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Attentats de 2015 à Paris: début du procès d’un “logeur”

L'immeuble qui avait servi de planque à l'un des membres du commando du 13-Novembre 2015 (archives) KEYSTONE/AP/CHRISTOPHE ENA sda-ats

(Keystone-ATS) C’est la première personne liée aux attentats du 13 novembre 2015 en France à comparaître: le procès de Jawad Bendaoud, le “logeur” de deux djihadistes, a débuté mercredi à Paris. Il comparaît pour “recel de malfaiteurs terroristes et encourt six ans de prison.

Cet homme a fourni l’appartement où Abdelhamid Abaaoud, l’un des cerveaux des attaques du Stade de France et du Bataclan, et son complice Chakib Akrouh s’étaient repliés, à Saint-Denis, tout près de Paris.

Le début du procès mercredi après-midi a été d’abord incertain en raison d’un vaste mouvement de blocage des prisons par les surveillants en France. Mais Jawad Bendaoud, 31 ans, a finalement pu être transféré dans la journée de la maison d’arrêt de Fresnes, dans la banlieue parisienne, au palais de justice de la capitale.

Ce délinquant multirécidiviste, déjà condamné en 2008 pour “violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner”, a brutalement accédé à la célébrité le 18 novembre 2015. Les policiers d’élite avaient lancé l’assaut contre cette planque très tôt le matin, tuant les deux djihadistes et la cousine d’Abaaoud, qui s’y trouvait avec eux.

Dans une interview à l’AFP, Jawad Bendaoud avait déclaré que ces hôtes voulaient “juste de l’eau et faire la prière” et “qu’ils venaient de Belgique”. “Je n’étais pas au courant que c’était des terroristes”, affirmait ensuite le jeune homme, visiblement agité, sur la chaîne d’information continue BFMTV.

“On m’a dit d’héberger deux personnes pendant trois jours. J’ai rendu service”, expliquait-il encore. La vidéo allait devenir virale et faire l’objet de multiples parodies.

Depuis son arrestation, il clame son innocence.

Porosité au niveau de la justice

“Jawad”, comme l’ont appelé des millions de Français, est “celui dont on a ri après avoir trop pleuré”, a résumé mercredi son avocat Xavier Nogueras. Il a été surnommé “le logeur de Daech” (acronyme arabe du groupe Etat islamique).

Il a échappé aux assises: les juges d’instruction ont estimé qu’il savait qu’il hébergeait certains auteurs des attentats parisiens, mais n’avait pas connaissance de leur projet d’attaques futures dans le quartier de La Défense près de Paris.

Deux autres personnes seront jugés à ses côtés, respectivement pour “recel de malfaiteurs terroristes” et “non dénonciation de crime terroriste”. “Ils ne pouvaient pas ignorer qu’ils étaient en train d’aider des terroristes, là-dessus il n’y a pas de débat”, a estimé avant l’audience Gérard Chemla, avocat des parties civiles. “Ce procès pose aussi la question de la porosité entre les délinquants de droit commun et les terroristes”, a souligné Me Géraldine Berger-Stenger.

Dans les yeux

Ce procès médiatique, prévu pour durer jusqu’au 14 février, réunit pas moins de 80 avocats et au moins 500 parties civiles, dont des victimes des attaques du 13-Novembre, venues en nombre au palais de justice. “Ca fait deux ans qu’on souffre et on a envie de voir quelque chose, on a envie de voir qu’ils assument”, a expliqué une veuve qui a perdu son mari dans la salle de spectacles du Bataclan.

“Je veux qu’il me regarde dans les yeux, qu’il assume. Ce n’est peut-être pas un terroriste mais un imbécile qui les a hébergés. (…) On veut qu’il sache dans quelle difficulté il nous a mis”, a déclaré pour sa part l’une des victimes de l’attaque aux abords du Stade de France, à Saint-Denis, et qui se déplace aujourd’hui en fauteuil roulant: “Je suis détruit de l’intérieur. J’espère des excuses, c’est la moindre des choses”, a-t-il conclu.

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