
Qu’elle est bruyante, ma vallée

Dans les vallées alpines, le trafic n'est pas seulement polluant, il est aussi terriblement bruyant. Ecologistes et médecins tirent la sonnette d'alarme.
Lundi, les directeurs de l’environnement des cantons d’Uri, des Grisons et du Tessin présentaient une étude portant sur les deux mois de fermeture forcée du tunnel du Gothard. Chiffres à l’appui, ils démontraient à quel point trafic et pollution de l’air sont liés.
Mardi, c’est au tour du comité de l’Initiative des Alpes et des Médecins en faveur de l’environnement d’enfoncer le clou, en insistant cette fois sur une autre forme de nuisance: la pollution par le bruit.
A l’ombre des montagnes
Dans une vallée encaissée, le son se propage un peu comme dans une rue étroite d’une grande ville, a fait remarquer le spécialiste allemand en acoustique convié par les deux organisations pour appuyer leur démonstration.
Le moyen classique qui consisterait à éloigner les habitations des routes ou vice-versa est évidemment inopérant dans ces vallées où la place fait défaut. Quant aux murs anti-bruit, leur efficacité en montagne est bien moindre qu’en plaine.
Ceci essentiellement en raison des phénomènes d’inversion thermique. Lorsque le soleil réchauffe les couches d’air supérieures mais ne parvient pas à pénétrer au fond des vallées à cause de l’ombre des montagnes, le son – tout comme la pollution atmosphérique d’ailleurs – reste prisonnier de la couche d’air froid. Et bien sûr, il rebondit contre les parois rocheuses.
Les trains aussi
De plus, les moteurs tournent en général à un régime plus élevé sur les routes de montagne. Sans oublier les trains, également assez bruyants lorsqu’ils roulent sur des voies qui se sont pas meulées régulièrement.
Les freins des wagons peuvent aussi être source de vacarme, lorsqu’ils fonctionnent encore avec d’antiques sabots en fonte, générateurs d’un sifflement très désagréable à l’oreille humaine. Ici, la solution consiste à les remplacer par des freins à disque, ou tout au moins par des sabots en matière synthétique.
Pour ce qui est du trafic routier, l’Initiative des Alpes et les Médecins en faveur de l’environnement préconisent au moins le maintien de l’interdiction faite aux poids lourds de rouler la nuit et le week-end.
Autre mesure demandée avec insistance: la pose de revêtements de chaussée anti-bruit. Ceux-ci permettent en effet de réduire le volume sonore de 8 décibels, ce qui revient pour l’oreille à diviser carrément le bruit du frottement des roues par deux.
Le but est encore loin
Mais bien sûr, les deux organisations demandent plus que ces simples améliorations techniques. Acceptée par le peuple et les cantons en 1994, l’Initiative des Alpes donnait dix ans aux pouvoirs publics pour transférer l’ensemble des marchandises transitant par la Suisse de la route au rail.
«Nous en sommes encore très loin», note Christa Mutter, membre du comité de l’Initiative des Alpes. Même si l’on considère le chiffre de 650 000 passages de camions à travers les Alpes, inscrit dans la Loi de 1999. En l’an 2000, ils ont encore été 1,4 million, dont 1,1 million sur le seul axe du Gothard.
Il y a quinze jours, le Conseil fédéral a transmis son premier «rapport sur le transfert de trafic» aux commissions parlementaires compétentes. Le gouvernement y relève que pour la première fois en sept ans, la croissance du trafic de transit a pu être freinée.
«Mais les mesures prises jusqu’ici ne suffiront pas à atteindre l’objectif fixé, constate Christa Mutter. Et nous devons maintenant nous battre au niveau européen».
A ce titre, l’Initiative des Alpes se réjouit de l’introduction récente d’une taxe poids lourds en Allemagne. Elle compte également vendre son idée de bourse des transports, qui permettrait d’acheter sur l’Internet des contingents pour passer les Alpes avec des marchandises, afin d’éviter de voir des camions rouler à vide.
«Cette idée est déjà prise très au sérieux par de grandes entreprises spécialisées dans la logistique. Nous espérons qu’elle fasse rapidement son chemin dans les milieux politiques», conclut Christa Mutter.
swissinfo/Marc-André Miserez

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