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Près de 20% des Suisses justifient la torture de combattants

Deux tiers des personnes interrogées par le CICR estiment qu'il faut des limites à la guerre (archives). KEYSTONE/EPA/ALI MUSTAFA sda-ats

(Keystone-ATS) Près de 20% des Suisses estiment qu’un combattant peut être torturé pour obtenir des indications militaires. Un grand sondage du CICR auprès de plus de 17’000 personnes de 16 pays a été dévoilé lundi à Genève.

“Il nous faut réaffirmer avec force une règle fondamentale: la torture sous toutes ses formes est interdite”, dit le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Peter Maurer. Il s’est dit devant la presse “déçu” par ce chiffre en Suisse qui pousse à continuer à sensibiliser la population.

Récemment, le président élu américain Donald Trump avait lui justifié la torture pendant sa campagne. De retour des Etats-Unis, M. Maurer a dit n’avoir pas senti “un appétit” parmi ses interlocuteurs, notamment militaires, pour changer la politique américaine dans ce domaine.

Opposition à la torture

Jamais son organisation n’avait lancé un sondage aussi vaste que “Les voix de la guerre”. Les populations de dix pays en conflit ont été interrogées de juin à septembre dernier. S’y ajoutent celles des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France) et de la Suisse.

Plus de 70% des Suisses rejettent toute possibilité de recourir à la torture. Dans le monde, ils ne sont que 48% contre deux tiers il y a près de 20 ans.

Les Yéménites sont eux entièrement réfractaires alors que 70% des Nigérians acceptent cette pratique. Ces différences entre populations confrontées aux violences peuvent s’expliquer par la polarisation et la durée du conflit aussi bien que par la stigmatisation de l’ennemi, selon M. Maurer.

Protection de civils souhaitée

Plus largement, 12% des Suisses estiment que la torture fait partie de la guerre, contre plus de 85% qui la contestent. Ils sont là les deuxièmes plus outrés. Un tiers de Palestiniens la considèrent comme problématique et plus de la moitié l’associent à la guerre. Au total, deux tiers la perçoivent négativement et plus d’un quart estiment qu’elle est une composante des conflits.

Sur les migrations, plus de deux tiers des sondés estiment que si les Conventions de Genève étaient “mieux respectées”, les civils fuiraient moins.

Egalement deux tiers des personnes interrogées partagent le sentiment qu’il faut des limites à la guerre. “C’est extrêmement encourageant”, a estimé M. Maurer. Il ajoute encore que ce chiffre renforce le CICR qui peut dire aux Etats que ses activités collent à “ce que les gens demandent”. A peine plus de 60% des sondés souhaitent davantage d’intervention politique face aux violations des Conventions de Genève. Une proportion en recul par rapport à il y a près de vingt ans.

Toutefois, des précautions pour épargner les civils doivent être prises selon 80% des personnes. Elles sont plus nombreuses encore à dénoncer les attaques contre le personnel de santé. Plus de 70% étendent ce rejet aux monuments.

En revanche, seuls 59% condamnent les violences contre les humanitaires. Ils sont plus de 70% dans les pays en conflit et à peine plus de 50% dans les autres. Le président du CICR n’a pas souhaité “spéculer” sur ce chiffre plus bas que celui des monuments. Il faut évaluer plus en détail si les réponses étaient structurelles ou dans un débat particulier, selon lui.

Remise en question

Les habitants des Etats en guerre sont plus attachés que les autres au principe d’humanité dans les Conventions de Genève. Près de 80% d’entre eux estiment qu’il faut éviter des attaques dans des zones peuplées de nombreux civils, contre 50% chez les membres permanents du Conseil de sécurité et la Suisse. Le total est à 59%, contre 68% il y a près de 20 ans.

Moins de 15% dans les pays en conflit affirment que la privation de nourriture, d’eau ou de médicaments fait partie de la guerre. Ils sont plus d’un quart dans les “cinq grands”.

Par ailleurs, plus de 70% des personnes interrogées affirment que le personnel de santé doit soigner tous les civils. Moins d’un quart estime que seuls les civils proches des soignants doivent être pris en charge.

Les quatre Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels sont prévus pour limiter les effets des conflits sur les civils, les combattants blessés ou détenus. Ils sont “remis en question comme ils ne l’ont peut-être encore jamais été” récemment, met en garde M. Maurer. Mais les populations souhaitent des règles, en décalage avec certains Etats ou groupes armés qui les violent, ajoute-t-il.

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