Sihlcity temple du consumérisme trône à Zurich

Inauguré jeudi à Zurich, le méga-centre multi-fonctionnel, Sihlcity se veut une «ville dans la ville». Au-delà des superlatifs, le concept est-il vraiment nouveau ?
Comme l’explique une architecte et urbaniste qui s’est penchée sur les centre commerciaux de Suisse, l’idée remonte au 19e siècle.
Ils doivent être plus d’un, à Zurich, à savourer une douce revanche: après le feuilleton «Hardturm, ou Zurich-pas-capable-de-construire-un-stade», qui avait vu une partie du pays se réjouir des déboires zurichois, la Suisse se met à admirer les réalisations de la métropole.
Avec l’ouverture du centre de commerces et de loisirs Silhcity jeudi, après seulement quatre ans de travaux, et avant la finition, cet été, du nouveau Letzigrund, Zurich bombe le torse.
Les promoteurs de Sihlcity, eux, peuvent en tout cas déjà se frotter les mains. Toutes les surfaces ou presque sont louées, et les intéressés se pressent au portillon.
Seize appartements
Mais le nouveau centre deviendra-t-il le premier «urban entertainment center» de Suisse que vantent ses propriétaires ? Parler de «ville dans la ville», selon l’autre slogan utilisé, alors que le centre ne compte que seize appartements, semble en tout cas largement exagéré.
Spécialiste de densité urbaine, Monique Ruzicka-Rossier, architecte et chargée de cours à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), s’intéresse aux centres commerciaux de Suisse en tant que charnières entre espaces publics et espaces privés.
Et selon elle, Sihlcity pourrait marquer le début d’une nouvelle évolution.
«Grandes valises»
«Les centres commerciaux, explique Monique Ruzicka-Rossier, sont comme de très, très grandes valises dans lesquelles une multitudes de choses variées se passent».
«Ce sont des endroits publics, qui cherchent à attirer le plus grand nombre possible de clients, mais qui, à un moment donné, se ferment. Souvent, pour entrer dans ce monde magnifique, il faut passer par de petites portes, voire des souricières».
Un quart des ménages sans voiture
«Pour autant que l’on soit piéton», ajoute la chercheuse. Car à Sihlcity, on a nettement privilégié l’accès en transports publics, alors que les centres construits ces 30 dernières années donnent la priorité à l’accessibilité en voiture.
«Pour cette raison, de nombreux centres ne sont pas au même niveau que le reste du quartier. Cela cause des ravages dans les petites localités, car il y a rupture. De plus, environ un quart des ménages suisses n’a pas de voiture».
Construit sur le site d’une ancienne fabrique de papier, Silhcity diffère à plus d’un titre du centre commercial typique: l’ensemble est architecturalement ouvert, sur la Sihl, surplombée par une bretelle d’autoroute, ou sur la ligne de S-Bahn et les routes adjacentes.
En outre, l’utilisation se veut mixte. Et la partie centrale, qui regroupe la majorité des boutiques et des magasins, sera ouverte en soirée, jusqu’à minuit.
Galeries royales de Bruxelles
«L’idée du mélange des genres et de l’ouverture publique n’est pas nouvelle puisqu’elle est née au milieu du 19e siècle avec les Galeries Royales St-Hubert de Bruxelles, qui incluent théâtre et magasins», rappelle Monique Ruzicka-Rossier.
Malgré cela, elle admet que Sihlcity innove, comme le fera Westside à Berne l’année prochaine. «Cependant, si le type d’activités offertes est trop cher pour certaines parties de la population, cela reviendra à une forme d’exclusion.»
Reste, note encore Monique Ruzicka-Rossier, que les centres-villes n’ont pas encore retrouvé les artisans et les commerces de proximité qui les animaient avant les déplacements de population vers la périphérie dans les années 70-80.
«Aujourd’hui, avec les politiques volontaristes des villes, les gens reviennent dans les centres, conclut-elle. Il faudra peut-être voir si la multiplication des centres commerciaux dans les périphéries finira par s’éroder…»
swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Zurich
Plus grand chantier privé de Suisse (600 millions de francs)
13 cafés ou restaurants
1 hôtel avec 132 chambres
10 salles de cinéma, dont 1 salle «5D» (sièges mouvants, vent, odeurs…)
1 disco
1 fitness
1 centre médical
1 centre culturel
1 église multi-confessionnelle
1 bibliothèque
16 appartements de luxe
850 places de parking
20’000 visiteurs attendus par jour
2300 places de travail.
Dépense moyenne par personne: 17 francs 95 (estimation de 2003)
Sihlcity n’est pas le plus grand centre commercial de Suisse. Un des premiers, ouvert entre 1971 et 1974 , le Shoppi & Tivoli de Spreitenbach, en Argovie, reste le plus grand avec 75’310 m2.
Au deuxième rang vient le Glattzentrum (Wallisellen, en périphérie de Zurich) avec 43’387 m2.
Avry-Centre, à Avry (Fribourg) compte 43’294 m2 de surfaces de vente.
Sihlcity arrive au 4e rang avec 41’000 m2 , comme le centre Gaupark d’Egerkingen, dans le canton de Soleure.
Balexert (Genève) compte 36’700 m2 et le future Westside de Berne, dont l’ouverture est prévue pour octobre 2008, aura 31’000 m2 .

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