conseil des droits de l’homme par l’Islande au nom des Etats de l’UE et de quelques autres pays constitue une première protestation de cette étendue contre l’Arabie saoudite devant cette enceinte. Parmi ses revendications, elle demande la libération de plusieurs militantes saoudiennes des droits de l’homme détenues. Un appel qui avait déjà été lancé la veille par la Haute commissaire aux droits de l’homme Michelle Bachelet.

Début mars, les médias officiels saoudiens avaient affirmé que ces militantes, détenues depuis de nombreux mois, seraient poursuivies. L’ambassadeur islandais auprès de l’ONU a fait part d’une “préoccupation significative” face aux indications de nombreuses arrestations et détentions.

De son côté, l’Arabie saoudite a à nouveau affirmé qu’elle redoublerait d’efforts pour la protection des droits de l’homme. Elle a relevé que les militantes n’ont pas été arrêtées en raison de leurs activités mais parce qu’elles ont perpétré des crimes. Et de dénoncer l’utilisation du Conseil des droits de l’homme par certains Etats pour des raisons “politiques”.

L’ambassadeur islandais a également “condamné dans les termes les plus fermes possibles” le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Le groupe d’Etats appelle Ryad à dévoiler toutes les données sur cette affaire et de collaborer avec la mission d’enquête de l’ONU.

Réputation mise à mal

La rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires Agnès Callamard, qui pilote les investigations, doit encore rendre ses conclusions. Mais elle a déjà estimé avoir des “preuves” qui montrent que le meurtre a été “planifié et perpétré” par l’Etat saoudien.

Le refus suisse de soutenir la déclaration est “profondément décevant” et “portera à nouveau gravement atteinte à la réputation de la Suisse” sur les droits de l’homme, estime AI. Berne a déjà été critiquée sur plusieurs positions internationales ces derniers mois.

Il y a moins de deux mois, en marge du Forum économique mondial (WEF) de Davos, le président de la Confédération Ueli Maurer avait affirmé qu’il souhaitait normaliser les relations avec l’Arabie saoudite après le meurtre de Jamal Khashoggi. Il avait ensuite estimé que ses propos avaient été mal compris.

Le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis avait ensuite tenté d’apaiser la polémique sur cette affaire dans son discours au début du Conseil des droits de l’homme il y a dix jours, rendant hommage notamment au journaliste.

Pas convaincue

La Suisse ne s’associe pas à la déclaration publiée jeudi, “non pas parce qu’elle ne partage pas le contenu” de la déclaration “mais parce qu’elle s’est déjà exprimée”, a dit à Keystone-ATS la porte-parole de la mission suisse auprès de l’ONU à Genève.

Cette position ne convainc pas Amnesty International. L’ONG affirme que la normalisation ne doit pas être accompagnée d’un refus suisse de prendre position sur des militantes “arrêtées arbitrairement et torturées”.

Jeudi, la Suisse a appelé devant l’enceinte onusienne les Etats à s’opposer à “tout acte d’intimidation et de représailles” contre les défenseurs des droits de l’homme. Auparavant, la secrétaire générale adjointe de l’ONU Amina Mohammed avait demandé aux pays d'”accélérer” l’application des Objectifs du développement durable (ODD). Les droits de l’homme et les populations doivent être au centre de cet effort que les Etats doivent s’approprier, a-t-elle dit.

Plusieurs pays se sont aussi inquiétés de la crise politique et économique au Venezuela. Mercredi soir, la Haute commissaire avait annoncé qu’une mission technique se rendrait la semaine prochaine dans ce pays. Celle-ci doit évaluer le scénario d’une visite de Mme Bachelet qui demande des garanties dont la possibilité de rencontrer qui elle souhaite.

La Haute commissaire avait aussi à nouveau demandé à Pékin de laisser entrer des membres de l’ONU au Xinjiang où elle est inquiète des camps d’internement de Ouïghours. Jeudi, la Chine a expliqué que des membres du Haut-Commissariat peuvent se rendre dans la région à condition d’honorer certains dispositifs.

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