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Avant Apollo, Wernher von Braun faisait les fusées d’Hitler

Wernher von Braun posant devant la fusée Saturn V le 10 juillet 1969 (archives). KEYSTONE/EPA NASA/NASA HANDOUT sda-ats

(Keystone-ATS) Margrit von Braun regrette une chose de son enfance: n’avoir pas plus interrogé son père, Wernher von Braun, sur les projets spatiaux qu’il dirigeait pour la Nasa. Le célèbre ingénieur, héros de l’agence spatiale américaine, ne parlait pas non plus de son passé nazi.

« C’était juste mon père », dit aujourd’hui Margrit von Braun, seconde fille de l’ingénieur allemand mort en 1977 et célébré à Huntsville, dans l’Alabama, depuis six décennies comme le héros local.

Wernher von Braun s’est rendu aux Américains à la fin de la guerre, proposant à l’armée non seulement des fusées V2 non utilisées, mais aussi des tonnes de documents et une centaine de ses meilleurs ingénieurs et scientifiques.

Ils ont été transférés en septembre 1945 vers le Texas, d’abord sans leurs familles, puis en 1950 dans ce qui était alors une petite ville rurale vivant de l’agriculture, Huntsville, avec une base militaire à vendre, reprise et transformée par l’armée de Terre en centre de développement de missiles.

Les Allemands et leurs familles s’y sont parfaitement intégrés. Margrit est née en 1952. En 1960, le centre de missiles/fusées a été transféré à l’agence spatiale nouvellement créée. Von Braun fut le premier directeur du centre Marshall.

« Américaine d’abord »

« J’ai eu une enfance assez normale », confie à l’AFP Margrit von Braun, revenue passer la semaine ici pour célébrer les 50 ans d’Apollo 11. Depuis huit mois, elle revient pratiquement tous les mois pour des conférences et événements liés à l’anniversaire.

Les von Braun vivaient dans un quartier habité par d’autres familles allemandes. Ils parlaient allemand et anglais à la maison, et Margrit reste bilingue. Mais « je n’ai jamais vraiment utilisé le terme de Germano-Américaine, je me suis toujours sentie Américaine d’abord », poursuit-elle. Son mari est américain.

Elle quitta Huntsville pour ses études et vit depuis 42 ans dans l’Etat de l’Idaho, où elle fut professeure de sciences environnementales à l’université. Elle a aussi co-fondé une ONG antipollution, Terragraphics International Foundation, qui intervient dans des pays comme le Nigeria.

« Mon père voulait aller au-delà de la Terre et sur d’autres planètes. Je suis restée beaucoup plus près », dit la professeure à la retraite. « Le mouvement environnemental dans ce pays est né après qu’on a pu observer la Terre comme cette petite bille bleue dans l’univers ».

Du lancement d’Apollo 11, elle se souvient du décollage depuis la Floride, et de la réaction de son père: « Presque dès le lendemain, il parlait d’aller sur Mars ». « S’il était encore là, il serait choqué et déçu qu’on ne soit ni retourné sur la Lune, ni allé sur Mars ».

« Ce n’est pas du déni »

L’autre sujet dont Wernher von Braun ne parlait pas à la maison, selon sa fille, était la guerre. L’ingénieur travaillait pour le régime nazi. Il dirigeait à Peenemünde, sur la Baltique, le centre de développement des fusées V2, qu’Hitler a envoyées sur Londres et Anvers à la fin de la guerre.

Les missiles étaient fabriqués par les prisonniers du camp de concentration de Dora, dans le centre du pays, dans des conditions inhumaines. Von Braun lui-même a adhéré au parti nazi en 1937, et avait reçu des galons d’officier SS.

Une tache morale défendue comme un geste forcé et opportuniste. « Il travaillait sous une dictature », dit Margrit von Braun: « Il ne pouvait pas dire non ».

« Les gens n’avaient pas le même type de choix auquel nous sommes habitués dans une démocratie comme l’Amérique. Il est difficile, surtout pour les Américains, de comprendre qu’il s’agissait d’un type de régime très différent ».

Elle n’apprécie donc pas qu’on écrive « le nazi Wernher von Braun ». « Les Américains ont recruté des experts des fusées, qui ont permis à l’Amérique d’aller sur la Lune. Cette description est plus correcte », dit-elle, sans montrer de signe d’irritation.

Que répond-elle à l’historien Michael Neufeld, auteur d’une biographie de son père, qui dit à l’AFP que Huntsville est « en déni profond »? « Je n’ai pas lu son livre, c’est ma réponse », rétorque la fille. « Ce n’est pas du déni. Ce groupe de gens est venu faire quelque chose de bien et emmener l’Amérique dans une direction positive. Voilà de quoi Huntsville est fière ».

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