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L’économie suisse fête 50 ans d’aide au développement

En Indonésie, Swisscontact soutient la construction d'infrastructures de transformation du cacao et des noix de cajou. (DR)

Fondée en pleine guerre froide, en 1959, l'organisation d'aide au développement de l'économie suisse Swisscontact continue à attirer les dons. Elle est aujourd'hui un partenaire important des pouvoirs publics, suisses et européens.

La brochure d’anniversaire ne le rappelle pas, mais la «NZZ» a fouillé dans les archives: lorsque les grandes entreprises d’exportation suisses ont créé, le 6 mai 1959, la «Fondation suisse pour l’aide au développement technique», il s’agissait aussi, mais pas seulement, d’un «combat contre le communisme».

Jusque là, les principaux acteurs de l’aide au développement se trouvaient au sein des églises. Mais au milieu des années 50, la nécessité d’aider les plus pauvres convainc de nouveaux groupes à s’investir.

L’«Aide suisse aux régions extra-européennes» (SHAG, selon l’acronyme allemand) est créée en 1955. Cette organisation prendra le nom d’Helvetas en 1965.

La SHAG se met en quête de dons. Les entreprises veulent bien participer à l’effort, mais elles veulent avoir leur mot à dire sur l’utilisation des dons. D’où l’idée de créer une entité séparée pour l’économie.

«Noble mendiant»

Chargée de récolter les fonds pendant plusieurs années, Anne-Marie Im Hof-Piguet, connue pour sa lutte pour les droits humains, décrit son organisation comme un «noble mendiant». C’est ce que rappelle la brochure publiée à l’occasion des 50 ans de Swisscontact.

Les représentants de la droite économique de l’époque ont également des idées politiques précises: «Il s’agit aussi de contribuer à la défense du monde libre», déclare le professeur de droit Werner Kägi en 1959, selon la NZZ.

Mais «tôt ou tard, avait déclaré un autre orateur, [l’aide] pourrait se révéler utile pour l’économie.» Urs Egger, l’actuel directeur, ne cache du reste pas que le secteur privé voulait aussi, avec sa fondation, «s’assurer la présence d’une main d’œuvre qualifiée» à l’étranger, explique-t-il à swissinfo.ch.

Du coup, ironise même la radicale NZZ, l’idéal humanitaire mis en avant par les orateurs de 1959 ressemble un peu à une formule rhétorique… La philosophie «aider les personnes à s’aider elles-mêmes» s’est néanmoins imposée au fil des décennies.

Des experts à la retraite active

Outre la formation professionnelle, l’organisation défend trois domaines prioritaires: le soutien aux PME, les services financiers (tels que microcrédits) et la protection de l’environnement. Un corps d’experts seniors a aussi été créé en 1979.

«La bureaucratie est réduite au minimum et l’avis de l’expert est vraiment respecté, s’enthousiasme le Vaudois Alain Rohrbach, qui a effectué deux missions dans la gestion hôtelière en Afrique. Nous avons une très grande liberté pour réaliser le projet qui nous est assigné.»

Pour d’autres acteurs de la coopération en Suisse, l’action des milieux économiques n’est pas une menace. Ainsi, l’ancien partenaire Helvetas reste proche de Swisscontact.

Un concurrent «amical»

«Avec Intercoopération, nous sommes les trois organisations actives dans l’exécution de projets pour la Confédération, explique Melchior Lengsfeld, directeur d’Helvetas. Nos relations sont très bonnes, nous partageons nos expériences et cherchons ensemble des améliorations.»

«Sans avoir les mêmes publics cibles, nous pouvons collaborer sur certains projets communs, par exemple au Sri Lanka dans le domaine de la promotion de la paix, poursuit-il. Agir en partenariat permet d’avoir davantage d’impact.» Comme Swisscontact, Helvetas est aussi habilité à répondre à certains appels d’offre de l’Union européenne.

