La semaine en Suisse
Chères Suissesses, chers Suisses de l’étranger,
Si seulement tout pouvait être aussi harmonieux que la «raclette de la paix» organisée dimanche dernier entre un village suisse et un village français.
Au lieu de cela, la semaine a été marquée par: des débats sur la bonne manière – et la nécessité même – de reconstruire le village de Blatten, frappé par un glissement de terrain; de vives critiques à l’égard du ministre suisse des Affaires étrangères pour son silence sur Gaza; une équipe gouvernementale de cybersécurité accusée d’avoir divulgué des informations à la Russie; et une motion visant à interdire aux ministres de parler anglais dans les organisations internationales.
Bonne lecture,
À peine la poussière retombée sur le village suisse de Blatten, enseveli par un glissement de terrain le 28 mai, que les premières interrogations ont émergé sur le coût du soutien aux communautés de montagne. Combien faut-il investir pour protéger les régions alpines? Quelle est la valeur des Alpes pour la société?
«L’éboulement à Blatten montre une fois de plus la vulnérabilité de la région alpine», a écrit la NZZ am Sonntag dans un éditorial. «Le financement et le partage des charges pour les régions de montagne vont atteindre leurs limites. La question de la proportionnalité des investissements ne pourra plus être éludée encore longtemps.»
Alors que les Alpes s’érodent sous l’effet du changement climatique, des catastrophes comme celle de Blatten – où, miraculeusement, une seule victime est à déplorer – vont soulever des questions bien plus fondamentales pour la Suisse que la seule logistique du déblaiement.
Quelques jours avant le glissement de terrain de Blatten, le Tages-Anzeiger a fait état de la construction d’un nouveau mur de protection pour le village de Bondo, dans le sud-est de la Suisse, touché en 2017 par un glissement de terrain qui avait fait huit morts. Le journal s’interroge: les 53 millions de francs suisses investis dans cette structure se justifient-ils pour un village de 200 habitants et habitantes?
Faut-il même reconstruire Blatten? Mercredi, le Tages-Anzeiger a demandé à deux journalistes de prendre position: l’un en faveur de la reconstruction («une Suisse qui abandonne ses villages de montagne s’abandonne elle-même»), l’autre contre. «Un retrait stratégique des zones à haut risque est une démarche responsable», écrit ce dernier. «Il faut rendre certains lieux à la nature. Ce n’est pas une capitulation. C’est un acte de respect envers des forces que nous ne maîtrisons pas.»
Les réactions des lecteurs et lectrices ont, sans surprise, été très polarisées. Identité nationale, solidarité, cohésion: les conséquences du glissement de terrain du 28 mai dépassent largement le cadre de Blatten.
Le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a sans doute connu des semaines plus faciles. Face aux critiques croissantes sur le silence de la Suisse concernant le conflit israélo-palestinien – y compris au sein même de son département – Ignazio Cassis a reconnu mardi qu’Israël ne remplissait pas ses obligations en entravant l’aide humanitaire à Gaza.
Mais dans des interviews accordées aux chaînes publiques suisses RTS et RSI, il a refusé de se joindre aux critiques internationales visant le gouvernement israélien, affirmant que le groupe militant palestinien Hamas portait également la responsabilité de la situation actuelle.
Ses déclarations n’ont guère apaisé les critiques. «Ignazio Cassis parle enfin et c’est pire que le silence», titre un éditorial duTemps. «Ses propos détonnent parmi ceux de la plupart des autres ministres des Affaires étrangères: pas de dénonciation claire des interventions de l’armée israélienne, pas d’empathie pour toutes ces victimes palestiniennes.»
Selon le journal, Ignazio Cassis est«complètement aveuglé par son dogmatisme» et, «en s’arcboutant sur sa propre vision de la neutralité, [il] oublie la tradition humanitaire de la Suisse». Le Temps conclut qu’il appartient désormais au gouvernement et à la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter, «de reprendre la main, de rappeler les valeurs de la Suisse et de dénoncer avec fermeté les horreurs subies par les Gazaouis. Des vies sont en jeu, l’image de la Suisse dans le monde également.»
Des membres du personnel du Service de renseignement de la Confédération (SRC) collaborent depuis des années avec des contacts russes, selon une enquête menée par SRF Investigativ et publiée mercredi.
Des données hautement sensibles auraient atterri entre les mains des services de renseignement russes via la société russe de cybersécurité Kaspersky. Le SRC a déclaré à SRF Investigativ qu’il «ne commente pas les rapports confidentiels dans les médias», mais a confirmé avoir «déposé une plainte pénale contre inconnu auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) pour soupçon de violation du secret de fonction».
Jeudi, la chaîne publique suisse SRF a indiqué que l’autorité indépendante de surveillance des activités de renseignement, l’AS-Rens, avait elle aussi déposé une plainte pénale auprès du MPC «il y a plusieurs mois». Ni l’AS-Rens ni le MPC n’ont fait de commentaires.
Le ministère de la Justice traite désormais la plainte pénale et doit décider si le MPC est habilité à ouvrir une procédure pénale. Pour protéger les intérêts du pays, le ministère peut également interdire toute poursuite.
C’est un dilemme, explique la SRF. «D’un côté, une enquête sur les services de renseignement pourrait ternir encore davantage la réputation déjà écornée du SRC, notamment auprès de services partenaires étrangers clés. De l’autre, l’intérêt public fondamental en faveur de poursuites pénales ne peut être ignoré.»
Les ministres du gouvernement suisse ont reçu pour consigne de ne pas s’exprimer en anglais lorsqu’ils représentent la Suisse au sein d’organisations internationales. Une décision jugée «absurde» par l’actuelle présidente de la Confédération.
Selon une motion adoptée mercredi par le Conseil national – et déjà soutenue par le Conseil des États –, la personne assurant la présidence de la Confédération devrait utiliser l’une des quatre langues nationales de la Suisse (le français, l’allemand, l’italien ou le romanche) lorsqu’elle s’adresse à des organisations internationales qui comptent l’une de ces langues parmi leurs langues de travail officielles.
«Avec une telle motion, je n’aurai plus le droit de parler en anglais avec des dirigeants d’autres pays ou d’organisations», a déclaré la ministre des Finances Karin Keller-Sutter, qui assure cette année la présidence tournante de la Suisse. Parlant un anglais fluide, elle a qualifié la motion d’«absurde». Le parlementaire Nicolò Paganini a quant à lui souligné que la Suisse pourrait se retrouver dans la situation de devoir emmener une ou un interprète à la table des discussions, alors que toutes les autres parties prenantes parlent anglais.
Selon ses détracteurs, cette mesure engendreraitdes coûts inutiles et porterait atteinte à la priorité absolue de la Suisse: défendre ses propres intérêts. Seule une minorité de parlementaires partagent ce point de vue.
La semaine prochaine
Dans le cadre d’une tournée européenne, le musicien australien Nick Cave donnera deux concerts solo à Zurich, mardi et mercredi.
Vendredi sera la Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme des Nations Unies, qui vise à attirer l’attention sur la nécessité de prévenir le cancer de la peau chez les personnes atteintes d’albinisme. En Suisse, environ 500 personnes sont concernées.
Samedi, nous serons le 14 juin, date emblématique des grèves féministes: des mobilisations sont prévues dans plusieurs villes suisses.
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg, traduit de l’anglais par Pauline Turuban à l’aide d’un outil de traduction automatique
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