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Swiss cherche un allié dans un ciel menaçant

Trouver des alliés n'est pas chose facile. Keystone

Cession de capital ou adhésion à une alliance? Swiss ne sait pas encore à quelle sauce elle se laissera manger pour survivre.

Mais les alliances ne seraient qu’un pis-aller à des fusions impossibles pour l’instant.

Pour des raisons historiques et symboliques, les droits de trafic aérien sont gérés par les Etats. En Europe, une compagnie changeant de nationalité suite à une prise de participation majoritaire perd ses droits de trafic à destination de pays hors de l’Union européenne (UE).

Grâce aux accords bilatéraux, la règle est aussi valable pour la Suisse. Si Lufthansa prenait le contrôle de plus de 50% de Swiss, les droits de vol vers Johannesburg ou l’Afrique seraient perdus, par exemple. Un cas qui ne se présente pas si la participation reste minoritaire.

Cette réglementation est un obstacle certain aux rapprochements entre compagnies.

Une consolidation nécessaire

«En Europe, plus de vingt compagnies nationales font du long courrier, pour un bassin de population à peine plus grand que celui des Etats-Unis», résume Pierre Condom, rédacteur en chef de la revue Interavia.

Or les Etats-Unis ne comptent que cinq compagnies opérant dans le monde entier.

Les voix se font toujours d’ailleurs plus fortes pour exiger un abandon de la clause de «ownership and control» des Etats.

Au printemps dernier, une conférence de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a adopté une résolution dans ce sens.

En juin, la Commission européenne a obtenu le droit de négocier des droits de trafic au nom de l’UE. Mais les résistances sont très fortes.

Des économies et un réseau élargi

Phénomène récent, les alliances sont «une solution de secours» pour contourner ces règlements, selon le journaliste spécialisé Sepp Moser.

Elles permettent aux compagnies d’augmenter le nombre de destinations desservies et de mettre en commun un certain nombre de coûts.

Oneword indique qu’entre 2000 et 2002, ses membres ont gagné plus de 2 milliards de dollars grâce à l’alliance.

Alcazar, le pionnier qui a échoué

Swissair avait joué un rôle pionnier dans ce domaine en étant la première compagnie européenne, au début des années 90, à trouver un partenaire américain, Delta, en même temps que KLM s’alliait à Northwest.

En revanche, le projet de fusion à long terme, entre Swissair, Scandinavian Airlines, Austrian Airlines et KLM fut un retentissant échec.

Notamment en raison de l’état d’esprit de l’époque fortement marqué par un sentiment nationaliste. Les Suisses, opposés à une entrée dans l’Espace économique européen (EEE), voulaient que Swissair reste suisse.

Mais actuellement, presque toutes les compagnies européennes sont membres d’une alliance. Serait-ce la seule voie possible?

«C’est la voie la plus naturelle pour 90% des compagnies», répond William Gaillard, responsable de la communication de IATA (International Air Transport Association).

Mais il restera selon lui des compagnies indépendantes, comme les Japonais de Jal, qui ont dit vouloir s’en tenir à des accords bilatéraux. Condition à l’indépendance: un produit de niche très pointu.

Des changements dans l’air

Les trois grandes alliances actuelles pourraient en outre voir leur composition se modifier ces prochaines années. «Il est très probable qu’il y aura des velléités de créer une quatrième alliance», estime William Gaillard.

«La réforme des droits de trafic et l’autorisation d’alliances capitalistiques va modifier les équilibres», prédit de son côté Pierre Condom.

Autres difficultés: les alliances doivent se battre non seulement entre elles pour conquérir de nouveaux marchés, (et «la concurrence est très dure», affirme William Gaillard), mais, de plus, des tensions internes ne sont pas toujours évitables.

Mêmes «plates-bandes»

Exemple: deux membres asiatiques de Star, Thai Airways et Singapore Airlines, se livrent une concurrence acharnée sur les mêmes marchés.

Pour Swiss, aucune voie n’est facile, même si William Gaillard est persuadé qu’«on en parlera tout autrement dans cinq ans».

D’ici là, on saura si la compagnie est restée ou non une «Alcazar», pour reprendre la définition donnée non sans humour, il y a dix ans, au projet de fusion: «ALone CArriers Zigzag At Random», soit «les compagnies isolées volent en zigzaguant au hasard.»

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

Avril 2002: L’adhésion à Oneworld sera conclue incessamment, dit André Dosé au lancement de Swiss.

Novembre 2002: Les responsables de Oneworld affirment vouloir se concentrer sur les huit membres de l’alliance. Jusqu’en mars, Swiss conclura des accords bilatéraux avec six d’entre eux, ainsi qu’avec une dizaine d’autres compagnies.

Fin mars 2003: André Dosé admet que les négociations sont gelées tandis que Pieter Bouw déclare: «aucune des trois alliances ne nous attend».

Mi-avril 2003: En même temps que l’état de la compagnie se détériore, Lufthansa fait son apparition dans les rumeurs sur des négociations, pour une prise de participation cette fois, et non plus une alliance.

10 août 2003: Oneworld refait surface dans les rumeurs.

Fin août 2003: Selon son porte-parole, André Dosé passe la fin du mois d’une capitale à l’autre pour négocier.

– SkyTeam: créée en 2000
Six compagnies: Aero Mexico, Air France, Alitalia, CSA Czech Airlines, Delta Air Lines and Korean Ai.
412 destinations, 114 pays, 228 millions de passagers, 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

– Star Alliance: créée en 1997
Seize compagnies: Air Canada, Air New Zealand, ANA – All Nippon Airways, Asiana Airlines, Austrian Airlines Group, bmi, Lufthansa, Mexicana Airlines, SAS, Singapore Airlines, Spanair, Thai Airways International, United, and VARIG Brazilian Airlines. (LOT Polish Airlines: octobre)
700 destinations, 128 pays, 302 millions de passagers, 73 milliards de dollars de chiffre d’affaires

– Oneworld: créée en 1999
Huit compagnies: Aer Lingus, American Airlines, British Airways, Cathay Pacific, Finnair, Iberia, Lan Chile, Qantas.
563 destinations, 136 pays, 227,5 millions de passagers, 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires

– KLM/Northwest Airlines:
Encore en activité mais pourrait être bientôt «fondue» dans SkyTeam.

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