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Les Suisses soutiennent le tournant énergétique de Doris Leuthard

Belle journée pour la ministre de l'énergie Doris Leuthard: la stratégie énergétique 2050 a été acceptée dimanche par 58,2% des Suisses. Keystone/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Les Suisses veulent renoncer à moyen terme au nucléaire en soutenant le courant vert et en économisant l’énergie. Ils ont été 58,2% dimanche à approuver la stratégie énergétique 2050, défendue par Doris Leuthard. L’UDC et une partie de l’économie s’y opposaient.

Ce résultat “ouvre une nouvelle page vers un futur énergétique moderne” pour la Suisse, a déclaré devant les médias la conseillère fédérale. La stratégie énergétique 2050 vise un virage modéré vers une Suisse sans atome. Pour y parvenir, la première étape soumise au peuple mise sur une augmentation de la production des énergies vertes à 11’400 gigawatts (GW) d’ici 2035.

La consommation d’énergie annuelle devra être réduite de 43% par rapport à 2000 et celle d’électricité devra baisser de 13%. Les voitures devront devenir plus propres et les bâtiments moins énergivores.

Le coup de pouce à l’injection de courant vert dans le réseau sera remplacé par un système de prime plus proche du marché. Une aide à l’investissement, limitée dans le temps, est prévue pour les projets qui ne peuvent participer à ce programme. Les grands barrages hydrauliques, souffrant des bas prix de l’électricité, bénéficieront aussi d’une aide pécuniaire.

Efforts pas nouveaux

Les efforts demandés à la population ne sont pas nouveaux. Depuis 2000, la consommation individuelle d’énergie a déjà baissé de 14,5%, selon l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Convaincus de la nécessité de ces mesures, 1,3 million de citoyens ont dit “oui”, alors que près de 950’000 ont rejeté le projet.

Le tournant vert est principalement porté par la Suisse romande. Le canton de Vaud s’est montré le plus enthousiaste avec 73,5% de “oui”. Il est suivi de Genève qui soutient le projet à 72,5%, de Neuchâtel à 69,6%. Le Valais, avec ses nombreux barrages hydrauliques, dit “oui” à 63,4%, Fribourg à 63,2% et le Jura à 62,7%, le Tessin avec 56,7%.

De l’autre côté de la Sarine, les cantons de Bâle-Ville, Zurich et des Grisons se sont montrés les plus favorables avec respectivement 63,4%, 58,8% et 58,7% des voix.

De faibles refus

Le référendum lancé par l’UDC a été clairement rejeté dans toutes les régions, a constaté la ministre de l’énergie. Seuls quatre cantons ont rejeté le projet. Et l’opposition y est restée mesurée: la plus marquée vient du canton de Glaris avec 56,3% de “non”.

Le canton d’Argovie, où se trouvent les deux centrales de Beznau et celle de Leibstadt, refuse de justesse le projet avec un “non” à 51,7%. Soleure, qui compte la centrale de Gösgen sur son territoire, a lui glissé un petit “oui” (50,6%). Berne, avec la centrale de Mühleberg, a lui aussi dit “oui” à 55,5%.

La participation avoisine elle les 42,3%. Comme d’habitude, les Schaffhousois, soumis au régime du vote obligatoire, ont été les plus assidus (65,2%). Aucun autre canton n’a vu plus d’un citoyen sur deux voter. Le Jura (37,9%) arrive en queue de peloton, quoique devant Glaris et Appenzell Rhodes-Intérieures.

Un échec de l’UDC

L’UDC a échoué à couler un paquet accusé d’être trop onéreux. Allié à une forte minorité PLR et à une partie de l’économie, le parti a dénoncé en vain “une arnaque” irréalisable qui menace le bien-être et le porte-monnaie des Suisses. L’avenir montrera si les belles promesses de Mme Leuthard résisteront à la réalité des faits, écrit le comité contre la stratégie énergétique.

Les citoyens devront donc débourser 40 francs par an et par ménage pour soutenir les énergies alternatives dès 2018. Les opposants au projet articulaient un montant bien plus élevé: 3200 francs par an. Un chiffre qui incluait la deuxième partie de la stratégie énergétique, alors que celle-ci est quasi enterrée par le Parlement.

