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Réfugiés: Erdogan cible les Européens et Cassis demande des “actes”

La Suisse et l'ONU veut mobiliser tous les acteurs pour améliorer la situation des réfugiés et des communautés d'accueil. KEYSTONE/SDN sda-ats

(Keystone-ATS) Le président turc Recep Tayyip Erdogan, très attendu à Genève, a ciblé le manque d’aide européenne au début du premier Forum mondial des réfugiés. En écho, les appels aux pays riches à en faire davantage ont été nombreux mardi. Ignazio Cassis a demandé des “actes”.

Arrivé avec 45 minutes de retard, accompagné d’hélicoptères au-dessus de Genève, le président turc, dont le pays accueille le plus grand nombre de réfugiés au monde, a rejoint les cinq autres Etats qui ont porté ce premier sommet. “Personne ne semble désireux de nous aider”, a affirmé M. Erdogan, qui a ciblé ceux qui se préoccupent davantage du “pétrole” dans le nord de la Syrie.

Comme attendu, la charge la plus claire est pour les Européens, après ses menaces ces derniers mois de revenir sur l’accord migratoire avec eux et de laisser passer les réfugiés vers ce continent. “Nous n’avons reçu que deux milliards d’euros” de leur part pour aider les réfugiés syriens, deux tiers seulement ce que l’Union européenne (UE) avait promis, insiste le président turc. Selon lui, son pays rassemble 5 millions de réfugiés, dont plus de 3,5 millions de Syriens.

M. Erdogan cible l’attitude face aux “zones de sécurité” établies dans le nord de la Syrie après l’offensive turque contre les milices kurdes. Sur la Place des Nations, environ 300 Kurdes ont dénoncé la venue du président turc. Celui-ci, qui souhaite rapidement le retour d’un million de Syriens chez eux, a aussi promis que tout rapatriement devait être volontaire.

“Le sommet est un succès”, a-t-il dit devant quelques journalistes en début de soirée en quittant l’ONU. Dans l’après-midi, il a eu un échange téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine depuis Genève. “Nous avons parlé de la Syrie mais aussi de la Libye”, a-t-il expliqué sans donner davantage de détails.

Actions lancées par le secteur privé

Dans le monde, le niveau des déplacements forcés a atteint des records avec 71 millions de personnes affectées, dont près de 26 millions de réfugiés. La réunion de Genève est organisée un an après l’approbation du Pacte mondial des réfugiés. Elle sera répétée tous les quatre ans. Le Pacte mondial “doit nous permettre de mieux répondre” aux besoins des réfugiés comme des populations d’accueil, a affirmé M. Cassis en ouvrant la réunion. Mais la réunion de mardi et mercredi doit donner lieu à des “actes”.

Le Forum rassemble environ 3000 représentants des gouvernements, du secteur privé ou des ONG, qui doivent discuter de la protection, de l’éducation, de l’accès à l’emploi ou encore des infrastructures. Le Pacte mondial prévoit surtout de mettre les réfugiés eux-mêmes au centre de la prise de décision. Environ 80 d’entre eux sont présents à Genève.

Dès la semaine dernière, des dizaines de fédérations sportives se sont engagées à améliorer les conditions pour les réfugiés. Lundi, à la veille de l’ouverture officielle du Forum, 30 grandes entreprises ont annoncé une contribution de 250 millions de dollars.

Mardi, la Banque mondiale a elle promis plus de 2,1 milliards sur trois ans. Et le Haut commissaire pour les réfugiés Filippo Grandi a annoncé la volonté de garantir une énergie propre pour tous les réfugiés d’ici 2030.

La réunion a donné lieu à quelques assauts politiques. Le Premier ministre pakistanais a appelé à résoudre les tensions au Cachemire indien, dont l’autonomie a été révoquée par New Delhi, sous peine de voir une nouvelle “crise des réfugiés”. Imran Khan reproche aussi à l’Inde de refuser la citoyenneté aux musulmans dans l’Etat d’Assam.

Engagements par la Suisse

Une politique similaire, selon lui, à celle de la Birmanie avant le “nettoyage ethnique” des Rohingyas qui ont dû fuir vers le Bangladesh. Avec quatre millions de réfugiés, “notre pays ne pourrait accueillir davantage de réfugiés”, affirme le dirigeant pakistanais.

Les pays riches, qui ne rassemblent que 20% des réfugiés, ont été invités par le secrétaire général de l’ONU, mais aussi par le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas, à davantage d’efforts. “La communauté internationale doit en faire beaucoup plus pour assumer collectivement cette responsabilité”, a affirmé Antonio Guterres.

Les pays en développement “doivent être davantage soutenus”, affirme le secrétaire général. L’aide des Etats riches envers eux ne doit pas se limiter à une enveloppe financière pour qu’ils “gardent les réfugiés”, a-t-il dit devant la presse.

M. Grandi déplore lui que la générosité de certains soit effacée par “la panique fabriquée” sur les réfugiés par d’autres. Au total, il s’attend à environ 700 engagements concrets lors de la réunion.

La Suisse est venue à ce sommet avec un paquet dévoilé tout au long de l’année. Elle va accueillir 1600 réfugiés en 2020 et 2021 pour soulager certains pays. Jusqu’en 2022, elle va aussi débloquer un financement de 125 millions de francs pour le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), avec lequel elle co-organise ce premier sommet mondial.

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