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En marge de sa demande de révision, Sperisen saisit le Parlement

Le 13 novembre 2019, Erwin Sperisen s'était rendu personnellement au Parlement afin de déposer un courrier dénonçant la lenteur du Tribunal fédéral. Un jour plus tard, ce dernier rendait son verdict (archives). KEYSTONE/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Erwin Sperisen a saisi l’Assemblée fédérale pour dénoncer les “graves manquements” du Tribunal fédéral. Ce dernier a confirmé en novembre la condamnation de l’ancien chef de la police guatémaltèque à 15 ans de prison pour complicité d’assassinat.

Me Giorgio Campa a transmis à Keystone-ATS un courrier envoyé le 29 janvier à la présidente de l’Assemblée fédérale Isabelle Moret, ainsi qu’aux présidents des commissions de gestion du National et des Etats Erich von Siebenthal et Maya Graf. Il y dénonce de “graves manquements aux principes de prudence et de bonne gouvernance” commis par le Tribunal fédéral lors de l’examen du recours de son client.

L’avocat genevois rappelle que la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) a été dissoute. En outre, un rapport a établi, selon lui, que les preuves produites par cette dernière “ont été gravement manipulées et corrompues”.

“Complice d’un acquitté”

Le défenseur de M. Sperisen souligne que tous les cadres supérieurs et ministres qui étaient coaccusés avec son client ont été acquittés en Europe et au Guatemala. Accusé d’exécutions extrajudiciaires, son subordonné a été, en particulier, libéré en Autriche. Or c’est en tant que complice de cet homme qu’Erwin Sperisen a été condamné.

Me Campa dénonce en outre une collusion entre la juge fédérale Laura Jacquemoud-Rossari qui a instruit l’affaire et l’ancien procureur général du canton de Genève Bernard Bertossa. Ce dernier est le père du procureur Yves Bertossa, qui a requis à Genève contre M. Sperisen.

Invitée à se déterminer dans le cadre de la procédure de révision introduite devant le Tribunal fédéral par Erwin Sperisen à mi-janvier, la juge rejette ces accusations. Elle précise que, même si elle siège avec Bernard Bertossa au sein du comité de rédaction de la Semaine judiciaire, elle n’entretient pas les “contacts étroits et continus pendant au moins vingt ans” qu’on lui prête.

Récusation injustifiée

La magistrate réfute également tout lien avec le procureur Yves Bertossa ou avec l’ONG TRIAL International qui a joué un rôle dans la dénonciation d’Erwin Sperisen. Mme Jacquemoud-Rossari conclut que les motifs de récusation invoqués par l’avocat ne sont pas de nature à remettre en cause son impartialité.

Erwin Sperisen avait déjà écrit au Parlement à l’automne 2019 afin de se plaindre de la durée de la procédure devant le Tribunal fédéral. Il avait fait appel à la présidente du Conseil national Marina Carobbio pour faire avancer son cas.

Erwin Sperisen a été condamné pour son rôle dans l’opération “Pavo Real” visant à reprendre le contrôle d’un pénitencier à la suite d’une mutinerie. En sa qualité de directeur général de la Police nationale du Guatemala (PNC) et vu sa présence sur place, il ne pouvait pas ignorer les détails de cette intervention supervisée par la PNC, avait estimé le Tribunal fédéral. Sept détenus considérés comme des meneurs avaient été abattus.

Double national suisse et guatémaltèque, Erwin Sperisen a été arrêté en 2012 à Genève, où il s’était réfugié avec sa famille en 2007. Le Ministère public genevois lui reprochait des faits remontant aux années 2004 à 2007, alors qu’il était directeur général de la PNC.

Libéré après cinq ans de détention, Erwin Sperisen a été à nouveau arrêté et incarcéré immédiatement après le verdict du Tribunal fédéral.

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