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Les 30 activistes du climat condamnés par la justice fribourgeoise

Les avocats de la défense, au nombre douze, ont fait part de leur colère sitôt le verdict du juge de police de la Sarine prononcé, jugement confirmant la condamnation des 30 activistes du climat pour avoir bloqué Fribourg Centre en novembre 2019. KEYSTONE/ANTHONY ANEX sda-ats

(Keystone-ATS) Les 30 activistes du climat prévenus d’avoir bloqué Fribourg Centre le 29 novembre 2019, jour de Black Friday, ont été condamnés vendredi par le juge de police de la Sarine. Leurs 12 avocats vont recourir devant le Tribunal cantonal, jusqu’à Strasbourg s’il le faut.

Benoît Chassot a confirmé dans les grandes lignes les ordonnances pénales prononcées en 2020. “L’action n’était pas apte à résoudre la problématique du réchauffement climatique”, a relevé le juge. Les accusés sont condamnés pour avoir participé à une manifestation non autorisée, troublé l’ordre public et ignoré les injonctions de la police.

Techniquement, les prévenus ont été reconnus principalement “coupables de contravention à la loi sur le domaine public”, a répété à 30 reprises Benoît Chassot. Ils doivent assumer des frais de justice allant jusqu’à 400 francs par personne et, en cas de non-paiement à une peine privative de liberté de substitution jusqu’à quatre jours.

Amendes réduites

Le juge de police a toutefois réduit les peines pécuniaires avec sursis et les amendes fermes à des montants compris entre 100 et 400 francs, au lieu de 200 à 500 francs. Une des prévenus a été encore déchargée de l’accusation de contrainte pour s’être enchaînée aux caddies utilisés dans le but d’empêcher l’accès à Fribourg Centre.

Lors d’un point presse, les avocats ont dit leur colère après le verdict. Ils ont annoncé vouloir faire recours et aller jusque devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à Strasbourg, a affirmé l’un d’eux, Christian Delaloye, pour qui “aucun moyen ne fonctionne malgré 26 COP (conférences sur le climat de l’ONU)”.

Devant Forum Fribourg, à Granges-Paccot, où s’est tenu le procès durant trois jours à fin mai, l’ambiance était empreinte d’émotion, avec un mélange de pleurs et de joie. Me Marie-Pomme Moinat a une nouvelle fois regretté le refus du juge d’entendre les cinq experts de la défense, dont le prix Nobel de chimie Jacques Dubochet.

Emotion présente

La liberté d’expression a été “gravement” violée à ses yeux. “L’urgence climatique n’est pas concrète”, a noté son collègue Arnaud Nussbaumer, pour qui “le juge Chassot ne croit pas la communauté scientifique”. Un des prévenus a déploré l’impossibilité de faire entendre leur message à la justice et au monde politique.

Activistes condamnés et avocats ont ensuite partagé une collation sous le soleil fribourgeois, avec la centaine de spectateurs venue assister au jugement. Ces derniers ont réagi, parfois ri, parfois applaudi, au fur et à mesure d’un énoncé qui a duré 30 minutes, puis chanté à la sortie de la grande salle d’audience, Covid-19 oblige.

Dans son développement, le juge Chassot a rappelé qu’il n’y avait pas de “danger imminent et durable” à agir de la sorte en novembre 2019 dans le centre commercial de Fribourg Centre. Les bloqueurs, issus des rangs de la Grève du climat et d’Extinctions Rébellion, “auraient pu recourir à d’autres moyens pour se faire entendre”.

Droits politiques

Benoît Chassot a mentionné les réseaux sociaux et les droits politiques, droits qui ont été décrits comme trop lents durant le procès au vu de l’urgence climatique. D’où le recours à la désobéissance civile, causant selon le juge “un trouble à la tranquillité publique” en entravant l’accès aux magasins.

Les plaignants sont l’Association des commerçants de Fribourg Centre et la Caisse de pensions du personnel du canton de Zurich (BVK). Celle-ci, plus grande institution de prévoyance professionnelle de Suisse avec près de 130’000 membres, est la propriétaire des lieux. La manifestation avait retardé par ailleurs la fermeture d’une heure.

Le 31 mai, la défense avait plaidé l’acquittement collectif, l’urgence climatique dominant les cinq heures de discours des douze avocats. Leurs plaidoiries coordonnées avaient prolongé les quinze heures d’audition des prévenus, les 25 et 26 mai, où il avait été question notamment de surproduction et de surconsommation.

Quatrième pouvoir

La défense avait parlé d’un procès historique, le plus important du genre en Suisse romande. “C’est une mission importante que de donner une réponse judiciaire à des ordonnances concernant un problème de société”, avait souligné Christian Delaloye. Sa collègue Marie-Pomme Moinat avait regretté l’attitude de Benoît Chassot.

Elle avait décrit une attitude impassible et un ton monotone dans la prise du procès-verbal. “Monsieur le président, vous n’avez pas fait preuve de compréhension”, avait-elle relevé. La cause climatique n’a pas fini d’occuper le pouvoir judiciaire, comme en témoignent les procès dans les cantons de Vaud, Genève, Neuchâtel et Zurich.

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