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Le Kenya appelle à une interdiction totale du commerce de l’ivoire

Environ 30'000 éléphants sont tués chaque année pour leurs défenses par des braconniers de mieux en mieux équipés. La conséquence est dramatique: additionnées, les morts naturelles et celles imputées aux braconniers surpassent le taux de reproduction de l'espèce. KEYSTONE/AP IFAW/DAVID NGIGE sda-ats

(Keystone-ATS) Le président kényan Uhuru Kenyatta a appelé vendredi lors d’un sommet africain à interdire complètement le commerce de l’ivoire. Cette mesure vise à empêcher l’extinction des éléphants à l’état sauvage, décimés par des braconniers pour leurs défenses.

“Perdre nos éléphants, ce serait perdre une partie essentielle de l’héritage qui nous a été confié (…). Nous ne serons pas les Africains qui sont restés sans rien faire devant la disparition des éléphants”, a déclaré M. Kenyatta lors de la rencontre à Nanyuki (centre).

Le sommet a réuni les présidents du Kenya, de l’Ouganda, du Gabon, et de nombreuses ONG. Samedi, les chefs d’Etat se retrouveront à Nairobi pour l’incinération de 105 tonnes d’ivoire, soit la majeure partie du stock “d’or blanc” accumulé par le Kenya depuis 1989. Il s’agira de la plus grande quantité d’ivoire jamais détruite en une seule fois, représentant environ 5% du stock d’ivoire mondial.

Liquider les stocks

Le président kényan a assuré vendredi qu’il demanderait “une interdiction totale du commerce de l’ivoire” à la prochaine réunion de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), en septembre à Johannesburg. L’Ethiopie a annoncé qu’elle soutenait cette démarche.

Le paléoanthropologue Richard Leakey, qui dirige le Service kényan de la faune (KWS), a exhorté les pays d’Afrique australe à emboîter le pas au Kenya et à se débarrasser de leurs stocks d’ivoire. “Tant que vous gardez ces stocks, vous suggérez qu’il y aura de nouveau un marché à l’avenir”, a-t-il lancé.

Trente mille éléphants sont abattus chaque année pour leurs défenses. La conséquence est dramatique: additionnées, les morts naturelles et celles imputées aux braconniers surpassent le taux de reproduction de l’espèce. Et c’est la survie à l’état sauvage des 450’000 à 500’000 éléphants d’Afrique qui est en jeu, d’ici une à deux générations à peine.

“A moins que nous ne passions à l’action maintenant, nous risquons de perdre cette figure totémique dans de très larges parties du continent”, a averti le président gabonais Ali Bongo Ondimba.

La partie n’est pas perdue

Selon les ONG, la partie n’est pas perdue, loin s’en faut. Au Kenya, les efforts conjugués du gouvernement et des réserves animalières privées ont permis d’enregistrer une diminution substantielle du nombre d’éléphants abattus par les braconniers (93 en 2015 contre 164 en 2014).

Dans la réserve privée d’Ol Pejeta, non loin de Nanyuki, une équipe d’intervention rapide de rangers, qui se déplace en hélicoptère, est ainsi à pied d’oeuvre depuis 2011. Equipement de visée nocturne, communications radio cryptées et entraînement dispensé par d’anciens membres des forces spéciales britanniques, rien n’a été laissé au hasard.

Depuis, le nombre d’incidents liés au braconnage a drastiquement chuté dans la zone. Cette approche est efficace mais coûteuse: de 1,5 à 2 millions de dollars par an pour la réserve. Elle n’a surtout d’intérêt que si les braconniers arrêtés sont ensuite effectivement jugés et condamnés, ce qui est rare pour le moment.

Toutefois, selon Shamini Janyanathan, conseillère juridique de l’ONG de protection des éléphants Space for Giants, les choses sont en train de changer, comme en témoignent cinq importants dossiers de braconnage actuellement instruits par la justice à Mombasa (est), principal port kényan et point de transit de l’ivoire illégal vers l’Asie du Sud-Est. Il y a encore deux ans, il n’y en avait aucun.

Assécher la demande en Asie

En dépit de tous ces efforts, la bataille contre le commerce illégal de l’ivoire ne sera gagnée que lorsque la demande en Asie du Sud-Est, et notamment en Chine, sera asséchée, souligne Max Graham, directeur de Space for Giants.

La Chine, qui a récemment durci sa législation sur les importations d’ivoire, permet cependant la revente de l’ivoire acheté avant l’interdiction internationale du commerce d’ivoire en 1989.

“A présent, nous avons besoin d’assister à l’interdiction complète du marché intérieur. Si cela arrivait, le problème du braconnage disparaîtrait du jour au lendemain”, a-t-il affirmé.

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