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Les forums en ligne animent le débat et l’empoisonnent parfois

Les commentaires sont généralement plus modérés quand les auteurs doivent s'identifier. KEYSTONE/MARTIN RUETSCHI sda-ats

(Keystone-ATS) Plusieurs journaux ont restreint les conditions d’accès à leur forum en ligne, suite à des dérapages trop fréquents. Les rédactions veulent continuer d’encourager leurs lecteurs à intervenir, mais de préférence à visage découvert.

Grossièreté, racisme, règlements de comptes: ce sont invariablement les mêmes raisons qui sont invoquées par les médias, lorsqu’ils renoncent à publier des commentaires de lecteurs. Environ un quart des interventions sont écartées pour ces motifs, déclarent les responsables de titres romands interrogés par l’ats.

Certains sujets sont d’emblée fermés aux commentaires, quand les rédactions anticipent des risques trop importants que le débat dégénère. La question des frontaliers notamment est de celles qui attisent les émotions hors proportion, indiquent 20 Minutes et Arcinfo.

Activité chronophage

Le contrôle des commentaires prend un temps considérable qui dépasse parfois les ressources des journaux. Aussi certaines rédactions ont-elles pris le parti de déléguer cette tâche.

La RTS notamment et les publications romandes du groupe Tamedia ont confié la “modération” de leurs forums à l’entreprise française Netino, spécialisée dans les médias sociaux.

Faute de personnel, certains titres préfèrent renoncer à laisser les lecteurs intervenir directement sur leur site. Comme La Liberté, qui n’autorise les commentaires que sur sa page Facebook et dit ne pas pouvoir assurer plus pour l’instant.

Identification requise

D’autres titres ont pris la décision de retreindre les conditions d’accès à leurs forums. Comme Le Matin, qui impose désormais aux commentateurs de s’identifier au préalable, en indiquant non seulement leur nom et prénom, mais aussi leur numéro de portable. Prise en automne 2016, cette mesure a eu pour effet de remettre les compteurs à zéro, alors que le nombre des interventions quotidiennes se montait à plus de 4000.

La rédaction se félicite néanmoins de cette décision, car elle constate que les intervenants ne sont pas découragés. Leur nombre augmente à nouveau progressivement et le responsable web est moins souvent obligé de bannir des indélicats.

La rédaction d’Arcinfo fait un constat semblable. Les commentaires sont deux à trois fois plus nombreux sur la page Facebook que sur le site, où il est obligatoire de s’identifier. Les interventions sont généralement plus modérées sur le site et doivent moins souvent être supprimées.

Débat démocratique, non anarchique

Les trolls (internautes qui aiment susciter la polémique, en argot d’Internet) ne représenteraient guère plus de 5 à 10 pourcents, selon les estimations de Philippe Messeiller, rédacteur en chez adjoint et responsable du site du Matin. “Ils constituent une minorité, mais qui nous oblige à prendre des mesures. Car nous voulons maintenir cette possibilité de débat, avec des gens qui sont responsables de leurs propos”, justifie-t-il.

Malgré les controverses et le côté chronophage de la gestion des forums, les rédactions sont unanimes à trouver plus d’avantages que d’inconvénients à ces débats en ligne. Ils estiment qu’ils constituent un réel apport pour les journaux, voire une source d’informations et d’idées.

Côté alémanique

Certains journaux alémaniques ont aussi pris des dispositions pour restreindre l’accès aux commentaires en ligne. C’est le cas de la NZZ qui affirme avoir réagi en constatant que le ton devenait plus haineux: “Si les lecteurs échangeaient autrefois des idées, ce sont de plus en plus souvent des insultes qui s’échangent aujourd’hui”.

Un tour d’horizon de la presse alémanique révèle les mêmes problèmes qu’en Suisse romande. Le quotidien 20 Minuten emploie pas moins de huit personnes à temps partiel pour gérer les quelque 15’000 commentaires journaliers. Le Tages-Anzeiger a recours à trois personnes en alternance pour contrôler les 3200 commentaires quotidiens, tandis qu’au Blick, le flux atteint 2000 par jour.

Un quizz norvégien

En Norvège, le site d’informations NRKbeta expérimente une nouvelle piste depuis mi-février. Chaque personne souhaitant réagir à un article doit auparavant répondre correctement à trois questions inspirées directement du texte en question.

On espère ainsi limiter le nombre de commentaires “enragés” faits sous le coup de la colère, a expliqué jeudi à l’AFP le rédacteur en chef de NRKbeta, Marius Arnesen. L’internaute est ainsi obligé de faire une pause, de réfléchir un peu et de lire l’article si ce n’est pas déjà fait.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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