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Jovenel Moïse, un président haïtien à la légitimité fragile

Le nouveau président d'Haïti Jovenel Moise en compagnie de son épouse, lors de la cérémonie d'investiture au palais du parlement à Port-au-Prince. KEYSTONE/EPA EFE/OOLANDO BARRIA sda-ats

(Keystone-ATS) Après une crise électorale qui a paralysé la vie politique du pays pendant un an et demi, Jovenel Moïse est devenu le 58e président d’Haïti mardi à Port-au-Prince. Mais une victoire électorale encore contestée et des soupçons de blanchiment minent sa légitimité.

L’homme d’affaires de 48 ans signe ainsi le début de sa carrière politique en accédant aux plus hautes fonctions dans le pays le plus pauvre des Caraïbes.

Jovenel Moïse, un propriétaire de bananeraies, a été propulsé sur la scène politique en 2015 par Michel Martelly, élu président en 2011, et qui voulait en faire son successeur.

Le président sortant, une star de carnaval qui amuse les foules en se déhanchant et abusant d’un vocabulaire grossier, contraste avec son successeur à la personnalité effacée et inconnue du grand public.

Jovenel Moïse était arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle en octobre 2015. Mais en raison de contestations et de fraudes massives, le vote avait été annulé.

L’homme d’affaires, qui entend relancer – par l’agriculture – l’économie haïtienne, a finalement été élu président en novembre 2016, lorsque le scrutin avait été reprogrammé après le passage de l’ouragan Matthew.

Un an de retard

A la fin du mandat de Michel Martelly le 7 février 2016, faute de successeur élu à temps, le Parlement avait choisi Jocelerme Privert, alors président du Sénat, pour assurer l’intérim.

Avec un an de retard, la première République noire de l’histoire, marquée par une tradition d’instabilité politique, retournera à l’ordre constitutionnel en ayant à sa tête un président élu au suffrage universel direct.

Plus de 2000 personnes ont été invitées à cette passation de pouvoir. Les cérémonies ont lieu au coeur de la capitale haïtienne sur l’emplacement du palais présidentiel détruit lors du terrible séisme de janvier 2010.

Victoire contestée

La rigueur a été le mot d’ordre pour l’organisation des cérémonies, selon l’équipe du président élu, alors que Haïti est en pleine crise économique. Le pays a plus de deux milliards de dollars de dettes et une croissance qui ne devrait pas dépasser 1% en 2017.

Jovenel Moïse avait annoncé avoir invité les 53 autres candidats au scrutin présidentiel comme signe de sa volonté d’apaiser le climat politique. Mais la scène politique haïtienne reste conflictuelle car sa victoire au premier tour de scrutin reste contestée par ses principaux concurrents.

Faible participation

S’il a été déclaré vainqueur du premier tour de la présidentielle avec 55% des suffrages, cette élection est minorée par la très faible participation des citoyens: seuls 21% des électeurs ont voté le 20 novembre dernier.

De plus, des doutes concernant de possibles blanchiments d’argent dont il aurait été l’auteur n’ont pas été levés. A l’été 2016, l’Unité centrale de renseignements financiers avait transmis à la justice le rapport confidentiel de son enquête sur les comptes de M. Moïse.

Si le juge d’instruction a remis son rapport au commissaire du gouvernement (l’équivalent du procureur en Haïti), ce dernier n’a pas encore rendu publique sa décision sur la suite à donner à l’affaire.

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