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Fin du Forum de Davos, et cap sur le changement

koch-mehrin.de

A l'heure du bilan, une évidence: la crise a occupé les esprits et les débats de la réunion annuelle du WEF qui s'achève dimanche à Davos. Une députée européenne et un industriel livrent leur verdict.

La crise a donc occupé les décideurs, avec différents thèmes reliés comme le protectionnisme, les politiques de stabilisation, de régulation et de relance, la nouvelle architecture du système financier international, la coopération, le retour des autorités publiques, le prix des matières premières, les valeurs du capitalisme…

Le changement climatique, les enjeux démographiques, la faim, l’eau, l’énergie, Gaza, l’Afrique n’ont pas été oubliés. Mais au final, que retenir? Et qu’en attendre concrètement?

Pour le politique, Silvana Koch-Mehrin, membre du Parlement européen. Pour l’économie, André Kudelski, patron du groupe technologique Kudelski.

swissinfo: Que retenez-vous de cette édition 2009 du WEF?

Silvana Koch-Mehrin: Le résultat principal pour moi est que partout, on entend qu’il faut changer la manière de répartir les leviers de décision. Qu’il faut plus d’ouverture. C’est un sentiment général, et je trouve cela positif.

D’un autre côté, les dernières années, l’atmosphère était nettement plus positive. Cette fois, au début, j’ai ressenti une certaine déprime. Beaucoup de réflexions portaient sur ce qui ne va pas. Pendant les deux premiers jours, je me suis fait la réflexion qu’il faut avancer, le futur existe, beaucoup de gens attendent de cette réunion des idées et des solutions.

Pour finir, j’ai tout de même participé à des sessions où il était question de solutions. Finalement, je suis contente d’être venue. Les perspectives qui permettent de rester optimiste existent.

André Kudelski: Paradoxalement, je retiens un certain côté positif. Non pas que la situation soit facile – on voit qu’il y a beaucoup d’instabilité dans le système, que des crises vont continuer à survenir – mais je crois qu’un certain nombre de lignes se dessinent, et une volonté d’améliorer fortement les choses.

swissinfo: Cette édition débouche-t-elle sur des résultats concrets?

S.K-M.: En terme de résultat, certes limité mais très concret, je vois le projet des Young Global Leaders [jeunes décideurs de tous horizons réunis dans le cadre du WEF] entamé en Afrique pour lutter contre certaines bactéries.

Nous avons rencontré les présidents du Ghana et du Kenya, le Programme alimentaire mondial et des donateurs. Ce programme très concret permettra d’aider des milliers d’enfants dans les écoles en Afrique. Je vois beaucoup de petits éléments de ce genre qui résultent de Davos.

A.K.: Il n’y a pas encore de résultats concrets [face à la crise]. C’est trop tôt, dans le sens où la situation est trop instable pour pouvoir trouver une et unique solution. Il y a des pistes, qui vont pouvoir se confirmer selon ce qui va se passer. Lorsque vous êtes en eaux troubles, le fait de vouloir prendre un cap définitif peut parfois s’avérer contre-productif.

swissinfo: Le pessimisme lié à la crise largement affiché ici vous inquiète-t-il?

S.K-M.: Je suis inquiète de voir que les débats et réflexions sont presque toujours menés par ceux qui nous ont conduits aux problèmes actuels. Des hommes, blancs, de soixante ans et plus. Je trouve important que nous adoptions d’autres points de vue, que nous écoutions d’autres idées. Avec les leaders et le modèle suivi jusqu’ici, on voit bien que ce n’est pas bien allé.

Je ne suis pas contre le capitalisme. Je crois toujours dans le pouvoir du marché. Mais la manière dont le politique fixe le cadre pour les marchés est important. D’autant que cela détermine aussi qui sont les leaders.

Il est important d’impliquer beaucoup plus les gens des autres parties du monde, plus de femmes, plus de jeunes. Cela apporte d’autres points de vue et d’autres perspectives. Et pour changer, il faut d’autres points de vue et d’autres perspectives.

C’est peut-être une petite chose. Mais cette année à Davos, les participants sont beaucoup plus nombreux en costume-cravate. Un mécanisme de défense, sans doute. Mais ce n’est pas une bonne idée. Il faut être ouvert pour changer.

