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Gouvernement et indigènes trouvent un accord en Equateur

Les leaders indigènes ont fait éclater leur joie dimanche à Quito à l'annonce du retrait du décret polémique supprimant les subventions au carburant. KEYSTONE/AP/FERNANDO VERGARA sda-ats

(Keystone-ATS) Le gouvernement équatorien et le mouvement indigène ont trouvé dimanche un accord pour sortir de la crise sociale qui paralyse le pays depuis 12 jours. Le premier a retiré le décret supprimant les subventions au carburant; le second met fin à sa mobilisation.

Les deux parties se sont mises d’accord sur la préparation d'”un nouveau décret qui annule le décret 883″ sur l’essence, et “avec cet accord la mobilisation se termine”, a annoncé Arnaud Peral, représentant en Equateur de l’ONU, qui a facilité avec l’Eglise catholique la tenue d’un dialogue.

“Les mesures appliquées dans tous nos territoires sont levées”, a confirmé le président de la Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur (Conaie), Jaime Vargas, visage peint et tête coiffée d’une couronne de plumes.

Le pays andin est à l’arrêt depuis près de deux semaines, entre blocages de routes, transports publics quasi inexistants et puits pétroliers d’Amazonie à l’arrêt, ce qui a forcé l’Equateur à suspendre la distribution de près de 70% de sa production de brut.

Il a aussi été secoué par une vague de manifestations avec, depuis le 3 octobre, sept morts, 1340 blessés et 1152 arrestations, selon le bureau du Défenseur du peuple, organisme public de défense des droits.

Réformes du FMI

La communauté indigène, qui représente un quart de la population, était le fer de lance de cette contestation contre les réformes économiques négociées avec le Fonds monétaire international (FMI) en échange d’un prêt de 4,2 milliards de dollars, dont la mesure la plus polémique est le décret 883, qui supprime les subventions au carburant et multiplie par deux les prix à la pompe.

“Frères indigènes, je vous ai toujours traités avec respect et affection”, avait lancé, en signe d’apaisement, le président Lenin Moreno en ouverture de la réunion de dialogue, retransmise à la télévision. “Cela n’a jamais été mon intention d’affecter les secteurs les plus démunis (…), les plus pauvres”, avait insisté le chef de l’Etat, un libéral élu en 2017 sous l’étiquette socialiste.

De son côté, Jaime Vargas avait fustigé “l’improvisation de la politique économique” du président, notant avec regret qu'”on sent que la droite et le FMI gèrent le pays”.

Deux ministres sur le fil

Quito, capitale située à 2850 mètres d’altitude, a été le théâtre de débordements d’une violence inédite et de longs affrontements entre manifestants armés de pierres et fusées artisanales et forces de l’ordre tirant grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc. Dimanche, des heurts se sont poursuivis aux abords du Parlement.

Débordé face à cette situation incontrôlable, le président Moreno, qui avait déjà déplacé le siège du gouvernement à Guayaquil (sud), a décrété le couvre-feu et placé la ville sous contrôle militaire jusqu’à nouvel ordre. “Il y a eu une convulsion sociale et un non-respect des droits humains, une violence démesurée contre le peuple et un terrorisme d’Etat”, a dénoncé Jaime Vargas à propos de la répression des forces de l’ordre.

Donc, “comme geste de paix sociale pour le pays (…), nous demandons le départ immédiat (des) deux ministres” de l’Intérieur et de la Défense, ce à quoi le président Moreno n’a pas répondu. “On n’avait jamais vu un niveau de violence brutale comme ces derniers jours”, a renchéri Leonidas Iza, président du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi (centre).

“Objectif pas rempli”

La communauté indigène souffrait de plein fouet des effets du décret sur les carburants: généralement pauvre et travaillant dans l’agriculture, elle voyait ses coûts de transport s’envoler pour écouler ses produits. Puissante et organisée, elle avait fait venir ces derniers des milliers de ses membres des Andes et d’Amazonie pour camper à Quito. Et par le passé, elle a déjà renversé trois présidents.

“L’objectif d’un Etat plurinational n’a pas été rempli”, a déclaré lors de la réunion de dialogue Jaime Vargas, reflétant une rancoeur beaucoup plus large de cette communauté, notamment envers les classes aisées et les médias, dont elle se dit absente.

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