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L’accord contesté sur UBS arrive au Parlement

Les déboires d'UBS aux Etats-Unis vont occuper une bonne partie des prochains débats parlementaires. Keystone

Les turbulences autour d’UBS et ses conséquences seront au centre des débats de la session d’été des Chambres fédérales qui s’ouvre ce lundi. Le renvoi des étrangers criminels et les salaires des managers sont les autres thèmes principaux qui occuperont les parlementaires.

«Un compromis entre deux Etats de droit souverains». C’est la description faite par la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf de l’accord d’entraide administrative passé en août 2009 entre la Suisse et les Etats-Unis. Selon les termes de l’accord, la Suisse doit livrer aux autorités américaines les données de 4450 comptes de clients d’UBS soupçonnés d’avoir fraudé le fisc américain.

C’est à cette seule condition que la grande banque évitera de nouvelles poursuites et un éventuel retrait de sa licence bancaire aux Etats-Unis. Initialement, les autorités américaines réclamaient les données de 52’000 clients d’UBS.

Les responsables d’UBS ainsi que le Conseil fédéral (gouvernement) avaient accueilli cet accord positivement. Mais le soulagement fut de courte durée, puisqu’en janvier 2010, le Tribunal administratif fédéral (TAF) estimait que l’accord était caduque. La justice suisse basait sa décision sur l’accord de double imposition signé entre les deux pays, qui distingue clairement soustraction et fraude fiscale.

Selon le TAF, l’entraide administrative ne peut être accordée que pour des cas de fraude fiscale. La compétence d’accorder l’entraide dans des affaires de soustraction fiscale appartient au Parlement, et non au Conseil fédéral.

Suite à cette décision, le gouvernement s’est efforcé de trouver une solution afin d’éviter qu’UBS ne soit confronté à des problèmes plus sérieux encore aux Etats-Unis. Dans cette optique, il a revalorisé l’accord en traité et décidé de le soumettre à l’approbation du Parlement.

Secret bancaire en péril

Dans une première phase, les politiciens de tous bords ont réagi défavorablement au projet du gouvernement. Le député démocrate-chrétien Pirmin Bischof (PDC / centre-droit) a ainsi qualifié ce projet de «nouveau fléchissement devant l’état de droit». Le président des radicaux, Fulvio Pelli, (PLR / droite) a quant a lui sévèrement critiqué UBS, coupable d’avoir «engendré cette catastrophe». Il a plaidé pour que la banque «assume pleinement sa responsabilité» pour ses déboires aux Etats-Unis. Des conseillers d’UBS avaient en effet incité en toute connaissance de cause des clients américains à cacher leurs avoirs au fisc.

Christoph Blocher, le stratège de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), a estimé que l’accord était «une entourloupe au secret bancaire» et a brandi la menace d’un «référendum pour défendre le secret bancaire».

Pendant des mois, l’UDC a ainsi catégoriquement refusé de signer l’accord. La gauche, bien que fondamentalement opposée au secret bancaire, a saisi l’occasion pour exiger des mesures d’accompagnement, menaçant de ne pas signer l’accord si elle n’obtenait pas gain de cause.

Les partis du centre ont quant à eux décidé, non sans quelques grincements de dent, de voter «oui», argumentant que l’enjeu était trop important et que la Suisse ne pouvait pas se permette de tenir tête aux Etats-Unis.

Retournement radical de l’UDC

L’UDC et le Parti socialiste (PS) formant ensemble une majorité au Conseil national (Chambre basse), la nervosité est montée d’un cran dans les rangs du Conseil fédéral et des banquiers. Le gouvernement a essayé d’adoucir le PS en annonçant le 28 avril des mesures en faveur de la taxation des bonus bancaires et de la régulation du système financier.

