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Election Burkhalter: retour à la raison raisonnable

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Les journaux helvétiques s'accordent sur le fait que l'élection de Didier Burkhalter au gouvernement préserve la concordance et la stabilité. Pour le meilleur et pour le pire. Certains déplorent le manque d'envergure du nouveau ministre, d'autres craignent une reprise des hostilités dès la prochaine vacance.

«Ce choix est celui de la recherche des équilibres», a déclaré le Neuchâtelois Didier Burkhalter après son élection. Devenu le 112e conseiller fédéral de l’histoire, le sénateur libéral-radical (PLR/droite) a été porté au pouvoir mercredi par l’Assemblée fédérale.

Jeudi matin, la presse suisse ne dit pas autre chose. Elle relève dans son ensemble que cette élection peut être interprétée comme un signal de cessez-le-feu. Une envie de retour à une certaine stabilité et à ce fameux principe de concordance qui fait la spécificité du système politique helvétique.

Une élection somme toute «logique», comme le résume Le Temps. «Logique d’une représentation des Romands au Conseil fédéral qui soit indiscutable, logique de sauvegarde d’une concordance mise à mal depuis l’élection de Christoph Blocher en 2003». Bref, une élection «subtilement conforme au besoin suisse d’équilibres.»

Même son de cloche dans la presse alémanique, où le Tages Anzeiger note que «le Parlement s’est décidé pour la stabilité et contre les expériences politiques». Cette élection avait pour but de «ramener du calme dans le système politique», remarque encore l’éditorialiste zurichois.

En cela, le choix du Parlement constitue «Une victoire de la raison», comme titre la Thurgauer Zeitung. «Avec l’élection de Didier Burkhalter, l’Assemblée fédérale a fait le choix de la raison», analyse la Neue Zürcher Zeitung (NZZ). Pour le meilleur et pour le pire: «Enfin, la politique est de nouveau ennuyeuse», ironise en effet la Südostschweiz.

Un élu acratopège ?

Car des deux favoris à cette élection, Didier Burkhalter semble être celui qui a le moins d’envergure aux yeux de nombreux commentateurs. Au sénateur neuchâtelois, certains auraient semble-t-il préféré le Fribourgeois de langue maternelle allemande Urs Schwaller, dont l’appartenance culturelle et partisane (PDC/centre doit) aurait pourtant modifié la composition actuelle du gouvernement.

«L’élection du PDC Urs Schwaller aurait encore affaibli la formule magique, non sans risques. Celle de Didier Burkhalter a sauvé la concordance et garantit la stabilité dans la continuité, une formule sans éclat qui a longtemps assuré le succès de ce pays», note ainsi la Tribune de Genève.

Et d’estimer qu’il manque à Didier Burkahlter «l’étincelle, le trait de génie, la stature de l’homme d’exception, qui émerge si rarement de notre système.» Un avis que l’on retrouve dans de nombreux éditoriaux de la presse romande, qui ne se prive pas d’aligner les qualificatifs à l’endroit du Neuchâtelois.

«Un honnête homme, droit, intelligent, pondéré. Un favori idéal, comme on dirait d’un gendre», observe 24 heures. «Acratopège», assène Le Temps, là où La Liberté, quotidien fribourgeois, file la métaphore militaire, l’un des domaines de compétence de Didier Burkhalter.

«Un conseiller fédéral aux couleurs livret militaire, studieux comme un aspirant, prévisible comme un ordre de marche, aussi rassurant qu’un trépied de fusil, loyal comme un appointé, discipliné comme un adjudant», juge le journal.

Dans ce concert, la seule note discordante vient des quotidiens neuchâtelois L’Express et L’Impartial. Tout en concédant que le nouveau conseiller fédéral «n’est pas une bête politique», ils prennent sa défense en affirmant qu’«il risque bien d’en surprendre plus d’un.» Car, «si l’on insiste sur le côté un peu lisse de Didier Burkhalter, on oublie trop souvent ses volontés de réformes.»

