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Décès d’une Américaine à l’origine du droit à l’IVG aux Etats-Unis

Norma McCorvey (à gauche), qui avait saisi la justice américaine sous le pseudonyme de "Jane Roe", avait donné son nom à l'arrêt historique de la Cour suprême "Roe contre Wade" du 22 janvier 1973 (archives). KEYSTONE/AP/J. SCOTT APPLEWHITE sda-ats

(Keystone-ATS) L’Américaine, à l’origine du droit constitutionnel à l’avortement aux Etats-Unis est décédée samedi à l’âge de 69 ans, a annoncé son biographe. Norma McCorvey avait saisi la justice américaine sous le pseudonyme de “Jane Roe”.

Le patronyme avait donné son nom à l’arrêt historique de la Cour suprême “Roe contre Wade” du 22 janvier 1973. Dans celui-ci, la plus haute juridiction américaine définissait un cadre limité dans lequel, en vertu de son droit à l’intimité, une femme pouvait légalement mettre fin à une grossesse.

Norma McCorvey est morte samedi d’un arrêt cardiaque dans la maison médicalisée où elle vivait à Katy, au Texas, a indiqué Joshua Prager, un journaliste new-yorkais. Ce dernier avait signé un long portrait d’elle pour le magazine Vanity Fair et prépare une biographie.

“Roe versus Wade” marqua l’épilogue d’une procédure judiciaire entamée trois ans plus tôt au Texas. Enceinte pour la troisième fois, Norma McCorvey, une mère célibataire fragilisée par une enfance difficile, avait souhaité avorter. Le Texas ne le permettait alors qu’en cas de danger pour la mère ou l’enfant.

Conseillée par deux avocates féministes, “Jane Roe” avait alors saisi la justice, s’opposant au procureur de Dallas Henry Wade. Son enfant était né, mais l’affaire avait suivi son cours jusqu’à la Cour suprême.

Malgré elle

Héroïne malgré elle du mouvement pro-choice pour le droit à l’avortement, Norma McCorvey était sortie de son anonymat dans les années 1980. Dans son enquête parue en février 2013 dans Vanity Fair, Joshua Prager la qualifiait ainsi de “militante accidentelle”. Le journaliste expliquait aussi que Norma McCorvey n’avait jamais voulu se faire le porte-drapeau des pro-choice.

Alors agée de 22 ans, elle voulait simplement, poursuit Joshua Prager, mettre un terme à sa troisième grossesse. Elle avait expliqué à son médecin qu’elle n’avait pas les moyens financiers de se rendre dans l’un des six Etats du pays où l’IVG était alors légale.

“McCorvey est ainsi devenue, avec une certaine ironie, un symbole du droit à une intervention qu’elle n’a elle-même jamais subie”, ajoute Joshua Prager dans son enquête. “Et dans les décennies qui se sont écoulées depuis que la décision Roe a divisé le pays, la question de l’avortement a également divisé McCorvey”.

Car autre ironie de l’histoire, Norma McCorvey est par la suite devenue une fervente opposante à l’avortement, s’étant convertie au protestantisme évangélique puis au catholicisme. Elle avait aussi revendiqué être homosexuelle, avant d’opérer un revirement.

Vive contestation

Plus de quarante ans après, l’arrêt de la Cour suprême qui autorise les interruptions volontaires de grossesse sous certaines conditions fait toujours l’objet d’une vive contestation aux Etats-Unis. Une partie de la population et de la classe politique rejette le droit à l’avortement.

Depuis l’élection du président républicain Donald Trump, les défenseurs du droit à l’avortement craignent que la Cour suprême, en basculant du côté conservateur, ne remette en cause ce droit constitutionnel, déjà battu en brêche dans de nombreux Etats fédérés par des législations locales très restrictives.

Samedi dernier, des dizaines de rassemblements pro et anti-avortement ont eu lieu aux Etats-Unis, notamment pour ou contre le grand réseau de planning familial Planned Parenthood.

Le vice-président américain Mike Pence est un adversaire de l’avortement. Et Donald Trump avait pris trois jours après son investiture du 20 janvier un décret interdisant tout financement fédéral d’ONG internationales qui soutiennent des interruptions volontaires de grossesse (IVG).

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