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Sommet sur les abus sexuels du clergé: le pape veut “du concret”

Ce sommet de trois jours et demi sur la protection de l'enfant est destiné à convaincre les chefs de l'Eglise catholique dans le monde de leur responsabilité individuelle face aux agressions sexuelles sur mineurs, dont les victimes en colère réclament un électrochoc. Keystone/EPA/VINCENZO PINTO / POOL sda-ats

(Keystone-ATS) Le pape François a réclamé jeudi des mesures “concrètes et efficaces” face aux abus sexuels dont des ecclésiastiques sont régulièrement accusés. Il s’est exprimé à l’ouverture d’un sommet de plusieurs jours au Vatican consacré à ce problème qui mine l’Eglise.

“Le peuple de Dieu nous regarde et attend de nous non pas de simples et évidentes condamnations, mais de préparer des mesures concrètes et efficaces”, a dit le souverain pontife. “Il faut du concret”, a-t-il martelé, en s’écartant d’un texte préparé à l’avance.

Un enregistrement audio avec cinq témoignages poignants de victimes a été diffusé en préambule. Le père Hans Zollner, un grand expert de ces questions, a estimé que cette palette de voix de tous les continents permettait de souligner clairement que “ce n’est pas juste un problème nord-américain et européen”.

Ce sommet de trois jours et demi sur la protection de l’enfant est destiné à convaincre les chefs de l’Eglise catholique dans le monde de leur responsabilité individuelle face aux agressions sexuelles sur mineurs, dont les victimes en colère réclament un électrochoc. Plus de 190 participants ont fait le chemin de Rome, dont l’évêque de Bâle Felix Gmür, président de la Conférence des évêques suisses.

“Face au fléau des agressions sexuelles perpétrées par des hommes d’Eglise à l’encontre de mineurs”, le pape a demandé à l’assistance d’entendre “le cri des petits qui demandent justice”. L’Eglise, dont la crédibilité a été sévèrement entachée en 2018 par la révélation de nouveaux scandales à grande échelle, au Chili, aux Etats-Unis ou encore en Allemagne, sait qu’elle doit agir au risque de couler.

Pistes de réflexion

Pour des débats concrets, un document en 21 points de réflexion définis par des commissions et des conférences épiscopales a été présenté par le pape aux évêques. Le premier point évoque un “vademecum” spécifiant les démarches à entreprendre si un cas d’agression sexuelle émerge, un document déjà en cours de rédaction à l’intention des régions ne disposant pas d’experts en droit canon.

Dans cette liste figurent des structures d’écoute pour les victimes et des organismes autonomes de la paroisse locale pour déposer des plaintes, des règles sur les transferts de prêtres entre diocèses, des évaluations psychologiques des candidats à la prêtrise ou encore l’établissement de protocoles pour gérer les accusations portées contre des évêques. Est aussi proposé d’élever l’âge du mariage à 16 ans (il est actuellement de 14 ans pour les filles et de 16 ans pour les garçons dans le droit de l’Eglise).

Il s’agit d’un “feuille de route pour le développement futur de mesures au sein de l’Eglise”, après le sommet, explique l’archevêque maltais Charles Scicluna, un grand expert juridique du Vatican sur le problème de la pédophilie. Il a d’ailleurs donné jeudi un mini-cours de droit aux évêques sur les procédures existantes, rappelant qu’il était important que “chaque allégation fasse l’objet d’une enquête avec l’aide d’experts”.

“Nous admettons”

Avant lui, le cardinal philippin Luis Antonio Tagle s’est montré très ému en parlant de “la souffrance des innocents”. “Nous admettons avec humilité et douleur que des blessures ont été infligées par nous les évêques aux victimes et en fait à tout le corps du Christ”, a-t-il dit. “Notre absence de réponse à la souffrance des victimes, jusqu’à les rejeter et cacher le scandale pour protéger les auteurs et l’Institution, a blessé les gens, laissant une profonde blessure”, a regretté le Philippin.

La courte réunion, qui se terminera dimanche par un discours, très attendu, du pape, ne doit pas déboucher directement sur un document final. Elle vise à réveiller les consciences dans les rangs de l’Eglise. La méthode choisie est collégiale et éducative, faite de discours, de petits groupes linguistiques de travail, entrecoupés de prières mais aussi de témoignages de victimes du clergé.

Mieux éduqués et sensibilisés, les 114 présidents des épiscopats venus de tous les continents devraient rentrer chez eux avec des idées claires à transmettre à leur tour aux évêques et prêtres, juge le pape François. Il sait que certains épiscopats, notamment en Asie et en Afrique, sont encore dans un profond déni sur les violences faites aux mineurs.

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