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Syrie: 9 civils tués dans des tirs du régime sur une école accueillant des déplacés

Rien qu'en décembre, quelque 284'000 personnes ont dû fuir le sud de la province ravagé par des combats, notamment la ville de Maaret al-Noomane et ses environs, une zone aujourd'hui quasi vidée de ses habitants selon l'ONU. KEYSTONE/AP/MMA sda-ats

(Keystone-ATS) Malgré une trêve annoncée en août, la région d’Idleb connaît un regain de violence depuis plusieurs semaines avec des bombardements du pouvoir syrien et de son allié russe. Mais aussi des combats opposant les forces gouvernementales aux djihadistes et aux rebelles.

Mercredi, des tirs de missiles sol-sol du régime ont visé la localité de Sarmine, dans l’est de la province d’Idleb, touchant une école et ses environs, a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Neuf civils ont été tués, dont deux femmes et cinq enfants, selon un nouveau bilan fourni par le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane. Le pilonnage a fait 15 blessés. Selon lui, une partie de l’école avait été aménagée pour accueillir des familles de déplacés.

Entre fin avril et fin août, le régime, épaulé par l’aviation russe, avait déjà intensifié ses bombardements. Les violences avaient tué près d’un millier de civils dans le secteur, selon l’OSDH. Rien qu’en décembre, quelque 284’000 personnes ont dû fuir le sud de la province ravagé par des combats, notamment la ville de Maaret al-Noomane et ses environs, une zone aujourd’hui quasi vidée de ses habitants selon l’ONU.

Bâtiments publics

Face à l’afflux de déplacés, “des bâtiments publics comme des mosquées, des garages, des salles de mariage et des écoles sont utilisés pour accueillir les familles”, a récemment indiqué le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha). Toutefois, les places disponibles pourraient ne pas suffire “étant donné l’ampleur des déplacements” a mis en garde l’agence onusienne.

Le nord d’Idleb est déjà envahi par les camps de déplacés informels où les civils s’entassent dans des tentes, quand ils ne sont pas tout simplement installés au milieu des champs d’oliviers.

Une cinquantaine de familles, soit environ 300 personnes, ont élu domicile dans une prison désaffectée de la ville d’Idleb. Devant les bâtiments lugubres en pierre et en béton gris, des enfants font une ronde sur l’asphalte mouillé de la cour. D’autres gigotent sur des ballons sauteurs colorés pendant que certains jouent au tir à la corde.

“Pas habitable”

Dans une cellule sombre, où un filet de lumière passe à travers de petites lucarnes en haut du mur, un homme perché sur un escabeau tend une bâche en plastique pour diviser la pièce. A 69 ans, Oum Hatem a fui la région de Maaret al-Noomane avec son fils célibataire. Arrivée dans la ville d’Idleb, elle a cherché un refuge. On lui a indiqué la prison.

“Nous nous y sommes installés, même si l’endroit n’est pas habitable”, raconte la sexagénaire au visage strié de rides. “Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, pas de lumière. Les pièces sont étroites et étouffantes”, se plaint-elle.

Emmitouflée dans une veste en laine, Oum Hatem aide à vider une camionnette partie récupérer quelques affaires chez elle: des provisions dans des bocaux, des seaux en plastique, un tapis de jute. “Si nous en avions les moyens, nous aurions loué une maison”, se désole-t-elle. “Mais nous n’avons même pas de quoi manger.”

“Avenir devant eux”

Dans une école visitée par un journaliste de l’AFP, le linge sèche sur des cordes dans la cour de récréation. Une dizaine de famille se partagent les lieux. Les classes ont été débarrassées des pupitres, remplacés par des tapis au sol et des matelas en mousse le long des murs.

“Les écoles sont transformées en centre d’accueil pour les déplacés de la région de Maaret al-Noomane ou du sud d’Idleb. L’enseignement y a été suspendu”, reconnaît Abdel Salam al-Amin, coordinateur d’une ONG humanitaire qui distribue des aides aux familles. “Nous leur apportons des repas, des couvertures et des matelas”, ajoute-t-il.

Dans la cour de la prison, Abdel Qader Shawarghi coupe les cheveux d’un petit garçon assis sur une planche en bois. Le coiffeur de 29 ans a fui depuis deux semaines les bombardements à Maaret al-Noomane. Installé avec sa femme et ses deux enfants dans la prison, il continue de manier le ciseau pour faire vivre sa famille.

Pour la nouvelle année, il se dit optimiste et espère que les gens pourront rentrer chez eux. “Les enfants ont encore tout leur avenir devant eux, on ne veut pas qu’ils vivent ce que nous vivons avec la guerre”, soupire-t-il. “Si Dieu le veut, cette nouvelle année sera la fin de la guerre en Syrie.”

Neuf ans de conflits

En près de neuf ans, le conflit déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie par Damasa a fait plus de 370’000 morts et des millions de déplacés. L’année 2019 a été la moins meurtrière depuis le début de la guerre, selon l’OSDH, qui a rapporté la mort de 11’215 personnes au cours des douze mois écoulés.

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