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Les violons bien vernis jouent mieux et plus longtemps

Il faut vernir le violon, mais pas trop, tout est dans la nuance. C'est peut-être pour cela que les recettes des luthiers restent secrètes (archives). KEYSTONE/DPA/LINO MIRGELER sda-ats

(Keystone-ATS) “Vernir autant que nécessaire et aussi peu que possible”, c’est la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs suisses qui ont étudié l’influence de différents types de vernis sur les violons. Ces résultats sont publiés dans la revue Scientific Reports.

Les luthiers vernissent la surface extérieure des violons pour rendre le bois plus résistant à l’usure, à la saleté et à l’air ambiant. D’habitude, le vernis de finition est à base de résines naturelles dissoutes dans l’huile ou l’alcool, a indiqué le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) dans un communiqué.

Avec des confrères de l’Institut Paul Scherrer (PSI) et de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), des chercheurs de l’Empa ont analysé la manière dont les différents systèmes de vernissage de violon influencent l’absorption d’humidité par le bois. Ils ont utilisé la source de neutrons SINQ au PSI pour radiographier des échantillons de bois vernis et non vernis.

Leur conclusion: “Seule une procédure de vernissage complète avec prétraitement et vernis est vraiment efficace”, résume Sarah Lämmlein de l’Empa, première auteure de l’étude, citée dans le communiqué. Les résultats de ces travaux montrent en effet qu’une fois verni de la sorte, le bois absorbe moitié moins d’humidité de l’air ambiant qu’un échantillon non traité.

L’absorption et le dégagement d’humidité peuvent en effet endommager sérieusement un violon: le gonflement et le retrait du bois entraînent des déformations ou des fissures. L’humidité du bois modifie aussi les propriétés sonores de l’instrument.

Recettes secrètes

Pour leur étude, les chercheurs ont traité des morceaux de bois utilisés pour la fabrication de violons, en appliquant sept combinaisons différentes d’agents de prétraitement et de vernis de finition. La plupart des recettes de vernis utilisées par les luthiers sont secrètes.

Pour faire son choix, Sarah Lämmlein s’est donc fait aider par la luthière zurichoise Ulrike Dederer. Les agents de prétraitement pénètrent dans le bois, alors que le vernis à l’huile ou à l’alcool se dépose à la surface sous la forme d’une couche qui peut atteindre jusqu’à 70 micromètres d’épaisseur, l’équivalent d’un cheveu humain.

Une fois les échantillons séchés, les chercheurs les ont placés dans une chambre climatique où ils les ont exposés successivement à une humidité relative de 95% et de 35%. Utilisant la source de neutrons SINQ, les chercheurs ont inspecté les échantillons par imagerie neutronique.

“Cela ce qui nous a permis de visualiser à l’échelle micrométrique les endroits où le bois absorbait ou dégageait de l’eau, à quelle vitesse et en quelles quantités”, explique David Mannes, du PSI.

L’imagerie neutronique a pour particularité de fonctionner de manière non destructive; elle permet donc d’analyser des objets dans leur totalité, sans les endommager, mais aussi d’observer et de quantifier des processus dynamiques au sein d’un échantillon. Cette méthode est accessible seulement dans quelques centres de recherche dans le monde et, en Suisse, uniquement au PSI.

Revernir le violon

Des échantillons de bois sur lesquels seuls les agents de prétraitement ont été appliqués, mais pas le vernis, ont été utilisés afin de simuler un violon très usé dont la couche de vernis supérieure se serait écaillée. C’est ce qui se produit avec le temps aux endroits les plus sollicités, comme le fond de l’instrument que le violoniste presse contre son épaule.

Les échantillons correspondants ont absorbé relativement rapidement d’importantes quantités d’eau du fait qu’ils étaient exposés à l’air pratiquement sans protection.”Cela peut donc valoir la peine de faire réappliquer du vernis sur ces zones usées de l’instrument”, relève David Mannes.

Dans le cadre de cette étude, les vernis à huile et à alcool ont offert une protection comparable contre l’humidité. En matière de vernissage, il ne faut pas exagérer. Les mesures montrent en effet que multiplier ou épaissir les couches de vernis entraîne des modifications du comportement vibratoire des échantillons de bois.

Traditionnellement, les luthiers ne vernissent que l’extérieur du violon et non les surfaces à l’intérieur de la caisse de résonnance. Les analyses des chercheurs confirment que cette manière de procéder est la mieux adaptée, car en fin de compte, la surface interne est moins directement exposée à l’air et à la transpiration du violoniste.

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