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Les jeunes abeilles poussent leurs aînées hors de la ruche

A partir du moment où elles deviennent butineuses, les abeilles ne vivent guère plus de deux semaines en moyenne (archives). KEYSTONE/MARTIN RUETSCHI sda-ats

(Keystone-ATS) Chez l’abeille mellifère, aucun pouvoir central ne régule l’organisation de la colonie. Des chercheurs d’Agroscope ont constaté que ce sont les jeunes ouvrières elles-mêmes qui incitent leurs aînées à effectuer des tâches hors de la ruche, réduisant leur durée de vie.

Malgré son titre, la reine ne décide pas qui fait quoi dans la colonie. Elle pond des œufs desquels naissent des milliers d’ouvrières. Dans leurs premiers jours, celles-ci s’occupent des larves, puis construisent les rayons de cire et défendent la colonie. Elles quittent ensuite la sécurité du nid pour récolter de la nourriture.

Ce grand pas dans leur vie d’abeille accélère leur vieillissement, car le butinage les expose à de nombreux dangers, tels qu’infections par des pathogènes, prédateurs et aléas climatiques, a indiqué mardi la station fédérale de recherche Agroscope dans un communiqué.

La façon dont le travail est réparti entre les membres de la colonie n’est pas encore bien comprise, mais des études antérieures ont montré que la communication entre individus joue un rôle important. Ainsi, la présence en nombre de butineuses freine le passage des ouvrières plus jeunes à cette tâche.

Espérance de vie réduite

Il est aussi connu que la présence de larves réduit l’espérance de vie des ouvrières qui élèvent ce couvain et qui butinent pour le nourrir. Cela a été démontré par une augmentation de la longévité après le retrait expérimental des larves. Comme ce retrait avait également comme conséquence l’absence de jeunes ouvrières qui devaient en émerger, l’effet observé n’a jusqu’à présent pas pu être attribué au couvain lui-même ou aux jeunes ouvrières.

“En manipulant la démographie de la colonie pour séparer expérimentalement l’effet du couvain de celui des jeunes ouvrières, nous avons pu distinguer le rôle de chacun de ces acteurs sur le vieillissement des membres de la colonie”, relate Vincent Dietemann, d’Agroscope, cité dans le communiqué.

“Nous avons vu qu’aussi bien la présence du couvain que celle des jeunes ouvrières résultent en un vieillissement plus rapide”, précise l’auteur principal de l’étude Michael Eyer, du Centre de recherche apicole d’Agroscope et de l’Institut pour la santé de l’abeille de l’Université de Berne.

Grâce à ces mécanismes sociaux de régulation du butinage, la colonie peut rapidement s’adapter aux variations de l’environnement, selon les chercheurs.

Abeilles “d’été”

Au printemps et en été, les colonies sont en effet composées d’abeilles dites “d’été”. Pendant les trois premières semaines de leur vie, elles soignent le couvain, nettoient les rayons de cire, et quittent ensuite la sécurité du nid pour récolter le pollen et le nectar nécessaire à la colonie pendant une à deux semaines avant de mourir.

Les températures diminuant en fin d’été réduisent le butinage et l’élevage du couvain. Les abeilles “d’hiver” se développent à partir des couvains élevés en fin de saison. Au cours de leur longue vie de plusieurs mois pendant l’hiver, leur tâche est de maintenir le nid à une température suffisante et d’élever du couvain à la saison suivante avant de recommencer à butiner.

La durée de vie des ouvrières est donc très variable et cette flexibilité est adaptée au cycle de développement de la colonie, écrit Agroscope.

Modèle pour d’autres organismes

Ces résultats publiés dans la revue Experimental Gerontology permettent de mieux comprendre l’organisation sociale chez les insectes qui est source d’inspiration pour de nombreuses applications technologiques. Ils renseignent aussi sur les processus de vieillissement au-delà des insectes sociaux.

En effet, les abeilles sont utilisées comme modèle pour étudier le vieillissement chez d’autres organismes, dont l’humain. L’étude a également une signification pour l’apiculture, dont les pratiques peuvent inclure le retrait du couvain.

Ceci peut par exemple être le cas avant un traitement contre le parasite varroa. L’allongement de la durée de vie des ouvrières après le retrait permet à la colonie de compenser l’absence de nouvelle génération et de continuer à fonctionner.

En plus de produire du miel, de la cire, de la propolis et de la gelée royale, les abeilles contribuent à la pollinisation d’une grande variété de cultures, un service évalué à plus de 160 milliards de francs mondialement. Avec d’autres espèces d’abeilles sauvages, elles pollinisent aussi des plantes sauvages dont la valeur est encore plus élevée mais difficilement chiffrable.

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