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Que peut-on attendre de la diplomatie climatique de la Suisse à la COP30?

COP30
Le vice-président brésilien Geraldo Alckmin s'exprime lors de la séance d'ouverture de la réunion pré-COP30 au Centre international des congrès de Brasilia, au Brésil, le 13 octobre 2025. Andre Borges / Keystone

A l’approche de la conférence des Nations unies sur le climat, qui débutera le 10 novembre au Brésil, la Suisse envoie des signaux contradictoires sur son engagement dans la diplomatie climatique.

Six mois après la dévastation du village de Blatten par l’effondrement d’un glacier, un événement qui a mis en évidence les effets du changement climatique en Suisse, une équipe de négociateurs de Berne s’apprête à se rendre à Belém, au Brésil, pour la conférence sur le climat (COP30).

Avec les ajustements des priorités nationales et géopolitiques, la Suisse saisira-t-elle cette opportunité pour se placer en autorité sur ce sujet?

L’écroulement du glacier et le glissement de terrain qui a suivi, engloutissant le village valaisan de Blatten, ne constituent que l’une de la longue liste de catastrophes climatiques survenues cette année.

Parmi les autres, on compte les incendies dévastateurs en Californie, un ouragan de catégorie 5 qui a ravagé la Jamaïque, et des moussons aux conséquences mortelles au Pakistan, au Népal et en Inde, ayant entraîné le déplacement de millionsLien externe de personnes.

Les pertes occasionnées sont parmi les plus coûteusesLien externe jamais enregistrées: 145 millions de dollars (116 milliards de francs) au cours de la première moitié de 2025, selon le réassureur Swiss Re.

D’après les prévisions de l’organisation météorologique mondiale, les hausses de température moyennes surpasseront le seuil de 1,5°CLien externe fixé par les Nations unies avant la fin de la décennie, ce qui entraînera encore plus de bouleversements climatiques.

Pourtant, à l’approche de la prochaine conférence mondiale sur le climat, la plupart des pays développés ne parviennent pas à limiter suffisamment leurs émissions pour ralentir la hausse des températures; ils ne respectent pas non plus les délais fixés pour soumettre leurs objectifs, et n’augmentent pas les financements destinés à aider les pays en développement à affronter ces catastrophes.

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Des pays qui traînent les pieds

À l’heure où les États-Unis reviennent sur leurs politiques climatiques et ne prévoient pas d’envoyer de hauts responsables à la COP30, et tandis que l’Europe est accaparée par la guerre en Ukraine et la montée du populisme, de nombreux observateurs se demandent qui saura faire preuve du leadership et de la diplomatie nécessaires à mener à bien l’action climatique.

Les pays à avoir soumis leurs plans de réduction de carbone (ou CDN, pour «contributions déterminées au niveau national», dans le jargon de la COP) avant le délai initialement fixé au 31 janvier ont été si peu nombreux qu’un délai supplémentaire a été octroyé pour la fin septembre. Cependant, un tiersLien externe seulement des signataires du crucial accord de Paris, qui avait fixé le seuil maximal de 1,5°C, ont soumis leur plan à ce jour.

La Suisse a été l’un des premiers pays à révéler sa CDN en janvier. Son but affiché était une réduction de 65% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035 par rapport aux niveaux de 1990.

À l’inverse, la Chine, le plus gros émetteur d’énergies fossiles, a attendu l’Assemblée générale des Nations unies, le dernier événement mondial consacré au climat avant la COP30, pour annoncerLien externe, de manière informelle, un plan de réduction de ses émissions d’environ 7 à 10% par rapport à ses niveaux les plus élevés d’ici 2035, un objectif bien en-deçà des attentes.

L’Union européenne a pour sa part peiné jusqu’à la dernière minute Lien externeà annoncer un objectif, en raison de désaccords internes.

Crédibilité suisse

A l’approche de l’Assemblée générale, et voyant les autres pays traîner des pieds, des groupes de la société civile suisse ont vu une opportunité d’inciter l’actuelle présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter, à prendre le leadership sur la scène internationale.

Une lettre d’Alliance Sud, un collectif d’ONG suisses, a fait valoir que malgré son manque d’ambition, l’annonce précoce par la Suisse de sa CDN lui confère «la crédibilité nécessaire pour demander à d’autres pays de soumettre leurs propres CDN».

Sébastien Duyck, avocat au Centre pour le droit international de l’environnement (CIEL), basé à Genève et Washington (qui ne fait pas partie d’Alliance Sud), considère que le moment présent permet de tester la détermination des États.

