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Yémen: alliés du régime très présents parmi les donateurs à Genève

L'ONU et la Suisse estiment que les enveloppes annoncées par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis contribuent à une aide indispensable malgré leur rôle dans le conflit aux côtés du gouvernement. KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) Arabie saoudite et Emirats arabes unis, alliés du régime, ont marqué la réunion de donateurs sur le Yémen à Genève. Ils ont engagé mardi environ 30% des 2,6 milliards promis. La Suisse dit que cette aide ne les exonère pas d’honorer le droit et elle veut plus d’accès.

Devant la presse, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a dit avoir pris des positions affirmées sur le conflit “qui ont provoqué des réactions” par le passé. Mais “il faut aussi reconnaître l’importante contribution” de ces Etats mardi à Genève, a-t-il ajouté en se félicitant du montant dégagé, 30% de plus que lors de la conférence en 2018.

A eux deux, l’Arabie saoudite et les Emirats ont promis 750 millions de dollars (environ 750 millions de francs). Les besoins, évalués cette année à près de 4,3 milliards de francs, sont énormes et ces ressources financières sont indispensables, fait remarquer à Keystone-ATS le chef du Corps suisse d’aide humanitaire, Manuel Bessler.

Pour autant, l’enveloppe saoudienne et émiratie ne donne pas droit à ces deux pays de la coalition qui soutient le gouvernement en exil contre les rebelles Houthis de violer le droit international humanitaire (DIH), insiste l’ambassadeur. Or, “on en est pas encore là”, dit M. Bessler. Trop souvent, les parties n’honorent pas leurs obligations.

Moins d’accès pour la Suisse

De son côté, Médecins Sans Frontières (MSF) dénonce deux Etats responsables de la “multiplication des besoins humanitaires” et qui entravent l’acheminement de l’aide.

Pour la Suisse, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, qui présidait la conférence avec l’ONU et la Suède, a annoncé 54 millions de francs sur quatre ans, soit 13,5 millions pour 2019. “Nous n’avons pas le droit d’oublier” les Yéménites qui subissent le conflit depuis quatre ans, a-t-elle dit dans son discours.

La Suisse finance l’assainissement et la distribution d’eau potable, la protection de la population civile et la sécurité alimentaire. Outre l’aide d’urgence, elle contribue à un soutien à plus long terme, ajoute Mme Sommaruga.

Mais Berne se plaint d’un accès encore insatisfaisant. Preuve en est, M. Bessler souhaite se rendre à nouveau à Sanaa et Hodeïda depuis près d’un an. Le gouvernement et les rebelles sont d’accord, mais il attend toujours le feu vert de Ryad. Alors, il a interpellé mardi sans succès directement l’ambassadeur saoudien au Yémen devant les autres Etats membres.

Amélioration pour l’ONU

En revanche, il ne se prononce pas sur de nouvelles révélations dans la presse sur les activités controversées de Pilatus en Arabie saoudite. Dans les discussions humanitaires avec les rebelles, les Houthis n’ont jamais rien “reproché” à la Suisse sur cette question, dit-il.

Au total, près de 25 millions de Yéménites, soit 80% de la population, ont besoin d’une assistance face “à la pire catastrophe humanitaire dans le monde”. Parmi eux, 10 millions sont au bord de la famine et 20 millions feront face à d’importantes difficultés d’accès à la nourriture sans soutien.

Mardi, le Programme alimentaire mondial (PAM) venait de confirmer avoir pu se rendre pour la première fois depuis six mois dans une minoterie à Hodeïda bloquée en raison des violences. A l’intérieur, de la nourriture pour plus plus de 3,5 millions de personnes pour un mois. “Cet accès est seulement la première étape” vers une récupération du site, a affirmé un porte-parole.

Emissaire onusien au Yémen

Outre sa contribution à l’aide d’urgence, la Suisse débloque également un million supplémentaire pour le soutien aux efforts de paix menés par l’émissaire de l’ONU Martin Griffiths. Mme Sommaruga a répété au Premier ministre yéménite Maïn Abdelmalek Saïd la disponibilité suisse d’accueillir des pourparlers qui, après un échec à Genève, se sont déplacés récemment en Suède.

Après l’accord récent entre le gouvernement et les rebelles Houthis, appuyés par l’Iran, le retrait de la ville d’Hodeïda constitue “une étape cruciale”, a estimé la conseillère fédérale. M. Griffiths est arrivé mardi à Sanaa pour discuter avec les rebelles de cette situation. Ceux-ci ont été accusés par M. Saïd d’être responsables du manque d’accès pour les organisations internationales.

En quatre ans, le conflit a fait quelque 10’000 victimes, selon l’ONU. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme attribue près de deux tiers des décès de civils à la coalition.

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