A.K.: Il y a en même temps un pessimisme concernant la situation à court terme, et un certain optimisme parce qu’on voit une volonté de changer les choses. Je crois que cette dualité est intéressante.

swissinfo: Comment expliquez-vous la présence en force cette année des grands leaders politiques? Et est-ce une bonne nouvelle?

S.K-M.: On parle parfois d’une renaissance du politique. Comme les leaders du business n’ont plus de succès, on se tourne vers le politique en lui faisant peser tout le poids sur les épaules et en lui demandant d’intervenir. C’est bien d’un côté. Cela incite peut-être certaines personnes qui n’étaient pas intéressées à entrer en politique à le faire. En démocratie, la participation est nécessaire.

Par contre, je crois aussi qu’il faut rester réaliste. Les politiciens et l’Etat ne font pas l’innovation ni la croissance. C’est le rôle de l’économie, pas de l’Etat. Mais je trouve positif que nous ayons plus d’interactions et de discussions. Et j’espère que les deux côtés en profitent.

A.K.: La très forte présence politique cette année est une excellente nouvelle. Mais cela montre aussi qu’on est face à des problèmes qui n’ont pas l’échelle d’un pays ou d’un continent, mais qui deviennent globaux.

Pour résoudre les problèmes globaux, il ne suffit pas que les entreprises regardent les choses de façon globale, il faut aussi que les gouvernements discutent entre eux pour obtenir une solution d’ensemble qui tienne compte des différents paramètres.

swissinfo: Une nécessité sans cesse rappelée ici face à la crise est celle de la collaboration, à tous les niveaux. Y croyez-vous vraiment?

S.K-M.: Je me demande si pour certains, collaborer ne signifie pas répartir la responsabilité de l’échec. Cette sorte de collaboration ne m’intéresse pas.

Ceci dit, pour moi, et peut-être est-ce aussi une question de génération, il est normal d’être en contact avec des gens partout dans le monde. Les interactions sont très rapides avec internet et les réseaux sociaux.

En politique, cette approche a réussi au président Obama. Il doit maintenant donner la preuve qu’il continuera sur cette voie dans son travail politique.

A.K.: La collaboration est probablement une des seules façons d’améliorer la situation. On se trouve dans une situation économique particulièrement instable et pour stabiliser les choses, il faut plus de concertation, pour créer un frein lorsque les choses dérapent, et une dynamique lorsqu’il faut que les choses aillent de l’avant.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson à Davos

Physicien né en 1960, André Kudelski entre dans l’entreprise de son père Kudelski SA en 1984. Ingénieur en recherche et développement, il est ensuite responsable du secteur de la télévision payante de la société.

En 1991, il succède à son père à la tête d’un groupe aujourd’hui parmi les leaders mondiaux de la sécurité numérique et des solutions de convergences pour les fournisseurs de contenus numériques et interactifs.

André Kudelski est membre des conseils d’administration d’Edipresse, de Nestlé, de HSBC Private Banking Holdings et de Dassaut Systèmes, notamment.

De passeport allemand née en 1970, Silvana Koch-Mehrin a étudié l’histoire et l’économie politique à Hambourg, Strasbourg et Heidelberg.

Membre du Parlement européen depuis 2004, elle a été maître de conférence aux Universités d’Oldenburg et du United business institutes de Bruxelles avant de créer une agence spécialisée dans les affaires publiques.

Silvana Koch-Mehrin est membre du FDP allemand (droite progressiste) et assure la vice-présidence du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe au Parlement européen de Strasbourg.

Bilan positif. Les organisateurs de l’Open Forum de Davos, la Fédération des églises protestantes de Suisse (FEPS) et le WEF tirent un bilan positif de la 7ème édition de cette manifestation ouverte au public qui se tient en marge du WEF.

Point fort. Les 300 à 400 places gratuites de l’aula du lycée alpin de Davos ont toujours trouvé preneurs. La discussion sur la crise financière jeudi, avec le président de la BNS Jean-Pierre Roth notamment, a même provoqué une petite cohue.

Fréquentation. La manifestation a vu défiler au total près de 2300 personnes en trois jours, dont de nombreux jeunes.

Kofi Annan. L’Open Forum a en particulier accueilli l’ancien secrétaire général de l’ONU et président du Forum humanitaire mondial Kofi Annan, venu y parler changements climatiques et solidarité.

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