Haro sur le secret bancaire suisse
Ces derniers mois, les attaques européennes contre les paradis fiscaux se sont multipliées. En toile de fond, c’est le secret bancaire helvétique et le lucratif secteur de la gestion de fortune qui sont visés.
Ces derniers mois, les attaques européennes contre les paradis fiscaux se sont multipliées. En toile de fond, c’est le secret bancaire helvétique et le lucratif secteur de la gestion de fortune qui sont visés.
Environ 3600 milliards de francs: la somme est vertigineuse. Elle correspond à une estimation des actifs gérés actuellement par les banques helvétiques: un record. Cela représente 35 pour cent de la fortune privée mondiale «offshore» (les fonds déposés en dehors de leur pays d’origine). Une manne qui suscite les convoitises étrangères. L’enjeu est stratégique car la gestion de patrimoine pour les clients privés génère 45 pour cent du revenu brut des banques suisses.
Face à la concurrence, la place financière helvétique perçoit le secret bancaire comme un des principaux piliers de sa compétitivité. Mais, depuis environ un an, Berne doit faire face à diverses offensives destinées à lutter contre l’évasion fiscale. Un rapport de l’OCDE condamne les «régimes fiscaux préférentiels» et préconise la suppression du secret bancaire. Le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) envisage d’étendre la notion de blanchiment aux infractions fiscales. L’Union européenne (UE) veut harmoniser la fiscalité des revenus de l’épargne et demande que la Suisse adopte des «mesures équivalentes».
Les gouvernements allemand, français, espagnol et italien ont dénoncé les paradis fiscaux en réclamant l’instauration de règles internationales. Rome a même publié une liste de 59 pays à montrer du doigt. Aux côtés des traditionnelles îles des Caraïbes, on trouve Monaco, le Liechtenstein et la Suisse, mais pas le Luxembourg ou l’Autriche qui ont pourtant des législations bancaires nettement plus permissives que celle de la Suisse.
Le secret des banques helvétiques irrite les pays de l’UE car leurs ressortissants profitent du fait que la Suisse distingue l’évasion fiscale (ne pas déclarer tous ses revenus) de la fraude fiscale (produire des faux documents) pour venir y placer discrètement leur fortune. Plus de 60 pour cent de l’argent géré en Suisse ne serait pas déclaré au fisc.
L’avenir du secret bancaire se jouera sur le terrain de la communication. Alors que l’idée de protection de la sphère privée («privacy») est en train de prendre de l’importance au niveau mondial, il serait judicieux que la Suisse s’y accroche en expliquant que sa discrétion s’inscrit justement dans cette notion de protection de la personnalité. Les banquiers et les politiciens devraient s’employer à communiquer dans cette direction pour changer l’image de coffre-fort plein d’argent sale qui colle à la Suisse.
Luigino Canal
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