La Suisse peut mieux faire
(Keystone-ATS) Quatre personnes sur dix ont atteint un niveau social supérieur à celui de leurs parents au XXe siècle. Cette stabilité surprend face aux différentes révolutions économiques qu’a connues la Suisse en 100 ans.
La sociologue lausannoise, Julie Falcon, jette un pavé dans la mare. La méritocratie reste relative en Suisse: l’ascenseur social ne fonctionne pas aussi bien que l’on pourrait penser. Si quatre personnes sur dix s’en sortent mieux que leurs parents, deux dégringolent et quatre autres restent au même niveau.
Les inégalités vont se creuser
Plus grave, l’enseignante à l’Université de Lausanne pense que les inégalités risquent de se creuser dans les prochaines années. L’origine sociale semble prendre encore plus d’importance chez les personnes nées après 1970.
La transformation de l’économie vers celle des services n’a pas augmenté la mobilité sociale, poursuit la chercheuse. « L’accès à l’université s’est surtout ouvert aux personnes les plus favorisées, et le niveau d’études est devenu plus important pour atteindre la classe moyenne supérieure. »
De génération en génération
Les inégalités sociales semblent ainsi se reproduire génération après génération, selon des recherches menées par Julie Falcon. La chercheuse s’est appuyée sur les données de personnes nées entre 1908 et 1978, en compilant les données d’une vingtaine d’enquêtes.
Les informations ont été regroupées en trois catégories: la classe moyenne supérieure (cadres, chefs d’entreprise, ingénieurs, professions libérales et intellectuelles, enseignants), la classe intermédiaire (petits commerçants et artisans, agriculteurs, professions intermédiaires) et la classe populaire (employés de niveau inférieur et ouvriers).
A l’exception des personnes nées entre 1908 et 1934, les chances d’accéder à une catégorie sociale plus élevée que celle de ses parents n’ont pas augmenté. « Ce qui est intéressant, c’est de constater que ces chiffres restent stables durant le XXe siècle. En général, les gens pensent que les perspectives d’ascension sociale ont augmenté », a expliqué la chercheuse à l’ats.
Pour les personnes nées entre 1965 et 1978, 19% des hommes et 14% des femmes sont allés à l’université contre respectivement 8% et 3% pour les hommes et les femmes nés entre 1908 et 1934. « Cette augmentation profite d’abord aux classes supérieures, qui sont surreprésentées dans les universités ».
Une femme sur trois (29%) de la cohorte 1965-1978, issue de la classe moyenne supérieure, est allée à l’uni contre 5%, de la classe populaire et 11% de la classe intermédiaire. Pour les hommes, ces proportions valent 39% pour la classe moyenne supérieure, 14% pour la classe intermédiaire et 9% pour la classe populaire.
Faiblesse des bourses
« Le système éducatif reste très sélectif, relève la sociologue. Et le système des bourses, par exemple, n’est pas très développé ».
A un niveau de formation égal, les personnes issues de la classe moyenne supérieure se placent souvent mieux que celles venant d’autres couches sociales. Relativement atténuée par un passage par l’uni, cette injustice est plus forte si l’on emprunte les autres filières.
Même l’apprentissage, une voie plébiscitée en Suisse, ne permet pas toujours d’atteindre les sommets. « Celui-ci permet de trouver rapidement un emploi. Mais après on ne grimpe pas facilement dans l’échelle sociale. Et ceux qui y arrivent proviennent généralement d’une classe élevée », poursuit-elle.
Si elle devait citer un pays qui fait mieux, la chercheuse évoque la Suède. « Les inégalités entre les habitants sont moins fortes au départ. Et les enfants vont tôt à la crèche, ce qui permet un travail en amont, gommant ainsi les écarts culturels. »
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