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Covid-19: le jour où Zermatt a vu s’envoler ses touristes

rue de la gare déserte Zermatt
La Rue de la Gare à Zermatt, déserte en pleine saison touristique. Olivier Grivat

Le week-end dernier, la station haut-valaisanne a fermé ses pistes de ski, clos ses hôtels, qui ont dû congédier le personnel sur le champ, et annulé festival et Patrouille des glaciers. Une catastrophe.

Tout avait commencé côté italien du Cervin. Une bande de plastique bleue barrait la piste descendant vers Cervinia, Breuil et Valtournanche, empêchant les skieurs d’emprunter les pistes italiennes très fréquentées à cette époque de l’année. 

Côté suisse, les skieurs descendus du Petit-Cervin trouvaient presque agréable d‘avoir le champ (de ski) libre. Jamais ils n’auraient imaginé que le mal allait franchir en un éclair les 3300 m du col du Théodule. Et pourtant comme la tempête, le coronavirus a sauté la frontière et obligé les Valaisans à imiter l’exemple transalpin.

C’est le week-end du 14 au 15 mars que l’une des stations suisses les plus renommées s’est transformée en village-fantôme. Les 125 hôtels ont fermé leurs portes un mois et demi plus tôt que prévu: «J’ai reçu mon congé il y a deux heures, confie une serveuse du Zermatterhof, alors que la terrasse est pleine aux trois quarts. Mon salaire est payé encore deux semaines, ensuite je toucherai le chômage partiel à 80% jusqu’à fin avril. Après, c’est l’inconnu. Je n’ai jamais été au chômage.»     

Nuitées en hausse de 5,4%, puis plus rien

Pour l’Office du tourisme de Zermatt, qui a aussi fermé ses guichets, la saison 2019-2020 avait commencé très fort: «D’octobre à fin février, la station avait enregistré une hausse des nuitées de 5,4%. Le mois de mars s’annonçait de la même veine pour les dix premiers jours.»

Le comble, c’est que les hôtels zermattois n’étaient pas obligés de fermer, contrairement aux premières directives de l’Etat du Valais et démenties peu après par Berne, mais un peu tard: «Nous avions déjà pris toutes les mesures pour fermer nos hôtels», explique François Dussart, directeur du groupe qui a acquis récemment les hôtels Mont-Cervin, Monte-Rosa et Schweizerhof à Zermatt.

Romy Biner-Hauser
Romy Biner-Hauser, Présidente de la commune de Zermatt. Olivier Grivat

«Les hôtels pouvaient rester ouverts pour autant qu’ils respectent les règles d’hygiène du Conseil fédéral alors en vigueur, avec moins de 50 personnes dans la même salle, commente l’Office du tourisme de Zermatt. Mais soyons réalistes, dans ces conditions quels touristes allaient encore venir? Seuls les petits hôtels n’employant pas ou très peu de salariés seraient à même à même de fonctionner économiquement», estime Simona Altwegg, de l’Office du tourisme, lui qui perdra de gros montants rapportés par la taxe de séjour.

Une centaine de cas de coronavirus ?

A Zermatt, qui compte 5800 habitants et accueille jusqu’à 30’000 personnes en pleine saison, c’est pour la première fois une femme qui préside la commune: «Je veille à ce que tout continue de fonctionner avec nos 130 fonctionnaires, dont certains sont en télétravail, répond Romy Biner-Hauser. Côté sanitaire, Zermatt compte cinq cabinets qui peuvent en référer au médecin cantonal à Sion.»

La rumeur court qu’une centaine de cas de Covid-19 s’est déclarée dans la station, notamment parmi le personnel étranger en grand nombre à Zermatt: chauffeurs de taxi, femmes de ménage, vendeuses et même postier. Le médecin cantonal ne confirme pas, aucune statistique n’est diffusée par région.

Même si la station du pied du Cervin reste ouverte aux touristes et aux résidents secondaires, les rues sont désertes. La Bahnhoftsrasse n’a jamais été aussi vide, pas une âme à l’horizon. Tous les magasins ont baissé leurs rideaux, seuls restent ouverts trois boulangeries, une boutique de chocolat qui solde ses lapins de Pâques à 50% et le kiosque à journaux de la gare. Du jamais vu de mémoire de Zermattois depuis la dernière épidémie de typhus qui remonte à 1963.

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Adieu Unplugged Festival et Patrouille des Glaciers!

Pour éviter de devoir jeter des quantités de nourriture, un «pop-up store» a été ouvert par de bonnes âmes. Tout près de l’emplacement où aurait dû s’ouvrir le Unplugged Festival qui clôt chaque année la saison de Pâques: des quantités de légumes, fruits et laitages sont données «au chapeau». 

Les villageois mettent ce qu’ils veulent dans une caisse après s’être désinfectés les mains. La clé de répartition est encore à mettre au point. Oublié le festival où devaient se produire Gérard Depardieu chantant Barbara, l’auteur-compositeur-animateur autrichien Rainhard Fendrich, le chanteur Jack Savoretti, numéro un au hit-parade britannique, etc. Annulée aussi la Patrouille des Glaciers: prévue du 29 avril au 3 mai, elle devait accueillir 1689 patrouilles, soit plus de 5000 concurrents au départ de Zermatt ou d’Arolla; elle devra attendre des jours meilleurs. Une grande déception pour les skieurs de randonnée civils et militaires qui s’y préparaient depuis des mois.  

Devant la gare, les taxis électriques font en vain la queue. Plus aucun touriste asiatique ne se promène pour photographier le Cervin, qui n’aura jamais été aussi délaissé. Pour quel dégât d’image? «Impossible de dire quand le tourisme va reprendre, regrette Romy Biner-Hauser. C’est une situation exceptionnelle pour le monde entier et pas seulement pour Zermatt».

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