L’opposition turque lance une longue marche pour la justice
(Keystone-ATS) Des milliers de personnes ont entamé jeudi à Ankara, à l’appel de la principale formation d’opposition, une longue marche qui doit les mener jusqu’à Istanbul, distante de 450 km. Elles s’insurgent contre l’incarcération d’un député du parti pour espionnage.
Enis Berberoglu, du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), a été condamné mercredi à 25 ans de prison pour avoir fourni au quotidien d’opposition Cumhuriyet des informations confidentielles. C’est la première fois qu’un député du CHP, parti fondé par le père de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk, est écroué depuis la levée de l’immunité parlementaire l’année dernière.
Décision « politique »
Le CHP s’est immédiatement soulevé contre cette décision, plusieurs députés la qualifiant de « politique ». Le dirigeant du parti, Kemal Kiliçdaroglu, a décidé, en protestation, de parcourir à pied les plus de 450 km qui séparent Ankara d’Istanbul où le député est incarcéré.
« S’il y a un prix à payer, je le paierai en premier », a déclaré M. Kiliçdaroglu. « Je vais marcher jusqu’à Istanbul. Et nous poursuivrons notre marche jusqu’à ce qu’il y ait de la justice en Turquie » Le chef de parti a parcouru 18 km en 5 heures jeudi, avant de faire une pause pour la soirée, a déclaré son porte-parole.
Il a également appelé tous ceux qui veulent défendre la justice à soutenir sa démarche. Plusieurs milliers de personnes ont marché avec lui depuis le centre-ville d’Ankara, brandissant des pancartes portant le mot « Justice », selon une journaliste de l’AFP sur place. « Ne restez pas silencieux. Si vous êtes silencieux, votre tour viendra », scandaient-ils, ainsi que « côte-à-côte contre le fascisme ».
Des affrontements ont éclaté en milieu de journée avec des opposants au CHP, sans que cela ne dégénère. Des manifestations de soutien ont été organisées dans plusieurs villes du pays, ont rapporté les médias locaux. A Istanbul, un rassemblement a réuni plusieurs centaines de personnes, a constaté une autre journaliste de l’AFP.
Armes turques amenées en Syrie
Enis Berberoglu est accusé d’avoir fourni au quotidien d’opposition Cumhuriyet une vidéo affirmant montrer l’interception, en janvier 2014 à la frontière syrienne, de camions appartenant aux services secrets turcs (MIT) et transportant des armes en Syrie.
Cette affaire avait fait scandale et provoqué la fureur du président Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier avait promis au rédacteur en chef de Cumhuriyet de l’époque, Can Dündar, qu’il en « paierait le prix ».
M. Berberoglu, qui comparaissait libre mercredi, a été incarcéré immédiatement après l’annonce du verdict par le tribunal. L’avocat du député a fait appel de cette décision dès jeudi matin, a rapporté l’agence privée Dogan.