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Nouveaux remous autour des caisses de pension

La baisse du taux minimum des caisses de pension avait provoqué la colère des syndicats en août dernier. Keystone

Les syndicats montent aux barricades. Pas question que les rentiers assument le coût de l'assainissement des caisses de pension.

Dans un mois au plus tard, le gouvernement devrait présenter son projet de réforme. Mais la bataille a déjà commencé.

L’assainissement des caisses de pension (2e pilier) ne doit pas se faire sur le dos des rentiers. C’est en substance le message qu’a voulu marteler, lundi à Berne, l’Union syndicale suisse (USS).

Décidé dans l’urgence l’automne passé et entré en vigueur au mois de janvier, l’abaissement du taux d’intérêt minimal obligatoire de 4% à 3,25%, n’a rien changé à la situation.

La santé financière des caisses de pension reste précaire. De nombreuses propositions de réforme sont évoquées, tant dans le monde politique que dans celui de l’économie.

Avec leur prise de position de lundi, les syndicats ont donné le ton. La réforme du système de retraite helvétique s’annonce musclée.

Depuis trois ans, les pertes enregistrées sur les placements financiers des institutions de prévoyance ont mis à mal leurs réserves et elles se retrouvent aujourd’hui en situation de sous-couverture.

La situation continue à se détériorer

La loi suisse exige en effet que chaque institution de prévoyance puisse garantir, en tout temps, les avoirs de ses assurés en cas de fermeture de leur entreprise.

L’été dernier, 26% des caisses de pension helvétiques n’étaient pas en mesure de satisfaire à cette exigence. Et, malgré l’abaissement du taux de rendement obligatoire minimal des avoirs de 4% à 3,25%, la situation continue à se détériorer.

D’après les estimations les plus récentes, 30% à 40% des caisses de pension se trouveraient aujourd’hui en situation de sous-couverture.

«Ce sont les employeurs qui ont imposé le deuxième pilier sur le plan politique, au détriment de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS). C’est à eux d’acquitter les deux tiers des cotisations d’assainissement rendues nécessaires par les pertes boursières des institutions de prévoyance», estime Colette Nova, secrétaire dirigeante à l’USS.

«Le fait qu’une caisse de pension soit en sous-couverture n’implique pas une diminution des prestations», rassure de son côté Jürg Brechbühl, vice-directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) à Berne.

Il est évident que, sur les trois dernières années, la performance des portefeuilles des caisses se révèle catastrophique. Rien qu’en 2002, les sommes perdues sont estimées à 40 milliards de francs signale le quotidien Le Temps.

Les réserves ont fondu pour éponger les pertes

Pour combler les pertes enregistrées sur les marchés, les caisses ont dû se résoudre à puiser dans leurs réserves. Résultat: aujourd’hui, ces dernières sont mal en point.

En revanche, la performance de ces mêmes portefeuilles sur les dix à quinze dernières années reste supérieure au rendement minimal obligatoire de 4% qui avait cours sur la période considérée.

Mais la nouvelle dégringolade des marchés financiers n’est pas près de calmer les esprits. Vendredi, l’indice SMI des principales valeurs de la bourse suisse est passé sous la barre des 3900 points, soit son niveau le plus bas depuis 1996.

Au vu de cette dégradation, les fissures qui lézardent la façade du système de retraite helvétique risquent-elles de provoquer l’affaissement complet de l’édifice? Pas de façon uniforme, mais certains risques existent.

Dans le débat qui anime la place helvétique aujourd’hui, hommes politiques, responsables de caisses de pension et entreprises réfléchissent aux moyens à mettre en œuvre pour éviter cette issue tragique.

Les propositions foisonnent

Il faut dire que les propositions foisonnent. Une première idée consiste à autoriser les caisses de pension privées à demeurer en situation de sous-couverture, comme c’est déjà le cas pour les caisses de pension publiques.

Une proposition à laquelle le gouvernement semble favorable puisque cette mesure figure dans la révision de la Loi sur la prévoyance professionnelle qu’il présentera au Parlement au mois de juin.

A condition, toutefois, que la caisse concernée ait reçu l’aval de l’autorité cantonale de surveillance et que des mesures d’assainissement financier soient en cours.

De son côté, le patronat estime qu’un nouvel abaissement «significatif» du taux d’intérêt minimum garanti sur les avoirs des caisses de pension permettra de remédier à la situation.

L’économie suisse pourrait en pâtir

Une autre proposition vise à augmenter les prélèvements chez les employés comme auprès de l’employeur. Une initiative qui grèverait le pouvoir d’achat des ménages comme les capacités d’investissement des entreprises.

Au moment où l’économie fait les frais d’une demande anémique, une telle mesure risque de freiner considérablement le processus de reprise économique.

Certains parlent encore d’une diminution des prestations offertes par les caisses de pension tandis que le Conseil fédéral pourrait proposer un prélèvement extraordinaire sur les rentes dans le but d’assainir le système.

Ces deux options font frémir puisque les rentiers, principalement, paieraient les excès boursiers de la fin des années 90.

Les anciennes caisses publiques en difficulté

Un autre problème auquel le gouvernement sera contraint de trouver une solution concerne les anciennes caisses de pension publiques qui pouvaient se permettre d’avoir un taux de couverture inférieur à 100% puisqu’elles profitaient de la garantie de l’Etat.

Elles sont devenues autonomes à la suite de la transformation de certaines régies fédérales en entités de droit privé.

C’est le cas des CFF. Devenue une société anonyme (SA) juste avant l’effondrement de la bourse, la caisse de retraites de la régie ne disposait pas de réserves suffisantes pour faire face.


Affichant un taux de couverture de 85%, les CFF demandent aujourd’hui à leur propriétaire, la Confédération, de combler un découvert qui atteint 2,7 milliards de francs.

Un engrenage dans lequel le gouvernement ne veut pas s’engager. S’il cédait pour les CFF, il lui faudrait ensuite faire face aux doléances de la Poste ou de Swisscom qui sont dans la même situation.

Même si légalement le fonds de compensation fédéral est censé couvrir les prestations financières qu’une caisse de pension serait dans l’incapacité de fournir à ses assurés, ses avoirs ne sont pas extensibles à l’infini. Surtout au vu des performances actuelles des marchés financiers.

Les réformes feront mal

Par conséquent, les réformes sont inévitables. Et comme chaque fois qu’une réforme est dictée par la nécessité économique, elles seront forcément douloureuses. Pour l’heure les dirigeants des caisses de pension naviguent à vue.

«Nous attendons de l’Etat qu’il tranche entre les mesures admissibles et celles qui ne le sont pas», explique Raymond Schmutz, professeur à l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC) et collaborateur de HPR, une société de conseil pour caisses de pension.

D’ici à la mi-avril, délai que s’est fixé le gouvernement pour présenter son projet de réforme de la loi, le débat se poursuivra. Et même très certainement au-delà.

swissinfo, Jean-Didier Revoin, Elvira Wiegers

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