«Alors que les Etats-Unis reculent à nouveau, il est crucial que d’autres prennent leur place et démontrent que des gouvernements responsables prennent la science et l’action climatique au sérieux, dit il. La Suisse a un beau palmarès en matière de leadership environnemental à l’international, et sur la défense de décisions fondées sur la science.»

Sébastien Duyck enjoint la Suisse à soutenir les votes à la majorité à la conférence sur le climat, comme elle l’a fait au cours d’autres discussions environnementales, afin de sortir certaines négociations de l’impasse.

Lors de la 30e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP30), qui se tiendra du 10 au 21 novembre à Belém, au Brésil, les représentants de près de 200 États discuteront de la mise en œuvre et de l’évolution de l’Accord de Paris, conclu en 2015.

Les négociations porteront principalement sur l’adaptation au changement climatique, le soutien financier aux pays les plus pauvres et vulnérables et, surtout, les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La Suisse s’engagera pour que tous les pays présentent de nouveaux objectifs de réduction ambitieux, a déclaré l’ambassadeur suisse pour l’environnement, Felix Wertli, à l’agence Keystone-ATS. Il s’agit de faire le point sur ce qui a été réalisé jusqu’à présent dans le cadre de l’accord de Paris et d’identifier les efforts nécessaires pour combler l’écart par rapport à l’objectif de 1,5 °C, a-t-il ajouté.

Parmi les priorités de la Suisse figure également la mise en œuvre, par tous les pays, des recommandations de la COP28: tripler les énergies renouvelables et doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030, ainsi que renoncer au charbon, au pétrole et au gaz d’ici 2050. En outre, selon Felix Wertli, la délégation suisse s’engagera à renforcer les investissements internationaux dans la protection du climat et à impliquer davantage le secteur privé.

Source: Keystone-ATS

De Glasgow à Belém

Des négociateurs suisses sont intervenus lors de discussions climatiques plus tôt dans l’année, notamment à Genève pour le traité sur le plastique, où ils ont plaidé pour des interdictions, et à l’Organisation Maritime Internationale, où ils ont soutenu une baisse des émissions dans le transport maritime international.

A la COP26 de Glasgow en 2021, la ministre suisse de l’Environnement Simonetta Sommaruga s’était exprimée publiquement, de manière inhabituelle, pour tenter de contrer une tentative de dernière minute de l’Inde de mettre fin aux appels à réduire graduellement l’usage des énergies fossiles.

Contrairement à beaucoup d’autres ministres, Simonetta Sommaruga était restée pendant la majeure partie de la dernière semaine afin de s’assurer d’un accord plus solide, et avait mené campagne sur des enjeux tels que les règles visant à éviter le double comptage des émissions carbone dans les pays tiers.

A l’Assemblée générale de l’ONU de septembre, Karin Keller-Sutter a toutefois choisi de quitter New York avant le sommet pour le climat. Elle n’a évoqué la thématique qu’à la marge dans son discours devant l’assemblée sur le multilatéralismeLien externe – menacé par les coupes budgétaires des donneurs -, en expliquant qu’il était la clé pour résoudre des enjeux mondiaux comme le climat, les migrations et la «transition numérique».

Un porte-parole de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a indiqué à Swissinfo que son envoyé Felix Wertli, qui devait s’exprimer au nom du gouvernement au sommet pour le climat de New York, «n’a pas pu prendre la parole en raison de problèmes d’agenda».

Karin Keller-Sutter
La présidente suisse Karin Keller-Sutter s’adresse aux journalistes après son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, avant de rentrer en Suisse en prévision du sommet des Nations unies sur le climat à New York, le 24 septembre 2025. Paula Dupraz-Dobias

«Ce n’est pas un sujet brûlant pour [les autorités suisses], estime David Knecht, chargé de programme à l’ONG Action de Carême, qui fait partie d’Alliance Sud. Il note aussi que Karin Keller-Sutter ne va pas se déplacer à Belém, et que même si les négociateurs suisses ont été à l’œuvre cette année sur les négociations sur le plastique et sur le transport maritime, l’implication au niveau gouvernemental a été plus faible.

«Il y a un manque d’engagement. C’est une question de programme et de priorités personnels. Cela nuit à la crédibilité de la Suisse en tant que puissance influente dans le domaine de la diplomatie environnementale.»

Le ministre en charge de l’Environnement, des Transports, de l’Énergie et des Communications, Albert Rösti, qui sera à Belém, a fait l’objet de critiques après sa nomination en 2022, à cause de sa fonction précédente comme lobbyiste pour l’industrie des énergies fossiles.

La Suisse est l’un des plus grands carrefours du négoce de pétrole; un tiers environ des approvisionnements en énergies fossiles sont négociés dans le pays alpin.

