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La grande lessive du cerveau

Quel est exactement l'effet du LSD sur le psychisme humain? A l'instar de celui du cannabis, son mode d'action reste passablement mystérieux. Ce qui est certain en revanche, c'est que ceux qui en ont pris s'en souviennent.

Hallucinations, faculté de «voir» la musique ou d’«entendre» les couleurs, connexion avec le Grand Tout cosmique, sensation de puissance, orgasmes himalayens: tout ou presque a été dit sur les effets bénéfiques du LSD.

Une médaille dorée qui a également son revers: lorsque le trip tourne mal, ce ne sont qu’angoisses, délires et confusion, augmentés encore par la terrible impression que l’on ne «redescendra» jamais de cet état lugubre.

En réalité, il semble bien qu’il y ait autant d’expériences psychédéliques qu’il y a d’individus. Avec une certitude tout de même: l’acide ne laisse personne indifférent.

Le Mal des ardents

En fait, certains de ses effets étaient connus (sans être identifiés) depuis le Moyen Age. L’ergot de seigle, dont est extrait l’acide lysergique, a été longtemps responsable de l’ergotisme, aussi nommé «Mal des ardents» ou «Feu de Saint-Antoine.»

En consommant des farines contaminées par ce champignon parasite, les sujets se trouvaient pris d’accès de démence. De plus, l’ergot affectait gravement la circulation sanguine aux extrémités. Les pieds et les mains des malheureux se gangrénaient au point de finir par se détacher du corps. Le mal était si terrible qu’on en attribuait la responsabilité aux sorcières et aux démons, survolant nuitamment les champs de céréales pour se rendre au sabbat.

C’est au 18e siècle que le lien fut établi entre la maladie et le champignon, mais l’ergotisme n’a frappé pour la dernière fois qu’en 1926, en Russie. En période de disette en effet, les paysans n’étaient pas trop regardants sur la qualité des farines dont ils faisaient leur pain.

Un substitut de la sérotonine

Nanti d’une telle paternité, le LSD sent incontestablement le soufre. Sa formule, toutefois, ne semble s’adresser qu’au cerveau. A ce jour, aucun effet physique significatif n’a été signalé. «Nous savons que le LSD se fixe sur les récepteurs du cerveau qui accueillent normalement la sérotonine», explique Jacques Diezi, professeur à l’université de Lausanne.

«Par ailleurs, on a remarqué que certaines tumeurs qui engendrent une production excessive de sérotonine peuvent induire des troubles psychiques», poursuit le spécialiste en pharmacologie. Ainsi, le LSD se substituerait-il à un acide aminé naturel, dont une des fonctions est de réguler le système nerveux central… A vrai dire, les scientifiques n’en savent pas beaucoup plus.

Une puissance extraordinaire

«Le lien entre ce mécanisme biologique et les effets de la drogue n’est pas connu dans le détail, admet Jacques Diezi. Ce qui est certain par contre, c’est que le LSD est une substance d’une puissance extraordinaire.»

Une substance qui par ailleurs n’engendre pas d’accoutumance, et que l’on peut considérer comme peu toxique. Toutefois, certains la soupçonnent de laisser des séquelles à long terme, surtout en cas d’usage répété.

«Le principal danger vient de la modification des perceptions, qui vont par exemple amener certaines personnes à se lancer par une fenêtre en croyant réellement qu’elles peuvent voler», avertit Jacques Diezi. A l’inverse, et dans un registre moins grave, les expérimentations sur les animaux ont également permis de voir un chat prendre peur à l’approche d’une souris…

Peace and love

Alors, le LSD est-il la drogue qui permet de regarder Dieu en face ou la drogue qui rend fou?

A lire les descriptions de Huxley, de Leary ou d’Hofmann, c’est sans conteste la première hypothèse qui est la bonne. Et les chansons des années soixante qui célèbrent l’acide – à commencer par celles des Beatles, même s’il se sont toujours défendus de toute allusion aux drogues – sont plutôt dans le registre «cool.»

A l’époque des grands rassemblements hippies, les foules semblaient remarquablement pacifiques. A l’image de celle de Woodstock, à l’été 1969: trois jours de paix et de musique sans le moindre bobo, malgré les quantités considérables de LSD consommées.

Le côté obscur de la Force

Mais six mois plus tard, le concert des Rolling Stones à Altamount tourne au drame: l’ambiance est électrique, saturée de «mauvaises vibrations» et un spectateur est poignardé sous les yeux du groupe.

La portée de l’événement dépasse de loin le strict cadre du fait divers. Avec d’autres, ce dérapage sonnera le début de la fin de l’ère des enfants fleuris. Il montrera également que le LSD était une chose trop puissante pour être pris n’importe comment, n’importe quand et par n’importe qui.

swissinfo, Marc-André Miserez

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