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La qualité des messages du Conseil fédéral laisse à désirer

Les messages du Conseil fédéral n'évaluent pas toujours suffisamment les conséquences finaicères des projets (image symbolique). KEYSTONE/GIAN EHRENZELLER sda-ats

(Keystone-ATS) Trop souvent, le Conseil fédéral n’évalue pas ou pas assez les conséquences de ses projets. Le Contrôle fédéral des finances dresse un constat sévère de ces analyses d’impact et recommande un meilleur contrôle par la Chancellerie fédérale.

A l’origine de cet examen des messages du Conseil fédéral se trouve l’erreur d’estimation sur les conséquences financières de la deuxième réforme de l’imposition des entreprises, adoptée par les citoyens en 2008. La réforme voulait atténuer la double imposition et soutenir les PME.

Dans son message en 2005, le Conseil fédéral avait estimé des pertes de 40 millions de francs pour la Confédération et de 460 millions pour les cantons. A terme, l’Etat aurait même dû gagner de l’argent. Au final, le déficit s’élève à plusieurs milliards de francs.

Le rapport publié jeudi n’a cependant “rien à voir” avec la troisième réforme, sur laquelle le peuple votera dimanche, a insisté Michel Huissoud, directeur du Contrôle fédéral des finances (CDF). La décision d’un tel examen a été prise en 2013, alors que le Conseil fédéral n’avait pas encore adopté le projet.

Qualité problématique

Ce dernier a analysé 50 messages du gouvernement entre 2007 et 2014. Pour le CDF, la qualité des messages laisse à désirer. Trop d’analyses ne sont pas réalisées, le sont tardivement ou insuffisamment pour l’importance du projet concerné. De plus, les juristes qui rédigent les messages ne sont pas assez formés ni assez nombreux.

Dans près de 60% des cas, aucune analyse n’a été effectuée alors qu’elle aurait été requise. Six d’entre eux sont qualifiés de “problématiques”: faisant partie des messages importants, ils auraient requis une analyse approfondie. Il s’agit par exemple de la réforme de l’assurance-chômage, de la participation de la Suisse aux programmes de recherche européens ou de la réforme dite “Swissness”.

Au final, 15% des messages du Conseil fédéral sont clairement insuffisants et 30% n’analysent pas assez les conséquences des projets dans les cantons, a remarqué Emmanuel Sangra, un des responsables du projet.

Pression politique à 2 milliards

Le CDF se penche aussi sur des cas particuliers, dont l’introduction du principe du Cassis de Dijon et le projet de dégrèvement fiscal des familles avec enfants. Dans le cadre du premier objet, les deux milliards d’économies promises aux consommateurs n’ont pas pu être démontrés.

A ce sujet, il remarque qu'”une forte pression politique a manifestement joué un rôle dans le fait que ce chiffre pourtant peu fiable a été publié”. Pour le CFD, il existe “un risque d’instrumentalisation politique des analyses prospectives.”

Les prévisions chiffrées de la réforme visant à introduire la déduction des frais de garde par des tiers posent également problème. A l’origine, l’Administration fédérale des contributions s’attendait à un déficit de 360 millions de francs par an. Au final, le manque à gagner ne s’élève qu’à 60 millions.

“Le comportement des familles dans le choix de la garde de leurs enfants a été mal évalué”, a relevé Emmanuel Sangra. Seul un parent sur cinq a utilisé la déduction, et pour des montants plus faibles que ceux estimés. “Nous pensons que l’administration aurait pu mieux faire en interrogeant des parents.”

Société et environnement oubliés

Autre constat: les bénéfices et les coûts pour l’économie et la Confédération sont les plus thématisés, alors que ceux pour la société et l’environnement sont souvent oubliés. Dans 71% des cas, ils sont évalués de manière insuffisante. “Les offices rédigent les messages en fonction des destinataires finaux: les parlementaires”, écrit le CDF.

Ceux-ci commencent à douter de la fiabilité des messages du Conseil fédéral. Deux motions visant à faire appel à un contrôle externe ont été adoptées. Un organe externe coûterait trop cher, estime le Contrôle fédéral des finances. Il recommande de donner plus de pouvoir à la Chancellerie fédérale. Celle-ci contrôle déjà la forme des messages. Elle devrait aussi pouvoir se prononcer sur leur contenu.

Dans sa réponse, le Conseil fédéral s’oppose à une telle solution, mais il va quand même y réfléchir dans le cadre de la mise en oeuvre des deux motions. Il devrait prendre une décision d’ici à l’automne. Il consent également à améliorer la formation des offices et les outils d’analyse mis à leur disposition.

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