
Les galères des lacs suisses
Pourquoi les cantons ont envoyé si loin des prisonniers de droit commun qui auraient pu servir sur place ?
La réponse est: on voulait éloigner physiquement les gens des territoires suisses.
L’effet «peur du gendarme» devait jouer son rôle. La crainte de l’étranger, de l’inconnu, était bien plus forte que celle de finir ses jours dans un cachot dans lequel, somme toute, on était nourri et logé !
Pourtant, il existait des bateaux à rame, des galères donc, sur les lacs suisses. Il existe quelques traces dans les archives de différents cantons concernant l’existence de galères sur le lac des Quatre-Cantons et le lac Léman.
Une flotte militaire indispensable
Le conseil de la ville de Lucerne a décidé en 1583 déjà de la construction «d’un bateau particulier» pour permettre le transport de pierres de taille d’une rive à l’autre du lac des Quatre-Cantons. Ce bateau était mû par des prisonniers.
Mais il y a plus de traces sur les embarcations à rames du lac Léman. Une flotte militaire y était indispensable et les archives sur la question donnent déjà trace dès la fin du XIIIe siècle de marines militaires .
Les galères étaient des bâtiments particulièrement appréciés dans ces eaux. Certaines transportaient jusqu’à 117 rameurs et toute une troupe d’archers.
Selon les sources réunies par Forel, il dut y avoir jusqu’à cinq galères appartenant à la couronne de Savoie sur le lac, les Bernois et les Genevois en alignant également quelques-unes.
D’après Forel, les comtes de Savoie avaient fait venir des maîtres d’œuvre génois pour leur confier la construction de leurs galères.
Une copie de la galère méditerranéenne
La galère lémanique était donc une copie de la galère méditerranéenne, comportant cependant quelques particularités. Les places de rameurs, comme sur les galères méditerranéennes jusqu’à la fin du XVe siècle, étaient occupées par des volontaires.
Ces gens étaient recrutés beaucoup plus loin que les quelques communes du bord du lac : on allait parfois les chercher jusqu’au pied du Jura. Mais les bancs de ces embarcations n’ont pas toujours été occupés par des hommes libres.
On lit dans un contrat de 1689 conservé aux archives cantonales vaudoises: «On prendra sur les bateaux tous les fainéants ou personnes qu’il plaira à LL. EE. d’y envoyer où ils seront nourris et y resteront le temps qu’il plaira à LL. EE. de prescrire ; on aura bonne inspection sur eux, qu’ils ne s’échappent».
Quelques exemplaires de la voile latine
Il apparaît donc que les bateaux à rame du lac Léman ont également servi de prison et de moyen de se défaire des vagabonds.
Cependant, un décret de 1676 préconisait que les vagabonds et autres personnes errantes ne devraient être utilisées sur les bateaux du lac Léman que jusqu’à ce qu’on trouve un pays dans lequel les envoyer.
Quoi qu’il en soit de cet aspect de la question, il reste que la voile latine est restée sur le lac Léman. Une trace toute particulière du passé militaire de la fameuse barque du Léman dont il reste quelques exemplaires aujourd’hui.
swissinfo, Benoît Dumas
FOREL, F.A., Le Léman, Lausanne, Rouge, 1901.

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