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Les Suisses de France face aux élections fédérales

La députée Doris Fiala s’est montrée très affirmative, sous l’œil attentif de son collègue Filippo Lombardi, et de la modératrice du débat Ariane Rustichelli. swissinfo.ch

Année électorale oblige, le Congrès de l’Union des Associations suisses de France (UASF) avait invité samedi à Bordeaux cinq députés, élus des principaux partis politiques suisses. Histoire de débattre de ce qui unit et de ce qui sépare.

Les Suisses de France connaissent-ils vraiment la politique suisse? Et les politiques suisses connaissent-ils vraiment les Suisses de France?

Sur le premier point, Jacques-Simon Eggly, président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), n’a pas omis de faire samedi après-midi un petit rappel aux délégués de l’UASF. Juste une leçon de civisme pour se rafraîchir les idées sur ce système tellement différent du système français, où on n’élit pas le président – où il n’y a d’ailleurs pas de vrai président –, où le gouvernement est toujours de coalition et où les cantons ont de vastes prérogatives, dont celle d’introduire ou non le vote électronique.

Et sur le second point, Serge Lemeslif, ancien président de l’UASF et Jean-Paul Aeschlimann, consul honoraire de Suisse à Montpellier et vice-président de l’OSE, n’ont pas été totalement convaincus. Le second s’en prend à la prestation de l’UDC (droite conservatrice) Jean-François Rime. «On est quand même consterné de voir que le parti qui fait le plus de voix en Suisse passe tout à fait à côté des problèmes des expatriés […] et délègue ici une personne qui ne s’est même pas renseignée sur ces problèmes», déclare-t-il tout net.

Deux des autres intervenants de la table ronde sont par contre des habitués des assemblées de l’OSE et de sa branche française: le démocrate-chrétien (PDC) Filippo Lombardi, champion de la cause des expatriés, et le socialiste Carlo Sommaruga, autre membre actif de l’intergroupe parlementaire «Suisses de l’étranger», fort de plus de 100 membres.

Et les deux derniers participants sont le Vert Christian van Singer et la libérale-radicale (PLR) Doris Fiala, seule femme et seule alémanique du quintette, particulièrement en verve et en voix ce jour-là.

Soucis pratiques 

De quoi ont-ils parlé? De leurs programmes d’abord, car les Suisses de France, ce sont aussi des voix à gagner. Discours convenu donc, social pour le socialiste, national pour le nationaliste, centriste pour le PDC et la PLR, écologiste pour le Vert, dont le plaidoyer antinucléaire prend des accents de vécu lorsqu’il raconte son récent voyage à Tchernobyl, pour les 25 ans de la catastrophe d’avant Fukushima.

Et les sujets qui touchent les Suisses de l’étranger? Parce que c’est ça qui les intéresse. A l’heure des questions, les soucis exprimés sont directement pratiques: versement des retraites – dont un projet voudrait faire dépendre le montant du niveau de vie du pays dans lequel vit le bénéficiaire –, frais facturés par les banques aux expatriés, parution de la Revue Suisse, qu’ils ne reçoivent plus que quatre fois par an au lieu de six…

La plupart de ces problèmes découlent de restrictions budgétaires. «Or, c’est la majorité qui vote les budgets, et en Suisse la majorité est à droite», rappelle fort opportunément Carlo Sommaruga.

Pour Doris Fiala, la question est plutôt que la Suisse n’a pas de stratégie claire dans le domaine des Affaires étrangères. Et ceci parce que sa politique se fait du bas vers le haut, de la commune au canton et du canton à la Confédération. Or, une politique étrangère doit se décider au sommet.

«Les questions relatives aux Suisses de l’étranger sont réparties sur les sept départements [ministères], lance Filippo Lombardi. On comprend facilement pourquoi ils ne sont importants pour personne.»

D’où l’attente de cette loi, inscrite dans le manifeste électoral de l’OSE, et qui devrait unifier en un seul texte toutes les prescriptions réglant les rapports des Suisses de l’étranger avec le pays. Une idée à laquelle aucun des participants à la table ronde ne s’est dit opposé, mis à part dans une certaine mesure l’UDC. Au nom du «moins de lois», Jean-François Rime estime qu’un seul article suffirait, obligeant à tenir compte des Suisses de l’étranger dans toutes les autres lois qui les concernent.

Peu de pouvoir

Une loi, c’est une des choses que les parlementaires pourraient faire pour les expatriés. Mais dans bien des domaines qui les touchent, les élus n’ont – et cela a été relevé dans les discussions – que peu de pouvoir.

Est-ce pour cela que les Suisses de l’étranger ne sont que moins de 20% à s’être inscrits sur les listes électorales – même si le taux, en France, avec 28%, est supérieur à la moyenne? Doris Fiala a incité avec force les membres de l’UASF à participer aux scrutins «parce qu’à l’heure des replis nationaux un peu partout en Europe, la Suisse a besoin de votre ouverture, de votre expérience de la multiculturalité». Mais elle n’en comprend pas moins ce relatif désintérêt.

«Vous savez, confie la Zurichoise, j’ai vécu des années à l’étranger, dans neuf pays différents. Et je comprends tout à fait qu’au bout d’un temps, on s’intéresse plus à la politique du pays dans lequel on vit qu’à celle de la Suisse».

Un Suisse sur 10 vit à l’étranger

Dans le monde, elles et ils étaient 695’101 à être immatriculés auprès des représentations diplomatiques à l’étranger en 2009. 135’877 d’entre eux étaient inscrits sur les registres électoraux.

En France, la communauté helvétique est la plus grande de son genre au monde, avec 179’106 immatriculés auprès des représentations diplomatiques. 39’429 sont inscrits sur les listes électorales.

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