“Je pars du principe qu’il n’y aura pas de deuxième paquet de mesures. On nous a toujours promis que ces 40 francs suffiraient”, a déclaré le président de l’UDC Albert Rösti en faisant référence au montant annuel supplémentaire à débourser pour financer la stratégie.

Un vote “historique”

Les partisans du projet, à gauche comme à droite, ont salué de leur côté un pas “décisif” et un “jour historique”. “On sort enfin du nucléaire”, a rappelé Roger Nordmann (PS/VD), malgré l’absence de délai clair. La Suisse fera un grand pas en direction des énergies renouvelables, se sont félicités PDC, Vert’libéraux et PBD.

Ce vote met la Suisse sur les rails de la transition énergétique et accélère la sortie du nucléaire, selon les associations de défense de l’environnement, Greenpeace, WWF Suisse et Pro Natura. Il faudra maintenant une politique climatique ambitieuse, exige Greenpeace.

Mais après le rejet annoncé par le Parlement de la deuxième étape de la stratégie, qui prévoyait un système de taxes incitatives, la suite reste à écrire. “Nous avons compris le message: les taxes n’ont pas la cote”, a déclaré la Verte vaudoise Adèle Thorens. Et de préciser que les défenseurs de la stratégie énergétique sont déjà en train d’explorer “d’autres pistes”.

“Avec discernement”

Une partie de l’économie voit dans le “oui” des chances. La nouvelle réglementation offre notamment la possibilité de “quitter le système de subvention et d’accéder au monde de l’innovation et de l’économie de marché”, a réagi l’Union suisse des arts et métiers (usam). On peut désormais “créer des emplois porteurs d’avenir et conserver les postes existants”, a salué la faîtière syndicale Travail.Suisse.

Du côté des milieux économiques opposés au paquet soumis à votation, il s’agit désormais “de le mettre en oeuvre avec discernement”, tonne la faîtière industrielle Swissmem, “et de prendre au sérieux les doutes exprimés par l’économie et la population”. Economiesuisse, faîtière des grandes entreprises, était partagée et n’avait pas réagi dimanche en fin de journée.

L’hydraulique a la cote

Un soutien au nucléaire, comme certains le préconisent à droite, n’est pas la solution, selon le conseiller national PLR genevois Benoît Genecand, qui militait pour le “non”. Mais la question fondamentale, celle de l’énergie hydraulique, n’a pas été réglée avec cette votation.

Les cantons ont d’ailleurs été les premiers à sortir du bois avec une demande concrète sur cet aspect. La victoire du “oui” à la stratégie énergétique est un pas significatif dans la bonne direction. Mais pour assurer l’approvisionnement à long terme, il faut soutenir l’hydraulique en priorité, assure la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie.

Et de saluer la décision d’une commission du Conseil national de garantir à l’avenir un approvisionnement de base obligatoirement par le biais de l’hydraulique. Le plénum se penchera à l’été sur cette proposition.

Les solutions discutées au Parlement afin de soutenir cette énergie sont essentielles pour la sécurité de l’approvisionnement, abonde également l’exploitant Axpo, qui gère ou détient des parts dans des centrales nucléaires. De nombreux chantiers de politique énergétique restent en suspens, rappelle de son côté l’Association des entreprises électriques suisses (AES), notamment sur les tarifs.

Pas de précipitation

Le Conseil fédéral lancera la consultation sur la mise en oeuvre du soutien aux barrages hydroélectriques d’ici les vacances d’été. Les entreprises concernées devraient recevoir pendant six ans une prime maximale de 1 ct/kWh hors TVA pour l’électricité vendue sur le marché en deçà du prix de revient. Les propriétaires devront utiliser cette période pour réduire leurs coûts et devenir plus efficients, a précisé Doris Leuthard.

Elle a également demandé au Parlement de ne pas agir avec trop d’empressement en favorisant dès à présent une source d’électricité particulière. Une commission du National a proposé fin avril que l’approvisionnement de base en électricité soit uniquement issu de l’hydraulique suisse.

La stratégie énergétique veut encourager la production locale et créer des places de travail en Suisse. Elle constitue une réponse aux changements qui touchent le monde de l’énergie avec la chute des prix de l’électricité, selon Mme Leuthard. Les BKW ont ainsi annoncé la fermeture de Mühleberg pour 2019 pour des raisons économiques et les grands barrages hydroélectriques sont moins rentables.

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