Kloten: Zurich lâche du lest
Le gouvernement zurichois autorise des survols par le sud de l'aéroport de Kloten, ce qu'il avait refusé jusqu'ici.
Il demande aux autorités suisses de négocier un report de la mise en vigueur des nouvelles mesures de rétorsion allemandes.
Le conseiller d’Etat Ruedi Jeker n’a décidément pas la tâche facile: le ministre de l’économie zurichoise, en charge du dossier de l’aéroport, devait jeudi matin annoncer un revirement du gouvernement, qui n’avait pas voulu jusqu’ici attribuer davantage de survols au sud de l’aéroport.
Mais Robert Jeker a aussi dû supporter le vacarme organisé par des manifestants. Des habitants des communes qui devront supporter davantage d’avions avaient en effet installé des haut-parleurs diffusant le bruit d’avions.
A plusieurs reprises, les participants à la conférence de presse ont dû répéter leurs affirmations. Visiblement irrité, Ruedi Jeker ne s’est toutefois pas laissé démonter. Pas plus qu’il n’a accepté de reconnaître le moindre tort de la part de son gouvernement.
Les promesses allemandes
A la question «vous saviez pourtant qu’en rejetant l’accord aérien, vous preniez le risque de sévères mesures rétorsion», il a répondu: «Nous nous attentions à une nouvelle règlementation. Nous avons d’ailleurs toujours dit que la situation risquait d’être, momentanément, pire pour nous. Mais rien ne laissait prévoir que l’Allemagne irait aussi loin.»
Le conseiller d’Etat insiste sur le fait que le ministre allemand des transports Manfred Stolpe a, plusieurs fois, déclaré que l’Allemagne ne s’en prendrait pas à la substance vitale de Kloten.
Selon le Conseil d’Etat (gouvernement) zurichois, c’est pourtant ce que fera Berlin avec son deuxième train de mesures annoncées pour le 10 juillet.
Le 17 avril est entré en vigueur le premier «tour de vis», qui interdit le survol du territoire allemand de 21 à 7 heures la semaine et de 20 à 9 heures le week-end et les jours fériés. La hauteur minimale des avions a également été relevée à environ 3600 mètres.
A partir du 10 juillet, la plupart des exceptions autorisées actuellement pour survoler l’Allemagne durant ces heures-là seront supprimées.
Les raisons dites «techniques» comme la pluie, qui rend la piste 28 trop courte pour atterir à l’est, ne seront plus acceptées.
«L’aéroport serait paralysé»
Selon un porte-parole de l’aéroport présent à la conférence de presse, cela impliquerait qu’une quinzaine de longs courriers arrivant le matin à Kloten pourraient devoir être déroutés sur Bâle, Genève ou Munich.
Pour Ruedi Jeker, cela signifie que l’aéroport serait quasi paralysé et ne pourrait plus fonctionner. «Aucune compagnie d’aviation au monde, aucun pilote n’accepterait de s’entendre dire que l’aéroport est fermé parce qu’il pleut!»
Espérant démontrer sa bonne volonté, le Conseil d’Etat zurichois a toutefois décidé de changer de cap et d’autoriser non seulement davantage de vols sur la piste 28, pour compenser les vols interdits sur les pistes du nord 14 et 16, mais aussi une utilisation accrue de la piste 34, pour laquelle les avions doivent survoler le sud de l’aéroport.
Un nouveau système d’approche
Pour cela, il lui faut installer le nouveau système d’approche VOR/DME sur la piste 34, qui exige de meilleures conditions atmosphériques (visibilité d’au moins 4700 mètres) que le système d’atterrissage aux instruments ILS.
La demande d’installer ILS sur la piste 34 a été faite l’automne dernier déjà, a indiqué Ruedi Jeker pour prouver que le canton «a pris les problèmes au sérieux». Mais il ne peut pas être opérationnel avant l’automne 2004.
Unique partiellement suivi
Avec sa prise de position, le conseil d’Etat n’accepte que partiellement les propositions faites la semaine dernière par la société qui exploite l’aéroport, Unique.
Unique proposait en effet encore d’instaurer une procédure d’atterissage en cercle, par laquelle le pilote ferait une approche sur une piste, puis ferait un virage serré avant de se poser sur une autre piste. Cette procédure n’est pas autorisée par le règlement d’exploitation actuel.
Le Conseil d’Etat, dont trois membres siègent au conseil d’aministration d’Unique, rejette cette proposition, à son avis trop bruyante pour la population concernée. La décision finale est du ressort du conseil d’administration d’Unique et du gouvernement cantonal.
La nouvelle utilisation de la piste 34 à partir d’octobre 2003 ne changera cependant pas la donne si l’Allemagne maintient le délai du 10 juillet pour son nouveau règlement.
Des discussions en cours avec l’Allemagne
«Ce n’est pas de la mauvaise volonté, a insisté Ruedi Jeker. Il est tout simplement impossible d’instaurer une nouvelle procédure avant l’automne.»
Le Conseil d’Etat demande donc au Département fédéral des transports (DETEC) d’obtenir un délai, par la voie diplomatique. «Il est impératif que les restrictions soient repoussées à l’automne 2004, affirme Ruedi Jeker, jusqu’à l’entrée en vigueur du système ILS sur la piste 34.»
Catherine Bellini, porte-parole de Moritz Leuenberger, a précisé à swissinfo que des discussions avec l’Allemagne étaient en cours. «Mais il ne s’agit pas de diplomatie publique et nous ne pouvons pas en dévoiler le contenu.»
Le DETEC avait en outre annoncé, début mai, qu’il déposerait plainte auprès de la commission européenne à Bruxelles contre les mesures allemandes. Unique et la compagnie Swiss ont de leur côté saisi la justice à Mannheim.
Par ces différents moyens, les Zurichois obtiendront peut-être l’effet suspensif souhaité.
swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich
– L’accord aérien négocié entre l’Allemagne et la Suisse a été rejeté par le Parlement suisse en mars 2003.
– L’Allemagne a adopté le 4 avril un nouveau règlement sur les survols de son territoire vers et de l’aéroport de Zurich. Il est entré en vigueur le 17 avril.
– Le survol du sud de l’Allemagne est désormais interdit de 21 à 7 heures la semaine, de 20 à 9 heures le week-end et les jours fériés. La hauteur autorisée au-dessus du sol allemand a été relevée.
– A partir du 10 juillet, la majorité des exceptions admises ne le seront plus.
– L’aéroport s’attend à ce que chaque jour, une quinzaine de longs courriers en provenance d’autres continents ne pourront plus atterrir à Kloten et devront être déroutés sur d’autres aéroports.
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