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Dans le rouge, Credit Suisse biffe un emploi sur dix

Credit Suisse, la banque que l'on disait plus résistante à la crise, craque à son tour. Keystone

Acculée par la crise financière, la deuxième banque de Suisse renonce à la trêve de Noël et annonce ce jeudi la suppression prochaine de 11% de ses effectifs: 5300 emplois à la trappe, dont 600 à 650 en Suisse (3% des emplois sur sol helvétique).

Environ les deux tiers des pertes d’emplois concerneront la banque d’investissement, a précisé en conférence téléphonique le patron du groupe, Brady Dougan.

A la fin de l’année prochaine, la banque d’investissement comptera 17’500 employés contre 21’300 actuellement. Elle retrouve ainsi des effectifs comparables à ceux de 2005.

Credit Suisse réagit face à la détérioration des marchés et de sa situation financière au quatrième trimestre: il estime à 3 milliards de francs sa perte nette à fin novembre pour le trimestre en cours.

La plupart des 5300 suppressions de postes interviendront d’ici la fin du premier semestre 2009. La mesure coûtera environ 900 millions de francs.

La banque va également supprimer certaines relations de travail avec des sociétés extérieures, ce qui touchera 1400 personnes. Des pertes d’emplois qui viennent s’ajouter aux 5300 suppressions de postes au sein de la banque.

Plan social

La question des mesures d’accompagnement des 600 à 650 emplois à supprimer en Suisse a déjà été réglée. Credit Suisse a conclu un plan social avec l’Association suisse des employés de banques (ASEB).

Le texte doit s’appliquer à toutes les personnes affectées par la restructuration, indique jeudi l’ASEB. Il concerne 3% des quelque 20’000 collaborateurs de la banque en Suisse, à tous les échelons des activités, y compris dans l’informatique.

Des licenciements seront prononcés, indique Esther Gerster, porte-parole de la grande banque, sans en préciser le nombre total. Des collaborateurs devenus surnuméraires sont en effet susceptibles d’entrer en ligne de compte pour occuper les quelques centaines de postes à repourvoir actuellement à l’interne.

Credit Suisse entend également recourir aux mouvements naturels de personnel pour parvenir à ses fins. Le taux de fluctuation est compris, selon l’établissement, dans le haut d’une fourchette comprise entre 5 et 10%.

L’ASEB dit avoir pris connaissance sans surprise des intentions de Credit Suisse, dans la mesure où la banque d’investissement est touchée de plein fouet par la chute d’activité induite par la crise financière. Le plongeon de l’action en bourse n’a fait qu’ajouter à une situation délicate, selon le communiqué.

Pour l’ASEB, d’autres suppressions d’emplois devraient survenir ces prochains mois dans le secteur en Suisse. L’association craint qu’elles ne frappent des établissements non signataires de la Convention relative aux conditions de travail du personnel bancaire. Ce qui priverait les personnes licenciées de mesures particulières.

Réduction de coûts

Avec cette réduction d’effectifs, ainsi que d’autres mesures, Credit Suisse compte diminuer ses coûts de 2 milliards de francs. Le groupe annonce aussi vouloir diminuer de manière significative l’envergure de ses activités dans les produits complexes.

Il réduira notamment l’utilisation de capital-risque en général, et se retirera de certaines activités de négoce pour compte propre. Mais même s’il assène un régime drastique à sa banque d’investissement, Credit Suisse maintient le modèle commercial de banque intégrée.

Ainsi, les mesures annoncées sont aussi conçues pour améliorer encore le secteur de la banque privée. Celle-ci continue à réaliser de bonnes performances et de vigoureux afflux de capitaux. Le groupe veut investir dans la croissance de cette division et y a sensiblement accru ses effectifs cette année.

Credit Suisse souligne également que sa capitalisation demeure forte. Le ratio des fonds propres de base devrait avoisiner 13% à fin 2008.

Globalement, «nous créons une base favorable pour 2009 en termes de risque, de coûts, de capital et de revenus, affirme Brady Dougan. (…) Nous avons poursuivi à bon rythme le programme de réduction des risques dans nos portefeuilles en octobre et en novembre.»

Le patron de Credit Suisse se veut relativement rassurant pour l’avenir, soulignant la capitalisation encore solide de Credit Suisse. Il affirme aussi ne pas avoir besoin du soutien de l’Etat.

Pas de bonus

Au vu de la performance annuelle à ce jour, le président du conseil d’administration du groupe et son directeur général, ainsi que le chef de la banque d’investissement, indiquent qu’il «ne serait pas approprié qu’ils reçoivent une rémunération variable» pour 2008.

Les résultats annoncés par Credit Suisse jeudi sont nettement inférieurs aux prévisions des analystes, qui saluent toutefois la sévère reprise en main de la banque d’investissement.

Pour la Banque privée Wegelin, le bilan de la banque reste une «boîte noire avec beaucoup d’inconnues». «La bonne nouvelle, c’est que la perte est survenue en octobre mais qu’en novembre, la banque était déjà profitable», estime Georg Kanders, analyste à la banque commerciale WestLB.

«Credit Suisse est longtemps apparu comme le Monsieur propre en termes de crédit et d’impact de la crise financière, constate pour sa part un trader interrogé par Reuters. Les dernières turbulences sur les marchés ont montré que les deux grandes banques [suisses] sont affectées.»

A la Bourse suisse, l’action Credit Suisse a été brièvement suspendue de cotation peu avant 09h05, alors qu’elle perdait 4,1%, puis elle est repartie en nette hausse pour terminer la journée sur une progression de 10,1% à 30,50 francs.

UBS et Credit Suisse devront sensiblement renforcer leurs fonds propres après le choc de la crise financière. La Commission fédérale des banques (CFB) annonce jeudi avoir trouvé un terrain d’entente avec les deux géants bancaires suisses.

Les deux établissements auront jusqu’à 2013 pour s’adapter graduellement aux exigences renforcées en matière de fonds propres, précise la CFB dans un communiqué.

Elles devront par ailleurs satisfaire à un «leverage ratio» impliquant un rapport entre noyau dur du capital et total du bilan de 3% au niveau du groupe, et de 4% pour les établissements individuels.

Filiale de Credit Suisse, la banque privée Clariden Leu a réalisé une grosse perte sur un crédit accordé à un client unique en octobre à Hong Kong, indique Bilanz.

Le magazine alémanique évoque entre 130 et 150 millions de francs, un montant qui correspond à un tiers environ du bénéfice net prévu pour 2008 par la troisième banque privée suisse.

Le directeur de la filiale de Singapour a été licencié. Le chef pour l’Asie et le responsable de la gestion des risques ont retrouvé d’autres fonctions au sein de la banque.

Clariden Leu ne confirme pas le montant, mais corrobore la perte et les départs des trois responsables.

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