Chez Caritas également, on loue la bonne collaboration avec la fondation de l’économie. «Swisscontact est une concurrence amicale dans la recherche de dons, mais comme bien d’autres ONG», déclare le porte-parole de Caritas Stefan Gribi.

«Nous avons très peu de domaines où nos activités pourraient se recouper», poursuit-il. Dans la formation professionnelle, nous partageons nos expériences, par exemple au Kosovo.»

Un bémol

Lors de la cérémonie anniversaire à Zurich, le parterre de personnalités politiques (majoritairement libérales-radicales) et économiques présentait une belle image d’harmonie. La ministre de l’économie Doris Leuthard a loué la coordination des politiques économique et commerciale dans l’aide au développement.

Le moment était évidemment peu propice à la critique. «Il n’y a pas d’animosité envers l’économie, confie ce participant qui désire rester anonyme. Le secteur privé est incontournable dans l’aide au développement et c’est bien ainsi.»

Pourtant, relativise-t-il, le fait que Nestlé, donateur et co-fondateur de Swisscontact, ait été choisi pour s’exprimer lors de l’événement en fait aussi grimacer certains.

«Dans son exposé, le directeur Peter Brabeck a présenté des schémas de son entreprise pour parler de Swisscontact. Ce serait impensable dans une autre organisation. De nombreuses ONG refusent les fonds de Nestlé ou d’autres, comme Syngenta, dont l’action est aussi jugée néfaste dans certains pays.»

Mais ce sera l’unique bémol. Swisscontact est globalement très respectée et elle reste un puissant aimant pour les fonds. L’instauration du groupe des «American Friends of Swisscontact» en 2008, qui permet de «participer au grand marché des fondations et des philantropes américains», selon les mots de la brochure d’anniversaire, le montre bien.

Zurich, Ariane Gigon, swissinfo.ch

Origines. Swisscontact a vu le jour le 6 mai 1959 à Zurich sous le nom de «Fondation suisse pour l’aide au développement technique». Son premier secteur d’activités a été la formation professionnelle.

Première action. L’organisation ouvre une école professionnelle en 1962 à Chandigarh, en Inde. Passée en mains gouvernementales en 1968, l’école existe toujours.

Domaines. Rebaptisée Swisscontact en 1971, elle se concentre sur quatre domaines stratégiques: la formation professionnelle, le soutien aux PME, les services financiers, la protection de l’environnement. Swisscontact soutient plus de 100 projets dans 23 pays et emploie 500 collaborateurs, dont 470 à l’étranger.

Dons. En 2008, l’ouverture d’une filiale en Allemagne ouvre l’accès aux mises au concours de projets de l’Union européenne. Aux Etats-Unis, le «American Friends of Swisscontact» permet d’acquérir les dons des riches philantrophes américains.

Fonds. Depuis les années 80, l’organisation engrange davantage de fonds provenant de mandats publics que de dons privés. En 2008, les dons ont représenté 6,5 millions de francs (+16% par rapport à 2007), sur un total de 47,6 millions (+8,47%).

Entreprises. 72% des dons proviennent d’entreprises, de fondations et de particuliers, 28% de communes et de cantons. Parmi les entreprises, on trouve tous les grands noms de l’économie suisse, tels que Nestlé, Bobst, Charles Vögele, Hoffmann-La Roche, Ringier, Ricola, les banques Raiffeisen, Victorinox, mais aussi le syndicat Unia.

Retraités. Swisscontact a créé en 1979 son groupe de «Senior Expert Corps» (SEC), formé de spécialistes à la retraite. Depuis, plus de 1400 projets ont été menés par ces spécialistes bénévoles.

Intérêt. Actuellement, quelque 500 personnes sont inscrites et les intéressés se pressent au portillon. A titre d’exemple, en 2008, des banquiers retraités suisses ont formé de jeunes Ukrainiens aux métiers de la banque.

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