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Bataille autour du droit du bail

Le 8 février, les Suisses – peuple de locataires par excellence – sont appelés à se prononcer sur une révision partielle du droit du bail.

Si l’abandon du taux hypothécaire est peu contesté, la fixation d’un «loyer moyen» suscite la polémique.

Tout est parti de l’initiative nommée «pour des loyers loyaux». Cette initiative avait été lancée en 1997 par l’Association suisse des locataires (ASLOCA).

Les initiants demandaient que les loyers ne subissent plus le contre-coup de chaque augmentation du taux hypothécaire, mais que les adaptations de loyer soient calculées à partir d’une valeur moyenne du taux hypothécaire calculée tous les cinq ans. Ils réclamaient aussi une meilleure protection contre les augmentations injustifiées.

Cette initiative a été refusée lors des votations fédérales du 18 mai 2003. Mais ce vote n’a pas réglé toute la question. Le gouvernement et le Parlement lui avaient en effet opposé un contre-projet indirect sous la forme d’une révision partielle du droit du bail.

Mais ce contre-projet n’a pas satisfait l’ASLOCA. L’association a donc lancé avec succès un référendum, raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui à nouveau appelés à voter.

Abandon du taux hypothécaire

Comme les initiants, les auteurs du contre-projet veulent que les hausses du taux hypothécaire ne se répercutent pas trop fortement sur les loyers. Par contre, la méthode diffère.

Il n’est en effet plus question de calculer une valeur moyenne du taux hypothécaire sur cinq ans, mais de supprimer la relation entre loyer et taux hypothécaire.

Désormais, les hausses de loyers seraient calculées sur la base de la hausse de l’indice suisse des prix à la consommation ou, en d’autres termes, sur la base de l’augmentation du coût de la vie.

Avec ce système, le bailleur pourrait augmenter le loyer une fois par an. Cette augmentation correspondrait à la hausse moyenne de l’indice des prix au cours des deux années précédentes.

Le contre-projet prévoit par ailleurs un garde-fou. Si le renchérissement dépassait 5% durant deux années consécutives, le gouvernement ordonnerait une réduction du taux maximum pouvant être reporté sur les loyers.

Contre les loyers abusifs

Comme les initiants, les auteurs du contre-projet prévoient un mécanisme pour éviter les loyers abusifs. Chaque année, une statistique établirait un «loyer moyen» pour des objets immobiliers comparables dans une zone donnée. Un loyer serait alors déclaré abusif lorsqu’il dépasserait de plus de 15% ce «loyer moyen».

De plus, une clause est prévue lorsque des travaux augmentant la valeur du bien immobilier font monter le loyer initial de plus de 20%. La hausse de loyer devrait être échelonnée de sorte que l’augmentation annuelle ne dépasse pas 20% de ce montant.

Enfin, un article règle les problèmes pouvant survenir lors d’un changement de propriétaire. Le nouveau bailleur ne pourrait augmenter le loyer précédent que de 10% au maximum par année.

Un cercle vicieux

Au Parlement, la révision du droit du bail a été acceptée par la majorité bourgeoise des deux Chambres. Celle-ci considère que l’abandon de la relation entre loyer et taux hypothécaire est nécessaire.

Ce dernier correspond en effet de moins en moins à la réalité du marché. De plus les fluctuations de loyers qui y sont liées provoquent une insécurité à la fois chez les propriétaires et chez les locataires.

La gauche – avec les associations de défense des locataires – n’est pas opposée à l’abandon de la relation loyer-taux hypothécaire telle que pratiquée aujourd’hui. Elle ne voit cependant pas l’indexation des loyers à l’indice des prix à la consommation d’un bon œil.

En effet, les loyers sont pris en compte dans la fixation de cet indice. Des loyers plus chers font donc augmenter l’indice qui, à son tour, fait augmenter le prix des loyers. Bref, un bel exemple de cercle vicieux qui ne peut déboucher que sur une spirale de hausses.

Loyers abusifs

Mais l’essentiel du débat ne concerne pas cette question du taux hypothécaire. Le nœud du problème, c’est en fait le mécanisme mis en place pour lutter contre les loyers abusifs.

Pour la droite, il s’agit d’un système qui a l’avantage d’établir des règles simples et claires applicables à tout le monde. Plus pratique donc que la méthode actuelle où toute hausse doit pratiquement être réglée de cas en cas.

Pour la gauche, en revanche, le système établi dans le contre-projet est bien pire que le droit actuel pour les locataires. Elle conteste surtout la notion de «loyer moyen».

Ce «loyer moyen» prendra en effet en compte les loyers les plus élevés d’une région. Pire: l’abus pourra être encore de 15% plus élevés que cette moyenne déjà haute. Concrètement, la gauche craint que pratiquement plus aucun loyer ne puisse être contesté.

La gauche estime que les hausses de loyer devraient être fixées par rapport aux coûts.

swissinfo, Olivier Pauchard

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