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Des bâtisseurs de ponts pour un meilleur dialogue police-minorités

Jan Kurt, le bâtisseur de ponts winterthourois, tire un bilan positif de sa première année d'activité (archives). KEYSTONE/WALTER BIERI sda-ats

(Keystone-ATS) Manque de respect et surtout de confiance: l’interaction entre la police et les communautés culturelles n’est pas toujours aisée. Pour y remédier, de plus en plus de polices misent sur des “bâtisseurs de ponts”, des agents spécialistes du contact avec les minorités.

Le cas est édifiant: une migrante turque violentée par son mari avait peur de s’adresser à la police, pensant que celle-ci, comme souvent dans son pays d’origine, donnerait raison à l’homme. La policière de l’intervention a dû lui expliquer comment travaillent les forces de l’ordre helvétique pour la rassurer.

Cet exemple provient d’un travail de master consacré aux “bâtisseurs de ponts”, rendu cet automne à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Il illustre la nécessité d’expliquer le travail de la police à la population interculturelle grandissante.

Zurich pionnière en Suisse

Une des premières polices à avoir reconnu ce besoin en Suisse est la police cantonale zurichoise. Elle a fondé son service de bâtisseurs de ponts il y a tout juste dix ans.

Une des dernières en date est la police de Winterthour (ZH), qui a créé un poste de bâtisseur de pont il y a une année. La démarche s’inscrit dans l’effort de la ville de prévenir la radicalisation islamiste. Elle avait fait les titres après le départ de plusieurs jeunes pour rejoindre les rangs de l’Etat islamique (EI).

D’autres polices comptent des bâtisseurs de ponts, mais pas toujours sous ce titre. A Lausanne par exemple, ils agissent sous l’égide du “Projet Multiculturalité”.

Nouer le contact

Si le cahier des charges varie selon les endroits, les bâtisseurs de ponts ont pour mission de nouer le contact avec les différentes associations interculturelles et religieuses. Ainsi, après le coup d’Etat en Turquie, la police de la ville de Zurich a cherché le dialogue avec les organisations proches du gouvernement turc ainsi qu’avec les opposants, explique le bâtisseur de ponts Claudio Schärli à l’ats.

Ils se veulent aussi un office que les communautés peuvent solliciter en cas de problème ou de question. A Winterthour par exemple, le bâtisseur de ponts Jan Kurt aide les associations à communiquer avec d’autres services des autorités ou à trouver des lieux appropriés à des manifestations, confie-t-il à l’ats.

Expliquer le travail de la police

Une des activités centrales est la tenue de séances d’information pour les migrants afin de leur expliquer le travail de la police. Les sujets vont de la prévention de la violence au comportement à adopter en cas d’accident de la route.

L’information ne se fait pas seulement auprès des migrants, mais aussi auprès des policiers. Ainsi, le bâtisseur de ponts de la police municipale zurichoise sensibilise ses collègues à la signification du Ramadan ou encore aux règles à respecter en pénétrant dans un lieu de culte religieux.

Radicalisation d’actualité

Parmi les sujets qui occupent les bâtisseurs de ponts, la radicalisation islamiste est probablement le plus brûlant. Toutefois, elle n’occupe pas une place prépondérante par rapport aux autres thématiques.

“Le bâtisseur de ponts doit avoir à terme une influence positive sur la thématique de la radicalisation”, remarque M. Kurt. “Mon travail étant purement préventif, je n’aborde que peu ce sujet avec les organisations.”

Bilan positif

Le travail de prévention de la radicalisation exige au préalable une relation de confiance entre les organisations et la police, explique à l’ats Christiane Hohenstein, professeure à la ZHAW, qui a supervisé deux travaux de master consacré aux bâtisseurs de ponts.

Pendant sa première année d’activité, le bâtisseur de ponts winterthourois s’est prioritairement attelé à prendre contact avec les organisations musulmanes et les requérants d’asile. “Mon travail est bien accepté et j’ai pu créer des premiers liens de confiance”, remarque Jan Kurt.

L’association des organisations islamiques de Zurich (VIOZ), qui regroupe plus de 40 mosquées, confirme. Les services des bâtisseurs de ponts zurichois sont utiles et appréciés des membres, selon Markus Klinker, du comité directeur.

Premier rassemblement national

Ils permettent aux communautés musulmanes de faire savoir où le bât blesse. En lien avec la radicalisation, les bâtisseurs de ponts rendent possible un échange important avec les personnes concernées et ont déjà pu éteindre certains foyers, poursuit M. Klinker.

En ville de Zurich, Claudio Schärli, en fonction depuis deux ans, constate lui aussi une nette amélioration de l’interaction entre les communautés interculturelles et la police. Il se félicite aussi que ses services soient régulièrement sollicités par ses collègues.

Nombre de villes et de cantons ont réalisé l’importance d’un tel service, ajoute Claudio Schärli. Une première rencontre nationale de bâtisseurs de ponts a d’ailleurs eu lieu au printemps dernier à Berne.

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