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Radovan Karadzic condamné à la prison à vie

Radovan Karadzic a été condamné mercredi à la perpétuité. KEYSTONE/EPA AP POOL/PETER DEJONG / POOL sda-ats

(Keystone-ATS) La justice internationale a condamné mercredi en appel l’ex-chef politique des Serbes de Bosnie Karadzic à la prison à vie pour l’étendue et la cruauté systématique de ses crimes pendant la guerre de Bosnie (1992-95). Sa peine initiale de 40 ans de prison est durcie.

L’accusé à la chevelure blanche a écouté, impassible, le verdict, fixant d’un regard dur les juges, sous les applaudissements de survivants et de proches des victimes venues assister à l’audience.

Radovan Karadzic, 73 ans, avait été condamné en première instance en 2016 par le Tribunal pénal international de l’ONU, à La Haye, à 40 ans de prison pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. La justice le juge responsable de persécutions, meurtres, viols, traitements inhumains ou transferts forcés, notamment lors du siège de près de quatre ans de la capitale bosniaque Sarajevo, au cours duquel plus de 10’000 personnes sont mortes.

Le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), qui a pris le relais du TPIY après sa fermeture en 2017, a rejeté mercredi l’appel de Karadzic, le condamnant “à la prison à vie”.

En première instance, les juges “ont sous-estimé l’extrême gravité de la responsabilité de Karadzic dans les pires crimes commis” durant le conflit en Bosnie, a déclaré le juge Vagn Joensen, soulignant “l’étendue” et la “cruauté systématique” de ces crimes. “L’affirmation de Karadzic selon laquelle il était un psychiatre et un poète sans formation militaire ne prend pas en considération son autorité étendue sur les forces militaires bosniaques”, a-t-il ajouté.

“Sérénité maintenant”

L’Union européenne et les Etats-Unis ont tous deux salué ce verdict jugé crucial pour la réconciliation dans les Balkans, une région que l’Europe tente de prendre sous son aile et de soustraire à l’influence russe. “L’UE attend de tous les dirigeants de la région qu’ils soutiennent les décisions des tribunaux internationaux”, a affirmé l’Union.

M. Karadzic était jugé pour sa responsabilité dans le siège de Sarajevo et le massacre de l’enclave de Srebrenica en 1995, le pire perpétré en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est également mis en cause dans le déplacement de populations sur des bases ethniques dans plusieurs autres villes du pays.

A plus de 2000 km de La Haye, dans l’est de la Bosnie, des veuves et des mères de Srebrenica ont suivi la lecture du verdict, à quelques mètres des tombes de leurs proches: à l’annonce de perpétuité, les veuves de Srebrenica ont applaudi et prié.

“Dieu merci pour cela, parce qu’un autre verdict nous aurait tuées”, réagit, les paumes tournées vers le ciel, Bida Osmanovic. Son fils de 22 ans, Faruk, était parmi les 8000 hommes et adolescents bosniaques musulmans tués en juillet 1995 lors du massacre de Srebrenica, dont Radovan Karadzic a été l’un des artisans. “Pas de différence”

Karadzic “a beaucoup de regrets concernant ce qui s’est passé pendant la guerre”, “mais il n’a aucune responsabilité pénale à titre individuel”, a affirmé son avocat Peter Robinson devant les journalistes. “Il n’y a pas de différence entre la prison à vie ou une sentence de 40 ans, car il aura 103 ans dans 40 ans. Donc cela n’a pas d’importance pour lui”, a ajouté l’avocat.

Toujours considéré comme un “héros” par beaucoup des siens, Karadzic avait fait appel sur 50 points de sa condamnation, dénonçant un “procès politique”. L’accusation, qui demandait la prison à vie, avait elle aussi fait appel du jugement de première instance, jugé trop clément.

La décision concernant Radovan Karadzic est l’une des dernières de la justice internationale dans le cadre de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie après la chute du communisme en 1991.

Déni de Belgrade

Quel que soit le verdict, Belgrade pourrait ne pas “l’accepter”, avait prévenu Izabela Kisic, directrice exécutive du Comité d’Helsinki pour les droits de l’homme en Serbie. “La Serbie a nié les crimes de guerre depuis longtemps et son rapport à la guerre en Bosnie n’a pas changé du tout”, selon elle.

“Il n’y a aucune approche rationnelle de ce qui s’est passé ni aucune acceptation des verdicts émanant du TPIY”, a-t-elle ajouté. En Bosnie, le gouvernement de la Republika Srpska a annulé l’année dernière un rapport de 2004 sur les meurtres et a mis sur pied une commission pour mener une nouvelle enquête sur les crimes.

Amnesty International a réagi à cette condamnation, estimant qu’elle “envoie un puissant message au monde entier et rend justice aux victimes et à leur famille qui attendent ce jour depuis près de 25 ans”.

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