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La forêt, une richesse mal exploitée

Facteur économique, la forêt est aussi un élément du paysage et un lieu de détente. Keystone

L’une des rares ressources naturelles du pays, c’est le bois. Chaque année, ce sont quelque 10 millions de mètres cubes qui poussent en Suisse! Or seule la moitié est abattue.

C’est pourquoi, samedi, la Journée internationale de la forêt est consacrée ici à la promotion de l’utilisation du bois.

«On est vraiment dans une crise», admet Philippe Roch, directeur de l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP).

«Le manque de rentabilité de la forêt ne permet plus d’exploiter celle-ci normalement et, par conséquent, d’utiliser au mieux cette magnifique ressource», ajoute-t-il.

Et pourtant de nombreux efforts ont été entrepris ces dernières années pour tenter d’inverser la tendance. Car cela fait bien trois décennies que l’on parle de sous-exploitation.

Facteurs multiples

Les causes en sont diverses. «Tout d’abord, comme l’explique Markus Mooser, directeur de Cedotec, l’association faîtière de l’économie du bois, on se situe dans un marché mondial et c’est lui qui fixe les prix. Or dans certains pays, les subventions sont plus généreuses que celles octroyées en Suisse».

De plus, le prix du bois est tellement descendu ces dernières années que les subventions ne suffisent plus. Et, ce qui n’arrange rien, pour des raisons d’économie budgétaire, la Confédération doit encore les réduire.

«Il y a aussi la concurrence accrue, qui a entraîné une chute des prix des matières premières» souligne Philippe Roch. Cette concurrence est due à des exploitations très mécanisées, notamment en Europe de l’Est.

Autre élément défavorable, pour le directeur de l’OFEFP: la structure d’exploitation. En Suisse, on trouve beaucoup de petites scieries, et des exploitations forestières limitées à de petites surfaces. Ce qui suppose une main-d’œuvre importante.

Markus Mooser, lui, voit encore une autre raison. La forêt suisse, dit-il, est exploitée de «façon parfaite», c’est-à-dire respectueuse de l’environnement. De ce fait, les coûts sont relativement importants. A tout cela, il faut ajouter, entre autres, le prix du terrain et celui de la main-d’œuvre. Bref, un véritable cercle vicieux…

Question de choix

Que faut-il faire? Privilégier l’économie ou l’environnement? Et dans le deuxième cas, les efforts en matière d’écologie auraient-ils un effet pervers?

Philippe Roch estime, lui, qu’il faut libéraliser l’exploitation forestière afin que celle-ci soit plus économique, qu’elle puisse être effectuée avec des méthodes plus modernes, et que les contrôles soient moins sourcilleux.

Le directeur de l’OFEFP nuance toutefois en précisant que cette libéralisation ne concerne que les forêts de production, soit une petite partie des forêts helvétiques.

La monoculture est plus rentable. Serait-elle alors envisageable? «C’est peu imaginable à cause du terrain, explique Philippe Roch, car nous n’avons pas de grandes surfaces planes».

«De plus, poursuit-il, une telle méthode est en contradiction avec d’autres fonctions de la forêt, comme le paysage, la détente, la protection du sous-sol etc».

«Il est tout à fait légitime, ajoute-t-il, d’essayer d’améliorer et de rendre plus efficace l’exploitation, mais on ne peut pas dépasser certaines limites qui sont imposées par la nature elle-même».

Ainsi, tout le monde est d’accord sur le rôle protecteur que revêt la forêt en certains lieux, les pentes à avalanches par exemple. Dans de tels cas, une forte exploitation serait absurde. D’autant plus que remplacer les arbres par des paravalanches coûterait extrêmement cher.

Le bois à tout faire

Comment convaincre les intéressés d’utiliser le bois à disposition? La Confédération verse quatre millions par an à un fonds, afin de soutenir des projets qui visent à rationaliser la chaîne du bois ou à ouvrir des marchés.

«Il s’agit, par exemple, d’encourager les constructions en bois ou les développements de technologies. Et aussi l’utilisation du bois pour le chauffage, ce qui permet d’éviter la consommation de pétrole».

Il ne s’agit pas de subventions directes, mais de mesures d’encouragement.

Ainsi, la nouvelle gare de Landquart, dans le canton des Grisons – inaugurée samedi – est une concrétisation de cette politique. Environ 900 mètres cubes de bois indigène ont été utilisés pour sa construction!

swissinfo, Chantal Nicolet

– Dix millions de m3 de bois poussent chaque année dans la forêt suisse. Seuls 4,5 millions de m3 sont abattus.

– Avec plus de 360 m3 de bois par hectare de forêt, la Suisse a le volume de bois sur pied le plus élevé d’Europe.

– Environ 90’000 personnes travaillent dans le secteur du bois.

– Le programme d’encouragement bois21, échelonné sur dix ans, a été lancé en 2001 pour favoriser l’écoulement du bois indigène.

– Il a été élaboré en commun par la Confédération, l’industrie du bois, l’économie forestière, les hautes écoles et les associations de protection de l’environnement.

– Pour la deuxième étape de 2004 à 2007, la Confédération injecte quatre millions de francs par an.

– La Journée internationale de la forêt a été lancée à la fin des années 70 par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La Suisse marque l’événement depuis 1988.

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