Jusqu’à ce moment, le PS tenait dans ses mains un bon moyen de pression sur le gouvernement. Mais le 21 mai dernier, le virage à 360 degrés de l’UDC a totalement bouleversé la donne. Pour justifier son passage soudain du camp du «non» à celui du «oui», l’UDC a argumenté qu’une taxe sur les bonus constituerait un impôt supplémentaire pour les entreprises et serait dommageable à l’économie. En outre, l’accord avec les Etats-Unis est certes pour la droite conservatrice «un mal» mais son refus engendrerait un «mal encore plus grand».

Avec la volte-face de l’UDC, le traité dispose en l’état actuel d’un soutien suffisant pour passer l’épreuve du Parlement. Le PS et l’UDC souhaitent toutefois que l’accord soit soumis au référendum facultatif, ce qui devrait retarder sa mise en oeuvre.

La gauche et l’UDC exigent également depuis des mois la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire (CEP). Celle-ci serait chargée de faire la lumière sur le rôle du Conseil fédéral et des autorités de surveillance des marchés dans le processus d’adoption des mesures urgentes pour éviter la faillite d’UBS.

Les partis du centre estiment que la création d’une telle commission ne sera nécessaire que si l’enquête des commissions de gestion, qui possèdent une marge de manoeuvre plus étroite, laisse encore des questions ouvertes. Le rapport final des commissions de gestion doit être rendu public lundi.

Face aux exigences du peuple

Les deux chambres du Parlement seront également confrontées durant la session d’été à diverses initiatives populaires. Le Parlement doit ainsi décider s’il entend concocter un contre-projet à l’initiative «contre les rémunérations abusives». De récents sondages montrent qu’une majorité des citoyens est favorable à taxer davantage les salaires des managers. Les partis bourgeois se prononcent, eux, en faveur d’un contre-projet.

Autre sujet brûlant qui occupera les parlementaires: le renvoi des criminels étrangers. Lorsque des étrangères ou des étrangers sont condamnés pénalement en Suisse, les autorités peuvent, en accord avec le droit actuel, ordonner leur expulsion du territoire. L’initiative de l’UDC «pour le renvoi des étrangers criminels» exige un durcissement de la législation en vigueur. Elle veut rendre le renvoi des criminels étrangers obligatoire.

Selon des experts en droit, cette initiative viole le droit international. Elle est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et à l’accord de libre-circulation avec l’UE.

Le Conseil des Etats (Chambre haute) s’est ainsi prononcé lors de la session de printemps en faveur d’un contre-projet. La balle est désormais dans le camp du Conseil national (Chambre basse). La Commission compétente a fait un pas en direction de la gauche et des Verts, qui s’opposent à un durcissement du droit en vigueur, en complétant le contre-projet avec un article contraignant le gouvernement à prendre des mesures d’intégration en faveur des étrangers.

Andreas Keiser, swissinfo.ch
(Adaptation de l’allemand: Samuel Jaberg)

Double imposition. Durant la session d’été des Chambres fédérales, qui se déroule du 31 mai au 18 juin, le Parlement doit approuver toute une série de conventions de double imposition révisées selon les standards de l’OCDE. Les accords permettront à la Suisse d’accorder l’entraide administrative également dans des affaires de soustraction fiscale et plus seulement de fraude fiscale.

Santé. Un autre thème important concerne la politique de santé. Après de longues discussions au sein de la commission préparatoire, le Conseil national (Chambre basse) va se prononcer sur les réseaux de soins intégrés. Si les parlementaires acceptent cette réforme, les assurés seront encouragés par des incitations financières à s’inscrire dans un réseau de soins. Le modèle du libre choix du médecin ne sera ainsi plus la norme.

Retraites. Il y aura également du mouvement en ce qui concerne la 11e révision de l’AVS, qui stagne depuis un bon moment. En contrepartie de l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, la gauche plaide pour l’introduction d’une retraite anticipée pour les personnes de condition modeste. Ce à quoi la droite s’oppose. Le Conseil des Etats (Chambre haute) devra se prononcer sur une proposition de compromis du ministre Didier Burkhalter.

Autres. Les parlementaires se pencheront également sur la question des apprentis sans-papiers, d’une éventuelle loi pour les sports à risque et sur la régulation du prix des livres vendus par correspondance.

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