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Homicide par négligence: ex-psychiatre de Bellechasse (FR) condamné

Le détenu décédé dans sa cellule à Bellechasse (FR) avait reçu une prescription de méthadone lourde, sans mesures de prudence adéquate (photo d'archives). KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) Un ex-psychiatre de la prison de Bellechasse a été condamné pour homicide par négligence par le Tribunal du Lac à Morat (FR). Un détenu de 26 ans était mort en 2011, après une forte dose de méthadone prescrite par le spécialiste.

Le psychiatre âgé de 50 ans écope de 240 jours-amende de 120 francs avec un sursis de deux ans, soit la peine qui était requise par le Ministère public. La Cour a communiqué mercredi aux médias le jugement qu’il rendu lundi par écrit.

Le détenu est décédé d’une intoxication dans la nuit du 16 au 17 novembre 2011, dans sa cellule. Depuis le soir du 15 novembre, il avait pris de la méthadone (substitut d’héroïne) prescrite par le psychiatre, ainsi que d’autres substances médicamenteuses.

L’ordonnance rédigée par le psychiatre prévoyait 80 milligrammes de méthadone par jour (pour moitié matin et soir). C’est une dose bien plus élevée que ce qui est préconisé habituellement.

Le thérapeute n’a pas pris les mesures de prudence et de surveillance nécessaires, d’autant plus au vu du risque d’interaction avec les autres médicaments, ont estimé les juges. Il aurait dû commencer par un dosage plus faible, et l’accroître progressivement par la suite si nécessaire.

Symptômes de manque

Le détenu avait été transféré depuis la prison centrale de Fribourg une semaine plus tôt. Le psychiatre a rédigé son ordonnance après un seul entretien avec lui. Très agité, son patient présentait des symptômes de manque et plusieurs troubles psychiques.

Il y avait urgence car il risquait de s’automutiler ou de se suicider, avait argumenté le psychiatre au Tribunal le 18 janvier dernier. Le patient lui a expliqué qu’à la prison centrale, il consommait jusqu’à 120 milligrammes par jour. Il ne voyait pas de raison de douter de ses déclarations et de refuser de l’aider.

En réalité, les doses que le détenu recevait à la prison centrale à partir d’août n’excédaient pas 30-40 milligrammes, et le dosage baissait progressivement jusqu’à un arrêt en octobre. Cela faisait donc un mois que sa consommation avait cessé, du moins légalement.

Mais ce n’est pas un secret que les détenus parviennent à se procurer des substances psychotropes, avait souligné le thérapeute. Il avait prescrit une dose élevée pour éviter que le patient ne s’en procure davantage. Il avait aussi précisé qu’il était joignable en tout temps mais n’avait jamais été alerté par le personnel.

Echantillons détruits

Selon son défenseur, le lien de causalité entre l’ordonnance et le décès n’était pas certain. Pour invoquer des interactions entre les substances, il aurait été important de quantifier toutes celles qui étaient présentes dans le corps, car le détenu a pu consommer davantage que les produits prescrits.

Or, les analyses n’ont pas permis de tout quantifier. Et les échantillons de contenu gastrique ont été détruits après les premières analyses: il a donc été impossible de mener de nouvelles expertises. L’avocat y voyait une faute importante dans la procédure.

Un système en question

Le psychiatre travaillait pour la prison depuis 2009. Il faisait partie d’un cabinet privé mandaté par Bellechasse. Son diplôme croate n’étant pas reconnu en Suisse, il ne pouvait exercer que sous supervision d’un confrère.

Selon l’acte d’accusation, ni la prison centrale de Fribourg ni celle de Bellechasse n’avaient une autorisation pour prescrire de la méthadone au détenu. Au-delà du comportement du psychiatre, cette affaire soulève aussi des questions sur l’ensemble du système et de l’organisation en matière de suivi médical des détenus, avait commenté l’avocat de la partie plaignante.

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