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Affaire UBS aux Etats-Unis: accord à l’amiable

Keystone

Les Etats-Unis et la Suisse ont trouvé un accord de principe pour éviter que l'UBS ne passe devant la justice américaine pour incitation à l'évasion fiscale. Les deux parties doivent encore régler des éléments de détail la semaine prochaine.

Cet accord extrajudiciaire est intervenu à l’issue d’une conférence téléphonique entre les parties et le juge Alan Gold du Tribunal fédéral de Miami, comme l’a annoncé vendredi Stuart Gibson, avocat du Département américain de la justice.

L’accord était espéré, mais de loin pas acquis d’avance. Mercredi encore, les positions de la Suisse et des Etats-Unis paraissaient inconciliables. Mais désormais, la banque paraît bien partie pour échapper au procès civil.

Vendredi donc, le juge a pu constater une avancée significative après 48 heures de nouvelles discussions. Du coup, il a décalé au lundi 10 août l’ouverture d’un éventuel procès, qui n’aura lieu que si par malheur les parties ne parvenaient à boucler l’entente déjà arrêtée dans les grandes lignes.

«Les parties étant convenues de garder le silence pendant toute la durée des négociations, aucune autre indication ne peut être donnée pour l’instant», expliqué le ministère suisse de Justice et Police. C’est ce ministère avec ceux des Affaires étrangères et des Finances qui négocie au nom de la Suisse.

«Pêche aux poissons»

La plainte civile des autorités fiscales américaines (IRS) demande à l’UBS de livrer les données sur quelque 52’000 comptes de citoyens américains qui n’auraient pas déclaré leurs avoirs au fisc. L’UBS et le Conseil fédéral (gouvernement) ont fait valoir que le secret bancaire empêche de livrer ces informations et que cette plainte est une «pêche aux poissons», en d’autres termes qu’elle ne repose sur aucun élément concret et qu’elle vise à faire peur aux fraudeurs du fisc afin qu’ils se dénoncent.

Le Conseil fédéral a menacé de faire saisir les documents bancaires concernés si un tribunal américain approuve la plainte. Du côté des Etats-Unis, c’est une saisie des avoirs de la banque aux USA et sa mise sous tutelle qui fait l’objet de discussions si l’UBS refuse d’appliquer un jugement qui lui est défavorable.

Solution possible

Une solution possible pour régler le conflit entre deux systèmes juridiques différents consiste à ce que les Etats-Unis déposent une nouvelle demande d’entraide judiciaire auprès de la Suisse.

Mais quoi qu’il en soit, la conclusion d’un accord extrajudiciaire n’empêchera pas la banque de passer à la caisse le moment venu pour compenser le manque à gagner causé par les cas d’évasion fiscale. L’enjeu pourrait porter sur quelques milliards de francs. Sûr que le sujet suscitera des questions lors de la conférence de presse semestrielle de l’UBS mardi à Zurich.

Les autorités américaines ont déjà marqué des points en obtenant que l’UBS livre, le 18 février dernier, les données de 255 dossiers de clients américains soupçonnés d’évasion fiscale.

Cette décision avait été vivement critiquée en Suisse parce qu’elle rendait caduque la procédure d’entraide judiciaire en cours et parce que le secret bancaire était levé par le biais d’une décision de l’autorité de surveillance des marchés (FINMA). Depuis lors, la justice américaine a poursuivi plusieurs clients de l’UBS et, sous la pression, d’autres clients de la banque se sont spontanément dénoncés au fisc.

Satisfaction des deux ministres

Cet accord a été aussitôt salué par les ministres des Affaires étrangères des deux pays. Avant de recevoir Micheline Calmy-Rey, actuellement à Washington, Hillary Clinton a déclaré à la presse qu’il s’agissait là d’un «accord de principe», pour lequel les deux gouvernements avaient «travaillé très dur».

La secrétaire d’Etat n’a pas fait davantage de commentaires. Tout aussi laconique, son homologue helvétique s’est simplement dite «très contente». Aucune conférence de presse n’avait été prévue après la rencontre, le programme de Micheline Calmy-Rey étant trop chargé.

Du côté de l’Association suisse des banquiers, on se félicite aussi de ce «véritable progrès». Mais la prudence reste de mise. L’ASB attend de connaître le contenu de l’accord avant d’émettre un jugement définitif.

«Extrêmement important»

Satisfaction également de Martin Naville, directeur de la Chambre de commerce américano-suisse. «Cet accord est extrêmement important, premièrement pour UBS, pour le système bancaire et pour l’économie mondiale, parce qu’UBS y joue un tel rôle que toute déstabilisation serait vraiment négative», a-t-il dit à swissinfo.ch.

«Deuxièmement, parce que sans un tel accord, les relations entre les deux pays, qui sont par ailleurs excellentes, pourraient en prendre un sérieux coup» ajoute Martin Naville.

L’action rebondit

A la Bourse suisse, l’action UBS a réagi en vive hausse à l’annonce de la percée qui laisse espérer un dénouement. À la clôture, elle grimpait de 3,9% pour s’échanger à 15,6 francs, dans un marché (SMI) en progression de 0,3%, avec un plus haut à près de 16 francs (+6,1%) juste après la conférence téléphonique.

swissinfo.ch et les agences

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600 milliards de francs sous gestion, soit environ un tiers du poids de la banque dans le monde.

En février dernier, les autorités fiscales américaines (IRS) ont déposé une plainte auprès du Tribunal fédéral de Miami, pour obliger éventuellement UBS à fournir la liste de 52’000 clients soupçonnés de fraude fiscale.

Soutenue par les autorités suisses, UBS exige que l’IRS lui donne d’abord les noms des éventuels fraudeurs sur lesquels elle demande des informations.

Officiellement pour la Suisse, la plainte est contraire aux accords de double imposition en vigueur avec les Etats-Unis. Berne a affirmé qu’elle poursuivrait UBS si la banque communiquait les 52’000 noms à l’IRS.

En Suisse, les partis politiques se disent soulagés. Ils attendent toutefois d’en savoir plus.

PDC (parti démocrate-chrétien): «Le diable est dans le détail. Particulièrement dans le cas présent, souligne le député Pirmin Bischof. Il importe que la Suisse officielle, en tant qu’Etat de droit, ne fasse aucune concession dans ce dossier».

UDC (droite conservatrice): «L’accord doit être mesuré à l’aune de ce qui se passera avec les données des clients. Il s’agit en particulier de sauvegarder l’Etat de droit. La Suisse ne doit pas se faire prendre en otage», estime le secrétaire général de Martin Baltisser.

PS (parti socialiste): L’évolution est positive, mais il faudra juger une fois connu le contenu de l’accord. Le parti se dit toutefois choqué par le fait que la Confédération doive courir au secours d’UBS une deuxième fois en peu de temps. «La première fois, elle a eu besoin de 68 milliards de francs en raison de ses pratiques à risque. Maintenant, UBS doit être secourue au niveau politique à cause d’agissements criminels de certains de ses hauts cadres. Il faudra en tirer des conséquences», avertit le PS.

PLR (parti libéral radical): Il prend acte de l’accord mais ne prend pas position tant que les détails ne sont pas connus.

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