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Le nouveau patron suisse de Gulf Air se sent des ailes

Björn Näf a fait escale à Davos pour y participer au World Economic Forum. swissinfo.ch

Confirmé à la tête de Gulf Air en janvier, Björn Näf veut relancer les actions de la compagnie aérienne publique de Bahreïn en difficultés.

Rencontré au WEF de Davos, le Suisse évoque son travail, ses défis et ses espoirs dans un contexte régional qu’il juge porteur.

A 42 ans, Björn Näf est déjà passé par les commandes d’avions Crossair, la direction de Swiss et la tête de la compagnie kenyane Transafrik International. Il tente désormais de faire refleurir une compagnie du désert.

swissinfo: Vous êtes président et CEO de Gulf air, basée à Bahreïn. Qu’est-ce qui vous a incité à partir travailler au Moyen-Orient?

Björn Näf: Une opportunité s’est ouverte à moi comme Chief operation officer (COO) et j’ai rejoint Gulf Air en avril de l’an dernier. Mon collègue André Dozé, qui était CEO à l’époque m’a convié à rejoindre son équipe. Il est parti trois mois plus tard et je suis passé President chief executive (PCE). Après six mois, début janvier, j’ai été confirmé dans cette position de façon permanente.

Nous vivons au Bahreïn avec ma famille. Et nous aimons beaucoup cela. C’est un challenge. L’économie y est en plein boum, la compagnie est un défi énorme. Mais l’attitude générale y est très positive face à Gulf Air.

swissinfo: En tant que Suisse, comment vivez-vous là-bas?

B.N.: De manière très confortable. Bien sûr, il y fait très chaud en été – 45 à 50° C. Il faut s’y habituer. Mais la vie y est aisée pour une famille, avec tout sur place: infrastructures très modernes, shopping centres, théâtres, cinémas, excellents restaurants, plages, hôtels, divertissements en suffisance, écoles internationales et une démocratie plutôt libérale et ouverte.

Bahreïn reste un royaume mais doté d’un parlement. Les gens y sont très ouverts envers les expatriés et en tant que Suisse, la vie est très agréable.

swissinfo: Quels sont les bons et les moins bons côtés du travail dans un pays comme Bahreïn?

B.N.: Y travailler est un défi: différente culture, différente religion – c’est un pays musulman avec ses normes et ses règles. C’est un défi aussi dans le sens où il faut se faire accepter en tant qu’Occidental.

Le défi consiste à s’intégrer au sein d’une culture aussi riche et complexe. Il faut parvenir aussi former une équipe qui puisse faire marcher une entreprise commerciale qui se bat sur le marché international.

Il faut comprendre. Il faut apprendre les mécanismes locaux, les comportements, les traditions, à l’image d’étrangers qui viendraient en Suisse et devraient y respecter les lois et traditions.

En réalité, au-delà des températures estivales et de l’air conditionné omniprésent, je ne vois aucun côté négatif.

swissinfo: Au fond, en quoi consiste votre job au quotidien?

B.N.: Il consiste à mener la compagnie, développer une stratégie, un plan de route. Il consiste à travailler avec une équipe pour régler toutes les questions qui se présentent. Nous développons aussi de nombreux projets. Par exemple des stages de formation pour les collaborateurs. Nous améliorons l’efficacité, négocions des contrats avec les fournisseurs… Au fond, il s’agit de mouvoir une équipe au quotidien dans le but de progresser.

swissinfo: Comment voyez-vous l’avenir de cette région et de la compagnie elle-même?

B.N.: L’avenir du Moyen-Orient, je le vois très positivement. Actuellement, la croissance y est énorme. Tous les gouvernements ont la ferme volonté d’avancer et de développer des infrastructures, des entreprises et des économies soutenables qui ne dépendent pas uniquement du pétrole et du gaz.

Bien sûr, l’incertitude politique y est réelle. Le Moyen-Orient est une région vulnérable, les risques n’y sont pas absents. Mais si ces risques sont contrôlés, en misant sur des partenariats internationaux, la région a selon moi un potentiel énorme – il y a tellement d’argent, de soif de réformer et de faire croître les économies que cette zone restera pour longtemps très attrayante pour les affaires.

Pour sa part, la compagnie a derrière elle soixante ans d’histoire. Gulf Air est une marque forte même si elle a un peu souffert ces deux dernières années. L’équipe dirigeante fait maintenant de son mieux pour lui redonner son élan. Dans le contexte d’une région en croissance économique, une compagnie aérienne peut en profiter. C’est un aspect très positif et, selon moi, l’avenir s’annonce très positif pour Gulf Air également.

swissinfo: Pour Gulf Air, compagnie nationale d’un pays producteur de pétrole, le prix du carburant est-il un problème?

B.N.: Bien sûr! Nous sommes une entreprise commerciale. Nous ne touchons aucun subside du gouvernement. Nous devons payer le carburant au prix du marché. Ces deux dernières années, ce prix a été multiplié à de nombreuses reprises. C’est pour nous aussi un énorme problème. Comme nous ne pouvons pas nous adresser au gouvernement pour lui demander des prix plus avantageux, nous cherchons les meilleurs tarifs sur le marché.

swissinfo: En tant que compagnie aérienne, comment appréhendez-vous le changement climatique?

B.N.: Il s’agit d’un sujet qui concerne toute la planète. Un sujet très important. Nous devons être sérieux et commencer à travailler sur des solutions pratiques pour résoudre le problème.

En tant que compagnie aérienne, nous avons notre contribution à apporter. Nous devrons être meilleurs. Mais seuls, ce n’est pas possible. Nous avons besoin de meilleurs moteurs, de meilleurs avions, de carburants plus efficients.

Chez Gulf Air, nous cherchons à entamer ce processus. Nous venons de signer un accord pour l’achat de 24 Boeing de nouvelle génération 787 Dreamliners. Un avion qui possède énormément d’avantages sur nos appareils actuels. Dans dix ans, notre flotte sera entièrement renouvelée, avec des Airbus et des Boeings produisant moins d’émissions et consommant moins de carburant.

D’autre part, nous cherchons à améliorer notre efficience opérationnelle afin d’optimiser notre profile de vol – décollage, phase d’approche, taxi sur l’aéroport.

Localement, nous travaillons aussi avec l’aéroport et les fournisseurs pour développer les processus les plus efficients au sol également. (…) Le changement climatique est un grave problème que Gulf Air prend très au sérieux.

Interview swissinfo: Pierre-François Besson à Davos

Né en juillet 1965, le Suisse est passé par la Harvard Business School. Pilote formé en Suisse et aux Etats-Unis, il a travaillé chez Crossair (capitaine, Executive Vice-President) et chez Swiss (Executive VP Produits et Services).

Björn Näf a ensuite dirigé (CEO) Transafrik International (vols cargo internationaux, vols humanitaires des Nations Unies).

Confirmé début janvier à la tête de Gulf Air, il menait la compagnie depuis juillet dernier, suite au départ de son prédécesseur André Dosé, peu de temps après son installation.

En difficultés financières, la compagnie a réduit ses liaisons et ses effectifs d’environ 25% l’an dernier après avoir annoncé des pertes dépassant un million de dollars par jour.

Lancée en 1950 sous le nom de Gulf Aviation Company, le transporteur est la propriété de Bahreïn, après les retraits de ses cofondateurs Oman, Abou Dhabi et Qatar.

Gulf Air dessert une quarantaine de destinations dans le monde. Elle prévoit de se doter d’une flotte de 45 appareils en 2013, contre 25 actuellement.

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