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Concordance

Ce contenu a été publié sur Par concordance, on entend la recherche continuelle d’un équilibre ou d’un compromis entre les partis ainsi qu’entre les différentes communautés culturelles, linguistiques, sociales et politiques qui composent la Suisse. L’un des aspects les plus visibles de ce système de concordance est la répartition des sept sièges du gouvernement proportionnellement à la force électorale des partis…

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Le Tessin pas oublié

Si la personnalité du nouvel élu fait couler beaucoup d’encre, le sort du Tessin, qui n’est plus représenté au gouvernement depuis dix ans, préoccupe également les commentateurs. A ce propos, ils saluent l’attitude de Dick Marty, sénateur PLR tessinois, candidat sauvage, qui, a récolté 34 voix au premier tour puis s’est retiré en expliquant que sa candidature avait pour but de «susciter la réflexion sur l’importance d’une vraie représentativité au sein du Conseil fédéral.»

«Le résultat de Dick Marty est à interpréter comme un signe que la Suisse italienne veut être prise au sérieux. De fait, il existe désormais un devoir moral à l’endroit du Tessin. Celui-ci ne peut plus être mis durablement à l’écart. La balance linguistique est une des composantes essentielles du principe de concordance», relève la Neue Zürcher Zeitung.

Du côté de la presse tessinoise, le ton n’est pas amer, mais offensif. La Regione estime ainsi que la Suisse italienne doit maintenant «digérer le grand, le très grand regret d’avoir perdu une occasion en or». Son éditorialiste incite cependant à ne pas céder au défaitisme: «Il faut relever la tête et retrouver le chemin vers Berne.»

Pour cela, les éditorialistes tessinois invitent les partis du canton à dépasser leurs disputes. Didier Burkhalter a été élu parce qu’il jouit d’un fort soutien dans sa région. La fusion entre radicaux et libéraux, «deux ennemis historiques en Suisse romande, a porté ses fruits», analyse le Corriere del Ticino.

Vers de nouvelles batailles

Quant à l’avenir, il dira si ce retour à la concordance est un feu de paille. Car si le PLR sort vainqueur pour cette fois, les appétits sont bien aiguisés et les batailles risquent de reprendre lors des prochaines vacances au Conseil fédéral.

«Politiquement, le coup de sac est remis à plus tard. Pour le PDC, qui a slalomé comme jamais pour assouvir sa revanche, la défaite est cuisante», met en garde 24 heures. En Suisse alémanique, la Neue Luzerner Zeitung veut voir le côté positif de cette élection, qui montre que «l’éviction de Christoph Blocher était davantage une attaque contre une personnalité qu’une attaque contre la concordance.»

Le journal de boulevard zurichois Blick va dans le même sens: «pour la première fois depuis longtemps on a un signe que les blessures des combats autour de Blocher se referment.» Bienvenue, la trêve que constitue l’élection du Neuchâtelois résistera-t-elle aux prochaines vacances à l’exécutif ou à la redistribution de 2011 ? «Rien n’est moins sûr», parie La Liberté. «La prochaine épreuve de force est programmée», annonce la Basler Zeitung.

Une opinion partagée par la NZZ. «Les prochaines élections promettent d’être chaudes, enflammées même. Moritz Leuenberger, Hans-Rudolf Merz et Micheline Calmy-Rey pourraient démissionner bientôt. Peut-être en décembre 2011, peut-être même plus tôt», pronostique le journal de référence zurichois. Pour qui, décidément, «la concordance reste fragile.»

Carole Wälti, swissinfo.ch

Mercredi 16 septembre, l’Assemblée fédérale a élu le 112e conseiller fédéral appelé à succéder au libéral-radical (PLR/droite) Pascal Couchepin.

Elle a porté à ce poste le Neuchâtelois Didier Burkhalter par 129 voix contre 106 à son principal rival dans cette élection, le démocrate-chrétien (PDC/centre droit) Urs Schwaller.

Le choix du Parlement évité au parti libéral-radical de subir un revers magistral en perdant un de ses deux sièges au gouvernement.

La composition culturelle du gouvernement reste quant à elle inchangée, soit 5 Alémaniques et 2 Romands. Il n’en aurait pas été de même si Urs Schwaller, bilingue mais de langue maternelle allemande, avait été élu.

Avec cette élection, Neuchâtel fait son retour au Conseil fédéral. Le Parlement a offert à ce canton, parmi les mieux représentés au gouvernement, son neuvième ministre en la personne de Didier Burkhalter.

A noter que le socialiste Moritz Leuenberger et le radical Hans-Rudolf Merz pourraient eux aussi annoncer leur démission avant la fin de la législature en 2011.

Keystone

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