
Le passeport suisse reste une valeur sûre

Pour l'ethnologue Pierre Centlivres, le passeport rouge à croix blanche demeure attrayant. Mais l'origine de ceux qui le convoitent a changé.
swissinfo: D’aucuns prétendent que le passeport suisse a perdu de sa superbe. Vrai ou faux?
Pierre Centlivres: il faut admettre qu’il est moins exceptionnel qu’au lendemain de la 2e Guerre mondiale. A l’époque, la Suisse était considérée comme un havre de paix. La réputation de son système démocratique et de sa place financière faisaient le tour du globe.
En ce temps-là, être possesseur d’un passeport rouge à croix blanche, c’était vraiment quelque chose. Mais, aujourd’hui, la Suisse se distingue moins du reste du monde. Et son passeport a perdu de sa supériorité.
La non-appartenance de la Suisse à l’Union européenne contribue-t-elle à la dévaluation du livret rouge à croix blanche?
P.C.: A ce propos, il est intéressant d’observer le mode de fonctionnement aux frontières des aéroports européens.
Dans un premier temps, les détenteurs de passeports suisses ont été logés à la même enseigne que les ressortissants des pays non-membres de l’Union. Mais, aujourd’hui, ils se retrouvent à nouveau dans la même file que les autres voyageurs européens et américains.
Le document conserve donc toute sa valeur?
P.C.: Bien sûr, le passeport suisse continue d’être un très bon document de voyage. Pour s’en convaincre, il suffit de faire le décompte des pays où les Suisses peuvent encore voyager sans visa. Et ils sont nombreux.
Cela démontre que la Suisse fait toujours figure de pays bien organisé et régi par des lois crédibles. Autrement dit, pour nos voisins, la Suisse n’est pas un carrefour de l’immigration clandestine.
Le passeport à croix blanche reste-t-il un objet de convoitise pour les ressortissants étrangers?
P.C.: A en croire l’évolution de la courbe des naturalisations, on peut répondre par l’affirmative.
Toutefois, il faut relativiser les choses. De nombreux naturalisés ont pu conserver leur nationalité d’origine. Si cela n’avait pas été le cas, le passeport à croix blanche aurait très certainement beaucoup perdu de son attrait.
Il faut tout de même admettre que le passeport suisse n’a plus la même cote auprès des Européens?
P.C.: La nationalité suisse conserve son attrait. Mais, c’est vrai, elle ne séduit plus tout à fait les mêmes populations qu’hier.
Les requêtes de naturalisations émanant de ressortissants européens sont en baisse. En revanche, on enregistre une demande accrue de demandes du côté des immigrés du 3e cercle. Pour un ressortissant de l’ex-Union soviétique ou du Sri Lanka, un passeport suisse est toujours aussi attrayant.
Est-ce que l’attachement à l’identité nationale – donc au passeport qui la symbolise – est en perte de vitesse?
P.C.: Cette affirmation n’est en tout cas pas vérifiée pour les ressortissants étrangers qui obtiennent la nationalité suisse.
Les enquêtes montrent qu’ils sont généralement très attachés à leur nouvelle identité. Ils exercent volontiers leurs droits de citoyenneté et participent souvent aux activités civiques de leur commune ou de leur région.
Qu’en est-il pour les citoyens qui sont suisses de longue date ou depuis toujours?
P.C.: Pour eux, je crains que la disparition du grand passeport rouge à croix blanche, qui se démarquait clairement de tous les autres, ne représente une réelle perte d’un point de vue symbolique et affectif.
swissinfo/Vanda Janka

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