Un coup d’accélérateur

Récemment, lors d’un briefing sur le rôle de la Suisse dans les négociations à venir, Felix Wertli a informé Swissinfo que la délégation avait été en contact étroit avec des pays au sein de son groupe de négociation, le groupe d’intégrité environnementale. Ce dernier inclut notamment le Mexique, la Corée du Sud, la Géorgie, le Liechtenstein et Monaco.

Selon lui, pour ce «moment décisif», la présence du ministre était importante. «Même si nous sommes un pays relativement petit, nous parvenons à faire entendre notre voix et à entraîner des décisions qui consolident le système [de l’accord de Paris].»

La délégation suisse a aussi contacté à de nombreuses reprises des pays au sein de l’UE et ailleurs pour les inciter à soumettre leurs objectifs climatiques conformes au seuil de 1,5°C, selon Felix Wertli.

À Belém, le pays dévoilera d’autres cas d’application d’un mécanisme qu’il a mis en place dans le cadre de l’accord de Paris, permettant la conclusion d’accords bilatéraux avec les pays en développement afin de compenser les émissions de carbone.

Peut mieux faire

La Suisse fait néanmoins l’objet de critiques, pour avoir favorisé la compensation carbone plutôt que la baisse de ses émissions de gaz à effet de serre.

«Alors que le climat affecte de plus en plus les communautés en Suisse, le gouvernement doit adopter et appliquer des mesures qui réduisent concrètement les émissions, en accord avec les directives scientifiques», déclare Sébastien Duyck de CIEL. Un rapportLien externe d’Alliance Sud publié en 2024 a révélé qu’un accord bilatéral avec le Ghana avait surestimé l’ampleur des émissions compensées.

Certaines ONG soulignent aussi l’enjeu des conflits économiques. Les lanceurs d’alertes climatiques font valoir que les flux financiers qui transitent en Suisse devraient être davantage alignés sur ses engagements internationaux.

L’ONG Public Eye estime ainsi que les produits issus d’énergies fossiles vendus par des entreprises de négoce d’énergie basées en Suisse émettent 100 fois plusLien externe que le pays au niveau domestique. Pour leur part, les négociateurs suisses disent qu’ils ne prônent que des politiques pour lesquelles ils sont mandatés par le Parlement.

«La crédibilité de la Suisse comme leader au niveau climatique repose sur la compatibilité de son action domestique avec ses engagements internationaux, insiste Sébastien Duyck. Les récents reculs de politiques climatiques sectorielles sapent cette autorité.»

Faire passer des messages sur le climat

Le Brésil a récemment décidé de commencer à forer près de l’embouchure du fleuve Amazone. Tout en questionnant le timing de cette annonce, Felix Wertli reconnaît que la situation concrète est difficile pour de nombreux pays.

«Tous les Etats reconnaissent la nécessité d’agir et se préparent au changement climatique, dit il. Il n’y a pas d’élève modèle, parce que tout le monde est en transition du point de vue économique et social.» 

Il ajoute que le rôle de la COP est de fournir les «signaux et les mesures» permettant aux pays de donner un coup d’accélérateur à leur action climatique et à la mise en place de plans pour décarboner.

La Suisse accueille son «ambassade planétaire»

La Suisse muscle son discours officiel sur l’action climatique ailleurs qu’à la COP. Au cours de la semaine sur le climat à New York, qui se tenait en même temps que l’Assemblée générale, le pays a organisé un événement parallèle intitulé «Planetary Embassy» («ambassade planétaire»), qui comportait des conférences sur la manière de gérer la crise climatique. L’une des tables rondes imaginait la réunion d’écosystèmes entiers à la table des négociations pour défendre leurs intérêts.

Cette thématique faisait écho à une votation de février 2025 en Suisse, initiée par la section jeunesse des Vert-e-s, pour une «économie responsable respectant les limites planétaires». La votation, qui soulignait la surconsommation des ressources de la Suisse, a été largement rejetée.

«La diplomatie évolue et s’adapte aux changements du monde, soulevant de nouveaux défis», a déclaré lors de l’événement Niculin Jäger, ambassadeur de Suisse et consul à New York, notant qu’il était trop tard pour voir la crise climatique comme un simple sujet d’action politique. «Elle nous demande de changer de focale et de reconnaître que notre survie dépend de notre coopération, pas seulement entre nous et entre Etats, mais avec les écosystèmes.»

Philippe Roesle, directeur général de Swissnex
Philippe Roesle, directeur général de Swissnex, s’exprimant lors de l’ouverture d’un événement parallèle coorganisé par le consulat suisse à New York pendant la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 23 septembre 2025. Paula Dupraz-Dobias

Relu et vérifié par Tony Barrett/dos, traduit de l’anglais par Pauline Grand d’Esnon/ptur

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