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Les fraudeurs fiscaux suisses au pied du mur

La pression s'accentue sur les fraudeurs suisses. Une dénonciation spontanée n'est plus possible quand un service des contributions suisse reçoit une notification de la part d'une autorité étrangère (photo symbolique). KEYSTONE/GABRIELE PUTZU sda-ats

(Keystone-ATS) Les Français, les Allemands ou les Italiens, qui cachent leur argent en Suisse, ont longtemps été dans le collimateur des autorités. Les Suisses, qui ne déclarent pas leur fortune dans l’UE, n’attiraient en revanche guère l’attention. Cela est en train de changer.

L’accord sur l’échange automatique de renseignements (EAR) entre la Suisse et l’Union européenne (UE) est en vigueur depuis le début de l’année. La pression s’accentue sur les fraudeurs suisses. Une dénonciation spontanée n’est plus possible quand un service des contributions suisse reçoit une notification de la part d’une autorité étrangère.

Héritage en Allemagne

Peter A. (nom connu de la rédaction) est inquiet. Cet Allemand, âgé d’une cinquantaine d’années, vit depuis 25 ans dans le canton de Zurich. Il a acquis entre-temps la nationalité suisse, mais n’a pas coupé totalement ses racines “financières”.

Après la mort de ses parents, il a omis de mentionner son héritage dans sa déclaration fiscale et conservé l’argent de la vente de sa maison familiale sur un compte bancaire allemand.

Ruth T. est confrontée au même genre de problème. Ses parents allemands ont ouvert des comptes d’épargne en Allemagne pour leurs petits-enfants qui vivent en Suisse. Ils ont déposé des sommes au cours des dernières années pour les anniversaires ou Noël sur ces comptes qui génèrent des intérêts élevés et qui ne sont pas déclarés.

Ruth T. a profité de sa visite chez ses parents à Noël pour faire un crochet par la caisse d’épargne locale. Elle a clôturé ses comptes bancaires avant de repartir chez elle avec l’argent dans une enveloppe.

Obligation de renseigner

Elle n’a pas dû s’annoncer à la douane. Contrairement à l’UE, il n’y a pas en Suisse d’obligation de déclarer des devises. Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, il existe en revanche une obligation de renseigner.

Si une personne transporte un montant égal ou supérieur à 10’000 francs, elle est tenue de fournir à la demande du bureau de douane des renseignements sur l’origine et l’utilisation prévue de l’argent ainsi que sur l’ayant droit économique.

Selon l’Administration fédérale des douanes (AFD), il n’est pas nécessaire de répondre à ces questions lors d’une dénonciation spontanée. Ce qui est le cas quand il s’agit d’argent soustrait au fisc.

En cas de soupçon de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, l’argent liquide peut être séquestré provisoirement et remis à la police. Le bureau de douane peut également exiger des renseignements lorsque le montant de l’argent liquide n’atteint pas le seuil de 10’000 francs en cas de soupçon.

Pour ne pas avoir maille à partir avec le corps des gardes-frontière, Peter A. a franchi plusieurs fois en décembre avec sa compagne la frontière entre la Suisse et l’Allemagne. Avant ses voyages, il a retiré une somme à cinq chiffres auprès de sa banque en Allemagne. Il n’a pas été contrôlé à la frontière et n’a pas déclaré son argent, conservé dans un coffre de banque.

Hausse des dénonciations spontanées

Des milliers de fraudeurs fiscaux suisses se sont dénoncés spontanément l’an dernier avant l’entrée en vigueur de l’échange automatique de renseignements. S’ils ont dû s’acquitter des impôts non payés, ils ont cependant échappé à une amende.

Dans le canton de Lucerne, les recettes provenant de fonds nouvellement déclarés ont doublé à plus de 16 millions de francs, selon des chiffres officiels. Un seul individu a dû payer près de 4,5 millions d’impôts supplémentaires.

A Zurich, 2100 personnes se sont déclarées l’an dernier, soit un record depuis l’introduction de la dénonciation spontanée en 2010. Le canton et les communes ont engrangé 69 millions de francs de recettes fiscales supplémentaires sur les cas qui ont été réglés.

Communications différentes

Les douanes allemandes continuent de découvrir des cas de contrebande d’argent liquide. En décembre, des douaniers ont arrêté un Allemand de 62 ans, qui voulait rapatrier après une visite en Suisse 80’000 euros cousus dans sa chemise.

“Les saisies d’argent ne sont généralement pas communiquées par le Corps des gardes-frontière”, informe David Marquis, porte-parole de l’AFD. Les cas sont annoncés à la police cantonale compétente.

Les gardes-frontière ont enregistré entre 200 et 300 cas de contrebande d’espèces au cours des dernières années. La somme totale dépasse les 10 millions de francs. Aucun chiffre n’est encore disponible pour 2016.

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