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Vue de Bordeaux, l’image de la Suisse est brouillée

Bordeaux est une ville au grand charme, mais encore un peu isolée. AFP

L’année qui s’achève fut accidentée pour la Suisse: UBS, Libye, Polanski, minarets... Quel impact pour l’image helvétique? swissinfo.ch a questionné plusieurs Suisses de l’étranger. Rose Marie de Lachapelle, traductrice à Bordeaux, s’est prêtée à l’exercice.

swissinfo.ch: Pouvez-vous décrire votre cadre de vie en quelques mots?

Rose Marie de Lachapelle: Je vis dans le centre-ville de Bordeaux. Ces dernières années, les travaux conduits par le maire Alain Juppé ont embelli la ville: tramway, rénovation des quais, etc. Bordeaux est superbe, mais elle reste un cul-de-sac. Ce n’est guère un lieu de passage, comme Lyon ou même Clermont-Ferrand. Au-delà, il n’y a plus grand-chose avant l’Espagne.

Il faut donc relier la ville au reste de l’Europe. Ce qui pourra se faire notamment avec la prolongation du TGV jusqu’à Hendaye, ou encore l’arrivée de gros projets industriels. L’Aérospatiale constitue l’une des réussites industrielles. Sinon, il y a bien sûr le vin. Mais, malgré la qualité du crû 2009, le secteur reste en difficulté.

swissinfo.ch: UBS a triché en contournant la loi pour attirer des clients américains et les aider à passer outre le fisc de leur pays. Un sale coup pour la place financière suisse et son secret bancaire. Le scandale a-t-il eu des répercussions chez vous?

R.M. d. L. : Je pense que les conséquences en France de l’«assouplissement» du secret bancaire helvétique sont très limitées. Le bouclier fiscal instauré par le président Sarkozy et les autres mesures pour rapatrier l’argent «planqué» en Suisse n’ont pas donné beaucoup de résultats. C’est le signe que le secret bancaire est encore bien verrouillé en Suisse.

A cet égard, l’utilisation par les autorités françaises de cette liste de comptes bancaires volée par un ancien employé de la banque HSBC ne me semble pas immorale. L’évasion fiscale est un sport national français. Il faut bien le combattre.

Personnellement, j’estime que le secret bancaire absolu appartient à une époque révolue et qu’aujourd’hui, la Suisse doit s’adapter. Pendant longtemps, la Suisse a voulu jouer sur tous les tableaux. Elle doit désormais se plier aux règles internationales.

swissinfo.ch: Le peuple suisse dans sa majorité a décidé en votation d’inscrire dans la Constitution l’interdiction de construire de nouveaux minarets. Comment a été reçue cette décision dans le sud-ouest?

R.M. d. L. : C’est le sentiment d’une certaine hypocrisie qui domine. D’un côté, à Leysin, à Genève, on est prêt à tout pour accueillir les riches clientèles du Golfe. De l’autre, on trouve que les minarets s’accordent mal avec les géraniums. Il faut savoir! Quand on a besoin des immigrés pour nos chantiers, on est content de les avoir. Je suis surprise que Zurich, que je pensais plus ouverte, ait voté pour cette initiative.

Vous devez me trouver très critique à l’égard de la Suisse. J’y suis en même temps très attachée. J’ai vécu toute ma jeunesse dans la ferme de mon père, à Dorigny, là où se trouve aujourd’hui la Fondation Jean Monnet… le père de l’Europe!

swissinfo.ch: Pour répondre à une demande d’extradition des Etats-Unis, la justice suisse a obtenu l’arrestation du cinéaste franco-polonais Roman Polanski, puis sa mise en résidence surveillée dans son chalet de Gstaad. Comment juge-t-on chez vous l’attitude de la Suisse?

R.M. d. L. : Décidément! Pour la Suisse, c’est un peu l’année des cumuls. Polanski n’a aucun droit à l’impunité. En cela l’opinion publique française semble en accord avec ce qu’on pense en Suisse. Mais c’est le moment de son arrestation qui est un peu troublant. L’affaire ressemble trop à un renvoi d’ascenseur entre la Suisse et les Etats-Unis, après l’affaire UBS.

swissinfo.ch: Deux citoyens suisses sont bloqués en Libye depuis qu’en Suisse, la police genevoise a temporairement mis en détention le fils Kadhafi. Une affaire qui a rebondi tout au long de l’année et conduit le président de la Confédération à s’excuser auprès de Tripoli. Dans cette affaire, comment, en France, juge-t-on la Suisse et comment explique-t-on son incapacité à trouver une solution à cette crise?

R.M. d. L. : L’affaire, contrairement à celle des minarets, n’a pas fait beaucoup de bruit en France. A mon sens, les intérêts économiques sont passés avant les idéaux. Les excuses du président Merz sont un peu gênantes. Encore qu’il arrive à de nombreux gouvernements démocratiques de s’abaisser devant des dictatures, mais la télévision n’est pas là pour témoigner.

Peut-être la Suisse paye-t-elle aussi le fait qu’elle n’est pas membre de l’Europe. A mon avis, on ne peut plus rester à l’écart du monde. Qu’en aurait pensé mon père, qui était assez favorable à Blocher à la fin de sa vie? Je n’en sais rien.

swissinfo.ch: Quelle est votre évaluation personnelle de ces différents événements et en quoi ont-ils modifié votre situation de Suisse de l’étranger?

R.M. d. L. : Ils n’ont pas changé grand-chose à ma vie. Au-delà de l’actualité, l’image de la Suisse reste assez bonne ici. C’est le pays où le chômage est faible, où les choses fonctionnent bien. Mais cette image se ternit peu à peu. Elle se brouille. Le vote sur les minarets comme l’affaire Polanski ont perturbé le cliché d’une Suisse neutre, discrète et accueillante, qui prévalait jusque-là.

Mathieu Van Berchem, Paris, swissinfo.ch

Bordeaux, la capitale de l’Aquitaine attire peu de Suisses. A part quelques protestants du temps de la traite négrière, il n’y a aucune tradition migratoire.

Retraités. On compte bien quelques retraités et des propriétaires de châteaux. Récemment, l’entrepreneur Silvio Denz a acquis Château Faugères, une propriété viticole de 80 hectares située six kilomètres à l’est de Saint-Emilion. L’architecte Mario Botta en a achevé cette année le nouveau chai.

Préservé. «Bordeaux est une ville du XVIIIe siècle, pleine d’hôtels particuliers, d’immeubles assez bas et de maisons avec jardins, note Rose Marie de Lachapelle. Le centre est très préservé…mais de plus en plus cher. On n’est pas loin de la mer et on profite aussi des Pyrénées toutes proches.»

Les Teuscher. Rose Marie de Lachapelle est née à Lausanne en 1950. Les Teuscher, son nom de jeune fille, sont fermiers à Dorigny et dans les environs de Lausanne. Son oncle, Pierre Teuscher, est alors conseiller national vaudois (Paysans et artisans indépendants), tandis que son père Jean-Jacques sera président du Grand Conseil en 1970. Quand l’université s’implante à Dorigny au début des années 1970, la famille émigre à La Sarraz.

Hôtel. Rose-Marie fait l’école hôtelière, puis part travailler dans un hôtel à Montpellier puis à Paris. Elle rencontre son futur mari et le couple s’installe à Bordeaux.

Traduction. De l’hôtellerie, Mme Lachapelle passe à la traduction. Elle travaille dans un cabinet de traduction, puis chez une avocate britannique, spécialisée dans l’installation d’Anglais en Dordogne et dans le sud-ouest en général.

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